Toujours des interrogations autour du plus grand projet de mine de lithium en France

Après cinq mois de consultation, la Commission nationale du débat public a rendu un compte-rendu qui pointe plusieurs points au niveau du projet qui nécessitent une possible révision. [Aurélien Gerber/site de la CNDP]

La Commission nationale du débat public (CNCP) a publié ses conclusions lundi 30 septembre sur l’ouverture du plus grand projet de mine de lithium en France, après cinq mois de débats publics. 

Annoncé en octobre 2022 par la société minière française Imerys, le projet EMILI vise à exploiter à Échassières dans l’Allier, le plus important gisement de lithium en France. Le projet, d’un coût d’un milliard d’euros, comprend une usine de concentration sur le site de la mine à Échassières, une plateforme de chargement à Saint-Bonnet-de-Rochefort et une usine de conversion en périphérie de Montluçon. Prévue pour une exploitation sur 25 ans, la mine doit produire assez de lithium pour équiper 700 000 véhicules par an.

Par son ampleur, ce chantier a suscité de nombreuses interrogations de la part de la population locale, tant au niveau de l’impact environnemental que sur ses retombées économiques.

Après cinq mois de consultations, 3 628 participants, 3 463 contributions, 42 évènements, dont 12 réunions publiques dans l’Allier, en résulte de nombreuses questions et quelques recommandations résumées dans le compte-rendu présenté lundi par la Commission nationale du débat public (CNDP).

Différences de vision

Ce débat a permis de faire émerger différentes visions sur les projets miniers et d’ainsi comprendre les points d’achoppement qui empêchent leurs réalisations.

« Pour l’un, l’activité minière est « passéiste » et dépassée, foncièrement dangereuse et polluante. Pour l’autre, l’innovation technique permettra de la faire progresser, dans un objectif de moindre impact », peut-on lire dans le compte-rendu du CNDP.

Une partie des participants considèrent en outre que les besoins urgents pour la transition écologique justifient la production d’un lithium français pour décarboner les transports, par exemple. D’autres, plus pessimistes, prônent la sobriété et critiquent une course à la consommation et ses impacts sur le vivant.

Vers le tout électrique

Indispensable à la confection de batteries et donc à la transition vers le tout électrique, les besoins en lithium poussent l’Union européenne et la France à multiplier les politiques et projets en faveur de son exploitation.

L’adoption d’une législation européenne sur les matières premières critiques en mars 2024 ou encore l’entrée en vigueur en juillet de la réforme du Code minier au niveau français, témoignent d’une volonté politique de gagner en autonomie et d’accélérer l’extraction de ce métal stratégique pour répondre notamment aux besoins de l’industrie automobile qui ne pourra plus vendre de véhicules thermiques neufs après 2035.

Les notions de souveraineté et d’indépendance énergétique n’ont cependant pas convaincu les parties prenantes des débats dans l’Allier, relèvent les organisateurs. Tous, en revanche, se sont entendus sur le fait que l’État doit avoir un contrôle intransigeant sur le projet d’Imerys.

Cette réaction unanime montre que les populations locales continuent de se fier aux pouvoirs publics sur des projets aussi importants, bien que le classement du projet comme « Projet d’Intérêt National Majeur » a suscité surprises et inquiétudes.

Des questions en suspens

Les réunions publiques ont permis de pointer plusieurs points d’attention au niveau du projet qui nécessitent une possible révision.

Le premier concerne la localisation de la plateforme de chargement où les minerais extraits seront mis dans des trains en direction de l’usine de conversion à Montluçon. Originalement prévue à Saint-Bonnet, la commune souhaite cependant conserver son identité rurale et de « station verte », loin d’une activité économique polluante.

L’autre question majeure concerne le traitement futur des 1 350 000 tonnes annuelles de résidus à Échassières et des 600 à 800 000 tonnes issues de l’usine de conversion. Dans le  projet initial, il est prévu de s’en servir pour remblayer les galeries qui ne sont plus exploitées. Les résidants locaux demandent à ce sujet plus de garanties au niveau de l’étanchéité pour ne pas polluer les nappes.

La disponibilité en eau pour ce projet, qui devrait consommer 1 200 000 m3 dans les bassins de la Sioule et du Cher, inquiète également les agriculteurs et les riverains. Plus encore lorsque l’on sait les manques chroniques en eau de ces rivières.

Des recommandations pour le futur du projet

Le CNDP recommande ainsi à Imerys, à RTE et à l’État « d’exposer les critères de décision concernant la profondeur et la durée d’exploitation de la mine, l’équilibre du réseau électrique, le bilan carbone global. »

Il est également demandé à la société minière de partager ses données concernant les risques et d’impliquer plus les citoyens dans la gouvernance du projet. Dans le même ordre d’idée, le compte-rendu conseille de maximiser l’ancrage local de la mine grâce à des formations pour les populations riveraines en recherche d’emploi.

La CNDP recommande enfin à l’État d’ouvrir un débat sur sa stratégie d’approvisionnement en métaux et minerais critiques, sur les activités minières, ainsi que sur les trajectoires en matière de mobilités.

La balle est maintenant dans le camp des promoteurs du projet, qui doivent « répondre sous trois mois à toutes ces propositions et indiquer lesquelles ils retiennent ou non, et pourquoi » comme indiqué sur le site du CNDP.

Si le projet se poursuit, une concertation continue sera organisée jusqu’à une éventuelle enquête publique.

Dans l'Allier, une future mine de lithium suscite l'intérêt des pouvoirs publics et les critiques des associations locales

En octobre 2022, la société Imerys annonçait vouloir exploiter un gisement de lithium d’importance mondiale dans le centre de la France. Un an après, le débat s’ouvre entre riverains, élus locaux et la compagnie minière — un scénario voué à se répéter tant les projets similaires se multiplient en France.

[Edite par Paul Messad.]

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