Après l’avoir défendu pendant de long mois, le Parlement européen a fini par abandonner son objectif de 40 % d’efficacité énergétique pour 2030, au profit d’un compromis à 35 %.
Les eurodéputés ont décidé de s’accorder sur une amélioration contraignante de 35 % de l’efficacité énergétique d’ici 2030, avant les négociations avec les États membres. Ils ont donc abandonné leur objectif de 40 %, au profit d’une position commune, qui a plus de chance d’être acceptée par le Conseil.
Ils ont cependant gardé leur objectif pour l’économie de 1,5 % d’énergie d’ici 2030, inclus dans leur proposition de rapport, et d’y inclure le secteur des transports, qui en était jusqu’ici exempté. Le commissaire au climat, Miguel Arias Cañete, s’est félicité de l’accord conclu et a promis de faire de son mieux pour qu’un accord « ambitieux » soit adopté aux termes des négociations avec les États.
Tous ne crient pas victoire aussi facilement. Martina Werner, eurodéputée socialiste allemande, s’est ainsi déclarée très déçue de l’abandon de l’objectif de 40 %, longtemps défendu par le Parlement. Elle souligne néanmoins que l’issue des discussions montre que l’institution envisage avec sérieux la transition énergétique.
Le compromis a cependant l’avantage d’avoir fait bouger le PPE, le groupe le plus représenté au Parlement européen, qui s’en tenait jusqu’ici à un objectif de 30 %.
L’issue du vote est restée incertaine jusqu’au bout. En effet, le S&D, dont le rapporteur était le tchèque Miroslav Poche et le PPE, guidé par Markus Piper, ont jusqu’ici été incapables de s’accorder sur les aspects essentiels du dossier.
Après le vote, le rapporteur du PPE s’est félicité que ses collègues aient accepté de renoncer aux 40 %, un objectif selon lui absolument impossible, et a estimé que le texte était « un bon début » pour les négociations en trilogue. Une opinion partagée par le responsable du dossier chez les Verts/ALE, Jávor Benedek.
Miroslav Poche a pour sa part remercié ses collègues de lui avoir donné « un mandat [de négociation] solide. 485 eurodéputés se sont en effet exprimés pour la proposition du Parlement, avec seulement 132 votes contraires et 58 abstentions. L’eurodéputé avait remplacé au pied levé son collègue Adam Gierek en décembre et représentera le Parlement lors des négociations à venir, durant lesquelles il devra convaincre les États membres de hausser leur objectif, à présent fixé à 30 %.
Pas d’ajustement
Entre le vote de la commission ENVI en novembre et cette semaine, Markus Pieper a insisté pour ajouter un mécanisme d’ajustement, qui modifierait les objectifs en fonction des changements de l’économie, en échange de l’objectif à 35 %. Les élus socialistes, y compris la vice-présidente Kathleen Van Brempt, ont insisté sur le fait qu’un tel mécanisme était « inutile » et il a été rejeté dans le texte final.
« Des objectifs d’efficacité ambitieux ne mettent pas notre économie en péril. Au contraire: l’efficacité énergétique renforce la compétitivité des industries européennes », a d’ailleurs souligné Martina Werner.
« Pas à la hauteur »
Certains groupes environnementaux ne comprennent cependant pas la volonté du Parlement d’abandonner les 40 %, un chiffre toujours soutenu dans le passé par la commission ENVI et les résolutions parlementaires.
« La position adoptée aujourd’hui n’est pas à la hauteur. Au moment crucial, les eurodéputés ont cédé et ont accepté un objectif décevant », estime Clémence Hutin, militante des Amis de la Terre Europe. Elle reproche au PPE d’avoir abaissé le niveau d’ambition et qualifie son rôle dans les négociations de « déplorable ».
Roland Joebstl, expert en énergie du Bureau européen de l’environnement (BEE), s’est montré plus optimiste, insistant sur le fait que l’inclusion du secteur des transports dans les économies d’énergie ferait du texte « une partie intégrante de la réussite de l’efficacité énergétique ».
Jusqu’à présent, les déchets et la pollution provenant des transports n’étaient pas pris en compte dans les plans d’efficacité, mais le Parlement aura maintenant la possibilité de défendre sa position en faveur de l’inclusion du secteur lors des négociations avec les États membres.
C’est cependant sur un détail que le PPE crie aujourd’hui victoire, un point qui aurait, selon Markus Pieper, imposé des taux de rénovation « irréalistes » aux bâtiments publics. Ce point a donc été supprimé, et ce sont les bâtiments liés aux gouvernements nationaux qui devront être rénovés.
Pas de drame
Un rapport sur la mise à jour de la directive sur les énergies renouvelables (REDII) de l’eurodéputé espagnol José Blanco López a été adopté comme prévu juste avant le vote sur l’efficacité énergétique. Le législateur socialiste a obtenu une approbation forte pour porter son texte durant les négociations en trilogue, puisque 492 élus ont voté pour, 88 contre et 107 se sont abstenus.
Malgré les appels lancés par des groupes écologistes en amont et la chute récente des prix des énergies renouvelables, les législateurs ont maintenu un objectif non contraignant de 35 % de renouvelables dans leur bouquet énergétique. Les propositions concernant un objectif de 40 % ou un objectif contraignant de 35 % ont toutes deux été rejetées.
Le groupe industriel Solar Power Europe a néanmoins déclaré que l’objectif convenu montrait que l’UE était un « champion de l’énergie » et a appelé le Parlement à se battre pour le garder face aux deux autres institutions du trilogue. Son homologue éolien WindEurope a également salué cette l’amélioration de la proposition initiale de la Commission.
L’exécutif de l’UE ne proposait en effet au départ que 27% de renouvelable, bien qu’il ait récemment admis qu’un objectif plus élevé serait abordable, reconnaissant que les prix plus bas et l’accord de Paris ont changé la donne.
Sur un aspect plus controversé de la séance, les législateurs se sont prononcés en faveur d’une interdiction de l’utilisation de l’huile de palme comme biocarburant, tout en acceptant de geler la proportion d’autres carburants à base de cultures à leur niveau actuel.
Après la saga sur l’efficacité énergétique, les eurodéputés ont voté sur la gouvernance de l’union de l’énergie, ce qui a donné un certain nombre de résultats encourageants, y compris un projet amenant à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2050, ainsi qu’un budget carbone, une proposition dont l’adoption était incertaine.