Les exploitations bovines ont été exclues du champ d’application de la nouvelle directive de l’UE visant à réduire les émissions industrielles, dans le cadre d’un accord entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE — une position en deçà de la proposition initiale de la Commission européenne.
Dans leur accord politique provisoire sur la révision de la directive relative aux émissions industrielles (IED) dévoilé mercredi (29 novembre), le Parlement européen et du Conseil de l’UE ont décidé de ne pas inclure les bovins. Cette décision contraste avec la proposition initiale de la Commission, qui souhaitait fixer des limites d’émissions pour les grands élevages bovins.
« Non, les éleveurs bovins ne sont pas des industriels et les vaches ne sont pas des déchets ! », a déclaré Benoît Lutgen, eurodéputé du Parti populaire européen (PPE) de centre droit, sur X. Selon lui, cet accord constitue « un soulagement pour les éleveurs bovins ».
L’IED a pour objectif de contribuer à atteindre l’objectif central du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal), à savoir la neutralité climatique d’ici 2050. À cette fin, elle fixe des limites d’émissions pour certaines industries, y compris les exploitations agricoles qualifiées d’« industrielles ».
« Cet accord marque une étape cruciale dans la mise en place de mesures solides pour la protection de l’environnement et de la santé humaine », peut-on lire dans une déclaration du parti Socialiste et Démocrate européen (S&D).
Les co-législateurs discutent depuis plusieurs mois du seuil d’unités de gros bétail (UGB) au-dessus duquel les différentes exploitations pourraient être tenues de respecter des limites d’émissions, mais également de la nécessité d’inclure les élevages bovins dans la directive.
Les eurodéputés ont finalement exclu les exploitations bovines du champ d’application de la loi et ont chargé la Commission européenne d’évaluer d’ici 2026 la nécessité d’une action européenne pour lutter contre les émissions provenant de ces élevages.
« La Commission européenne doit […] communiquer de manière équitable et transparente avec les agriculteurs avant de revenir devant le Parlement avec une nouvelle proposition législative sur l’inclusion des bovins », a déclaré un autre législateur du PPE, Radan Kanev.
L’accord a également réduit l’ambition de la Commission en fixant un seuil plus élevé pour les élevages de porcs et de volailles que la proposition initiale de l’exécutif, présentée en avril 2022. Dans les faits, cela signifie que moins d’élevages tomberont sous le coup de la directive.
Concrètement, les législateurs ont convenu de définir comme « industrielles » les exploitations qui comptent plus de 350 unités de gros bétail (UGB) pour les porcs, 300 UGB pour les volailles et 280 pour les poulets de chair. La Commission visait pour sa part l’objectif plus ambitieux de 150 UGB pour l’ensemble du bétail, y compris les bovins.
Trop ou pas assez ?
L’association des agriculteurs de l’UE, la COPA-COGECA, a salué les efforts des législateurs pour modifier « une proposition de la Commission déconnectée des réalités du terrain ». Toutefois, elle a déclaré que l’accord « ignorait » les conséquences pour les élevages de volailles et de porcs.
L’association a également déploré que la question des importations agricoles ne soit pas résolue.
« Qui pourra expliquer aux familles d’agriculteurs européens que nous allons importer […] de la viande et des œufs d’entreprises étrangères qui ne respecteront aucune des normes de la directive sur l’étiquetage des produits agricoles ? »
Les agriculteurs ont demandé une « clause de réciprocité » afin de garantir que les producteurs non-UE respectent des exigences environnementales similaires à celles des producteurs de l’Union. Le Parlement européen a d’abord soutenu cette idée, mais le Conseil s’est montré hésitant et une telle clause n’a finalement pas été incluse dans l’accord.
Les deux co-législateurs ont plutôt demandé à la Commission d’examiner d’ici 2026 une telle clause, qui garantirait que « les producteurs des pays tiers se conforment à des critères équivalents aux règles européennes lorsqu’ils exporteront vers l’UE », peut-on lire dans un communiqué du Parlement.
Le Bureau européen de l’environnement (BEE), une ONG environnementale, a déclaré que la nouvelle directive « maintenait la protection du statu quo polluant ».
« C’est un exemple amer de la façon dont les preneurs de décision de l’UE sont déconnectés des intérêts publics et ne veulent pas traduire le Green Deal de l’UE en règles claires », a déploré le responsable politique du BEE, Christian Schaible.
De même, l’organisation de protection des animaux Four Paws a déploré qu’« une nouvelle occasion d’adapter l’industrie de l’élevage à l’avenir soit perdue ».
L’accord provisoire conclu entre les institutions va à présent être soumis aux représentants des États membres au sein du Conseil de l’UE et aux députés européens. Si elles sont approuvées, les nouvelles règles concernant le bétail seront appliquées progressivement, en commençant par les plus grandes exploitations en 2030.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]