L’UE multiplie les garde-fous sur l’utilisation de la biomasse

Centrale au charbon et à la biomasse à Rotterdam, aux Pays-Bas. [Shutterstock]

La révision de la directive renouvelable alimente le débat sur la déforestation potentiellement induite par le recours à la biomasse.

Les derniers pourparlers visant à réviser la directive européenne sur les énergies renouvelables ont débuté le 27 février, attisant un débat passionné sur la forêt.

« La plupart des gens ne le savent pas, mais la biomasse représente environ 50 % de la consommation d’énergie renouvelable en Europe », rappelle Giulio Volpi, de la DG de l’énergie, à la Commission européenne.

Giulio Volpi souligne les nouveaux critères de durabilité inclus dans la directive révisée, qui introduisent « des sauvegardes minimales » pour garantir que la biomasse consommée en Europe provient uniquement de forêts gérées de manière durable et tenant compte de leur capacité à capter le dioxyde de carbone de l’atmosphère.

En vertu du nouveau texte, chauffage et de l’électricité fonctionnant à la biomasse devront émettre 80 % moins de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles – et jusqu’ à 85 % moins à partir de 2026, indique-t-il.

Un troisième critère applicable à partir de 2021 prévoit que l’électricité produite à partir de la biomasse ne puisse bénéficier d’un soutien public « que si elle utilise une technologie efficace de production combinée de chaleur et d’électricité ».

L’objectif d’énergies renouvelables de 27 % devrait être revu à la hausse

Selon une nouvelle étude de l’IRENA, l’Europe pourrait poursuivre un objectif plus ambitieux de 34 % d’énergies renouvelables pour 2030, tout en maintenant les coûts à un niveau abordable.

Une politique « désastreuse »

Ces garde-fous ne convainquent cependant pas Alex Mason, responsable de la politique des énergies renouvelables chez WWF.

« Lorsque les arbres sont brûlés, ils libèrent immédiatement le CO2 qu’ils ont mis des décennies ou parfois des siècles à absorber », explique-t-il. Et même si de nouveaux arbres sont replantés après l’abattage, il faudra encore des décennies pour qu’ils repoussent et capturent lentement du carbone, ajoute-t-il, avertissant que la gestion durable des forêts ne peut rien changer à ce processus.

« Une initiative qui pourrait donc être durable d’un point de vue écologique ou commercial, mais émettre peu de carbone sur une période de temps suffisamment longue serait en réalité contre-productive face au changement climatique dans les dix ou 20 prochaines années », insiste le WWF dans un document d’information.

 

 

« Nous ne sommes pas anti-biomasse », précise Alex Mason, soulignant que celle-ci « a un rôle à jouer » tant qu’elle contribue à réduire les émissions. « Et il est clair qu’il y a des types de bioénergie qui sont très bons, comme les déchets et les résidus du secteur forestier. »

Figueres souhaite un plan d’action contre la «déforestation importée»

L’ancienne responsable de l’ONU pour le climat, Christina Figueres, appelle l’UE à prendre des mesures contre la déforestation dans l’hémisphère sud en réduisant les émissions de biens agricoles importés comme le bœuf, le soja et l’huile de palme.

José Blanco López, eurodéputé espagnol représentant le Parlement européen dans les prochaines négociations tripartites sur la directive révisée de l’UE, confirme que la pression en faveur des énergies renouvelables en Europe ne devrait pas se faire au détriment des efforts de décarbonisation.

« Il est possible d’utiliser davantage de biomasse, mais seulement avec des critères de durabilité garantissant que cela ne crée pas d’autres problèmes pour l’environnement », comme la déforestation, estime l’eurodéputé, qui se dit disposé à discuter de l’article 26 de la directive, qui traite des critères de durabilité pour la biomasse.

Pour lui, l’objectif primordial est de décarboniser l’énergie tout en tenant compte des circonstances nationales, « et surtout de notre intérêt commun principal : l’avenir de la planète ».

Chauffer à la biomasse plutôt qu’au charbon

Pour leur part, les représentants de l’industrie de l’énergie ont souligné que la biomasse pourrait remplacer le charbon dans des secteurs tels que l’électricité ou le chauffage et la climatisation, du moins à court terme.

Øyvind Vessia, responsable des affaires européennes de l’entreprise énergétique danoise Ørsted, fait ainsi remarquer que 54 % des Danois sont actuellement raccordés au système de chauffage urbain. Si la biomasse n’était pas disponible pour répondre aux pics de la demande en hiver, une partie de cette demande de chauffage serait satisfaite par l’énergie au charbon, qui est le combustible fossile le plus polluant.

« Mais pour l’instant, avec le besoin de chaleur en hiver, la biomasse durable remplace le charbon au Danemark », a-t-il déclaré lors d’un événement Euractiv, soutenu par l’association polonaise de l’électricité, PKEE. Et des critères de durabilité excessivement rigides pourraient s’avérer contre-productifs en faisant peser une charge excessive sur l’utilisation de la biomasse comme les résidus de bois, qui proviennent de sources durables.

« Certains arbres ne sont pas nécessairement définis comme des résidus, mais n’ont essentiellement aucune valeur en dehors de la production d’énergie », souligne-t-il, précisant que ce bois « serait très probablement laissé en décomposition » dans la forêt si l’UE optait pour des critères de durabilité trop stricts. « Donc, que ce soit rond ou long n’est pas la bonne façon de définir si c’est approprié pour l’énergie. »

Øyvind Vessia a également mis en garde les gouvernements nationaux contre l’adoption de critères de durabilité de la biomasse plus stricts au niveau national qu’au niveau européen, affirmant que cela ne ferait qu’ajouter de la complexité au marché européen et augmenter les coûts. « S’il vous plaît, assurez-vous de garder un marché européen pour la biomasse durable », a-t-il plaidé. « Et assurez-vous qu’il y a une vérification par une tierce partie pour vous assurer que le système est crédible. Les règles doivent être solides. »

 

Peu de place pour la croissance

Tout le monde semble par contre s’accorder sur le fait que les possibilités de croissance de la part de la biomasse à l’avenir sont limitées, voire inexistantes.

« Il y a une certaine quantité de biomasse qui peut être utilisée pour l’énergie », a assuré Alex Mason, expliquant qu’elle est « très probablement nécessaire pour l’aviation, les procédés industriels à haute température et pour l’industrie biochimique », qui sont fortement dépendants du pétrole et d’autres combustibles fossiles.

« Pour l’avenir, il nous faudra davantage de biomasse pour décarboniser les secteurs des transports et de l’industrie », a pour sa part déclaré Giulio Volpi, de la Commission. « Nous devons donc nous assurer d’utiliser la ressource de biomasse limitée de manière efficace. »

L’UE appelée à mieux protéger les forêts

Les nations forestières ont appelé l’UE à renforcer le contrôle des chaînes d’approvisionnement des produits responsables de la déforestation, tels que l’huile de palme ou le cacao.

 

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire