La France présente son avant-projet de loi énergie-climat sans mentionner les objectifs renouvelables européens

La ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, arrive au Conseil des ministres de l'Énergie de l'UE à Bruxelles, Belgique, le 19 décembre 2023. [EPA-EFE/OLIVIER HOSLET]

L’avant-projet de loi, qui détaille les grandes priorités énergétiques de la France pour 2030, fait la part belle au nucléaire au détriment des énergies renouvelables qui sont à peine mentionnées, allant à l’encontre des objectifs européens en la matière.

La loi sur la «souveraineté énergétique» vise à définir les objectifs et les grandes priorités d’action en matière climatique de la France.

L’avant-projet, qui peut encore évoluer d’ici sa présentation en Conseil des ministres fin-janvier début-février, avant débat à l’Assemblée nationale, détaille les grandes priorités énergétiques que la France doit atteindre à l’horizon 2030, mais fait l’impasse sur les objectifs définis dans la directive sur les énergies renouvelables (RED) adoptée l’année dernière.

Cette directive, entrée en vigueur le 20 novembre, précise que l’UE doit atteindre 42,5 % de renouvelables dans la consommation finale d’énergie — au moins 44 % en France, selon les calculs de Bruxelles.

Or, le texte de loi français ne fait aucunement mention de ces objectifs.

Pire, l’article 1er du texte supprime du code de l’énergie français les objectifs chiffrés actuels de production et de consommation de renouvelables électriques, sans dispositions nouvelles de nature à transposer les objectifs européens.

Interrogés sur ce manquement aux règles européennes, les responsables français démentent que la France recule sur ses engagements en matière d’énergies renouvelables.

« Atteindre un objectif et définir une cible sont deux choses différentes », a considéré lundi (8 janvier) le cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

«Il est strictement faux de dire que nous n’avons pas d’objectif renouvelable dans ce texte », tonne un officiel. « L’avant-projet de loi mentionne les énergies renouvelables et leur confère un rôle crucial, celui de clef de voûte : une fois que l’on a posé toutes les bases des filières existantes [nucléaire, etc.], les renouvelables assurent le dernier kilomètre. »

En outre, le cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher rappelle que la stratégie énergie-climat dévoilée fin septembre prévoit bien des objectifs de développement pour les énergies renouvelables.

La stratégie française

La stratégie énergie-climat mentionne en effet des objectifs de production d’électricité grâce aux renouvelables d’ici à 2030 et 2035, qui seront repris dans la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Sauf que cet argument est « fragile », note l’avocat en droit de l’Environnement, Maître Arnaud Gossement.

D’abord, parce que la PPE est un texte réglementaire et à donc « une valeur juridique inférieure à celle de la loi ». Ensuite, parce que le code de l’énergie prévoit que les objectifs de développement de la production et de la consommation de renouvelables figurent dans une loi.

Enfin, parce que « la PPE doit être le reflet des priorités définies dans la loi. Si cette dernière ne comporte plus aucun objectif chiffré de développement des énergies renouvelables électriques, il sera difficile pour la PPE de considérer ce développement comme une priorité », ajoute Maître Gossement.

Discussions à Bruxelles

En outre, les objectifs formulés dans la stratégie énergie-climat française ne sont toujours pas exprimés en pourcentage de la consommation finale d’énergie, conformément à la directive européenne sur les renouvelables.

La France traduit donc dans son corpus juridique ce qu’elle défend depuis plusieurs mois à Bruxelles, à savoir des objectifs décarbonés plutôt que renouvelables qui permettent de tenir compte de la production nucléaire.

« Nous considérons que notre stratégie et objectif final [au niveau européen] doit être un objectif de décarbonation », déclarait le cabinet de la ministre fin décembre après que la Commission européenne ait rendu ses recommandations sur le plan national intégré énergie-climat (PNIEC) français.

En ce sens, la France a préféré inscrire un objectif en pourcentage d’ «énergie décarbonée» plutôt que renouvelable, arguant que cette production «est sujette à incertitudes», selon le cabinet de Mme Pannier-Runacher.

Le PNIEC français doit être remis d’ici juin dans sa version finale. Et pour le moment, la Commission européenne recommande toujours à la France de « relever significativement les ambitions » en matière de renouvelable, malgré la persistance française.

En filigrane, le gouvernement semble avancer ses pions pour les objectifs climatiques européens de 2040 que la Commission européenne doit présenter le 6 février prochain.

Dans ce cadre, la France compte faire pression avec une dizaine d’États membres de l’alliance du nucléaire pour que les objectifs 2040 portent sur les énergies bas-carbone plutôt que renouvelable.

Agnès Pannier-Runacher se rend d’ailleurs à Prague, lundi et mardi (8 et 9 janvier), pour continuer les discussions. Son cabinet «compte beaucoup sur la Belgique», présidente du conseil de l’UE jusqu’au 30 juin 2024, «pour poursuivre la dynamique enclenchée sous les précédentes présidences du conseil de l’UE autour de la neutralité technologique», insiste-t-il.

Une rencontre est d’ailleurs prévue entre Mme Pannier-Runacher et son homologue belge, Tinne Van der Straeten, dans les prochaines semaines, nous confie le cabinet.

Lire l’avant-projet de loi (en français) : ENER2335611L Rose-1 PJL

[Édité par Frédéric Simon]

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