La proposition de limiter progressivement les biocarburants a été prise en raison de l’opinion publique, selon un fonctionnaire européen.
En juillet dernier, la Commission a publié une stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions, proposant de remplacer les biocarburants produits à partir de cultures vivrières par « des biocarburants plus avancés ».
Une proposition qui a entrainé une vive réaction dans le secteur de l’éthanol, qui accuse la Commission de ne pas être objective.
À l’écoute de la société
Lors d’une conférence organisée le 12 octobre au Parlement européen, Marie Donnelly, directrice pour les renouvelables, la recherche et l’efficacité énergétique à la DG Énergie, a expliqué les raisons qui ont poussé l’exécutif à défendre un abandon progressif des biocarburants de première génération.
La fonctionnaire estime notamment que les décideurs et personnalités politiques devraient tenir compte de l’opinion publique.
« Nous ne pouvons pas uniquement nous référer aux modèles économiques et aux théories scientifiques […] nous devons être sensibles à la réalité des inquiétudes des citoyens, même si ces inquiétudes sont parfois plus fondées sur les émotions que sue des preuves scientifiques », a-t-elle fait remarquer, ajoutant que dans le cas des biocarburants, ces inquiétudes se cristallisaient sur le choix « carburant ou nourriture ». « Nombre d’Européens estiment que mettre de la nourriture dans les réservoirs de nos voitures signifie priver de subsistance des personnes qui meurent de faim ailleurs dans le monde. »
La Commission a réalisé des études sur l’impact qu’auraient les différentes politiques possibles. « Ne nous compliquons pas la vie, je pense ce que je pense, mais nous ne sommes pas parvenus à faire changer d’avis la majorité en Europe, et ça, c’est la réalité », a-t-elle expliqué.
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Utilisation indirecte des terres
La fonctionnaire a également parlé de l’étude Globium, très discutée, commandée par la Commission pour clore le débat sur le changement indirect d’affectation des sols (CASI) induit par l’utilisation de biocarburants. La publication tardive de l’étude, qui indique que le CASI lié au bioéthanol est très bas, a été très critiquée.
EURACTIV a voulu savoir pourquoi la Commission n’a publié les résultats de cette étude qu’après la clôture de la consultation publique sur le sujet.
« Premièrement, la Commission fait et commande de très nombreuses études, que nous rendons publiques une fois que nous les avons examinées et validées », a répondu Marie Donnelly, qui souligne par ailleurs que cette étude n’avait pas été réalisée par l’exécutif. « Nous l’avons payées, mais ses résultats ne nous lient pas. »
En ce qui concerne le CASI, elle a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une science exacte, puisqu’il est impossible de faire des mesures précises et que deux spécialistes pourraient tout à fait tirer des conclusions différentes d’une même situations.
« Pour l’évaluation des émissions directes, on utilise le critère scientifique de durabilité, les émissions sont mesurables », a-t-elle expliqué. Or, ce n’est pas le cas du CASI.
« On ne peut réalistement pas construire une politique sur la base de calculs instables. En basant des règles là-dessus, on ne ferait que préparer des problèmes », indique la fonctionnaire. « Nous voulons des critères de durabilité scientifiques, nous voudrions des choix politiques et de politiques liés aux défis normatifs des réductions d’émissions de gaz à effet de serre, quels que soient les chiffres. En ce qui concerne les émissions d’autres parties du monde, nous voulons que tout le monde suive la solution de la COP 21 et fasse des rapports de progrès. »
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Décider sur les émotions
La Commission n’a pas établi de différence entre l’éthanol, qui a un impact climatique plus faible, et d’autres biocarburants, comme le biodiesel, explique Marie Donnelly, parce que ces deux types de carburant proviennent de cultures vivrières.
« Malheureusement, c’est comme ça […] La première vision émotive du problème est que l’on prive un pauvre enfant qui a faim en Afrique pour faire rouler nos voitures », a-t-elle conclu. « C’est pourquoi il est impossible de faire une différence réglementaire entre le biodiesel et le bioéthanol. »