Selon un rapport publié jeudi 29 août par le groupe de réflexion Ember, l’Europe centrale pourrait produire jusqu’à 191 TWh d’électricité par an en développant de l’énergie photovoltaïque sur des zones agricoles, soit plus que la consommation électrique totale de la Pologne en 2022.
L’agrivoltaïsme associe production d’électricité photovoltaïque et production agricole sur une même surface. Il s’agit d’une pratique très développée au Japon, avec quelque 2 000 installations dans l’archipel. Elle reste cependant marginale en Europe.
Le rapport d’Ember recommande donc des investissements et la mise en place d’une stratégie pour aider à développer les capacités agrivoltaïques de l’Europe centrale.
Selon un rapport de la Commission européenne datant de 2023, l’Europe dispose d’un potentiel de 1 000 GW de capacité agrivoltaïques. À titre de comparaison, la stratégie de l’UE en matière d’énergie solaire vise une capacité photovoltaïque totale de 590 GW d’ici 2030.
À l’heure où les ONG environnementales dénoncent le manque d’ambition des plans nationaux de lutte contre le changement climatique des États d’Europe centrale et orientale, cette pratique pourrait offrir à ces pays des solutions supplémentaires en matière de décarbonation.
Selon le groupe de réflexion Ember, le déploiement de seulement 9 % du potentiel estimé de l’agrivoltaïsme pourrait couvrir tous les besoins en électricité de l’agriculture et de la transformation des aliments en Europe centrale.
Cependant, certains pays de la région — dont la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie — ne disposent toujours pas de règlementation concernant l’agrivoltaïsme. En revanche, l’Europe occidentale, où il existe des politiques de partage des terres pour l’agriculture et la production d’électricité sans perte de subventions agricoles, compte 200 projets de ce type.
Pawel Czyzak, responsable régional d’Ember pour l’Europe centrale et orientale, explique à Euractiv qu’une législation spécifique est donc nécessaire. Sans cela, les agriculteurs seront obligés de transformer leurs terres pour installer des panneaux solaires.
« En tant que propriétaire, vous retirez votre terre de la production alimentaire et vous perdez les subventions agricoles de la Politique agricole commune (PAC) », explique-t-il, ajoutant que ces subventions sont une source majeure de revenus pour les agriculteurs.
Les avantages et les inconvénients
Pour le journaliste spécialisé Enrico Becchi, l’agrivoltaïsme présente des avantages environnementaux, agricoles et économiques.
Par exemple, le déploiement de panneaux solaires au-dessus des cultures permet de créer de l’ombre et de produire de l’énergie tout en permettant l’utilisation des terres agricoles. Ces systèmes peuvent également collecter l’eau de pluie et la redistribuer au cours de la journée.
L’agrivoltaïsme peut aussi fournir aux agriculteurs un revenu régulier grâce à la production et à la revente d’électricité. Et s’ils ne peuvent pas générer de revenus directs, ils peuvent louer leurs terres ou rendre leur exploitation autosuffisante en énergie.
Néanmoins, ce type de technologie n’est pas adapté à tous les types de production agricole. En effet, certaines variétés de fruits et légumes nécessitent beaucoup de lumière et ne peuvent grandir à l’ombre.
Par ailleurs, l’installation de panneaux solaires au milieu des champs dans lesquels sont utilisés des machines agricoles augmente les risques d’accidents et de dégradation du matériel.
Enfin, certains observateurs soulignent que certains agriculteurs pourraient abandonner la production agricole et vivre exclusivement de la vente d’électricité, dont la production est moins longue et les revenus plus stables.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]