La Commission européenne envisage des mesures d’urgence — notamment un plafonnement des prix et des incitations à réduire la consommation d’électricité — pour faire face à l’augmentation des factures énergétiques cet hiver. C’est ce qu’indique un projet de proposition qu’EURACTIV a pu obtenir.
Les prix du gaz et de l’électricité ont atteint des niveaux record en 2021. Ils devraient rester élevés pour le reste de l’année 2022 et, dans une moindre mesure jusqu’en 2024-2025, prévient l’exécutif européen dans ce document.
Pour faire face à la crise, la Commission européenne travaille sur une intervention d’urgence ainsi que sur un « paquet d’hiver » de mesures visant à optimiser le fonctionnement des marchés européens de l’électricité et à faire baisser les factures des consommateurs.
Toutes les options explorées dans le document ne sont pas recommandées. Ainsi, des idées telles que la suspension des marchés de gros ou l’introduction d’un plafonnement des prix de gros pourraient compromettre la sécurité d’approvisionnement de l’UE, alerte le document.
L’exécutif européen étudie plutôt un trio de mesures qui se conjuguerait pour réduire l’impact des prix élevés sur les consommateurs et l’économie.
Ce trio comprend :
- des mesures de réduction de la demande d’électricité ;
- un plafonnement des prix des technologies de production d’électricité dites « inframarginales » (celles dont les coûts d’exploitation sont moindres, comme les énergies renouvelables, le nucléaire et le lignite, qui ont réalisé des bénéfices exceptionnels parce qu’elles sont liées aux prix élevés du gaz) ;
- l’utilisation des recettes qui en découlent pour financer des mesures visant à réduire directement les tarifs pour certains consommateurs.
Réduire la consommation d’électricité
Un objectif européen de réduction de la consommation d’électricité serait « une évidence », selon Lion Hirth, professeur au Centre pour la durabilité de la Hertie School.
Il existe déjà un objectif visant à réduire la consommation de gaz de l’UE de 15 % entre août 2022 et mars 2023.
L’introduction de mesures visant à réduire la demande d’électricité serait toutefois plus complexe, car l’électricité ne peut être stockée comme le gaz. En effet, l’offre et la demande connaissent des pics et des creux en fonction des conditions météorologiques et de l’heure de la journée.
En raison de la nature du marché de l’électricité, la réduction de la demande serait particulièrement importante en période de pénurie d’électricité et de prix élevés, indique le document de la Commission.
L’exécutif européen estime que la réduction de la demande pourrait être obtenue par la mise aux enchères d’offres permettant d’économiser une certaine quantité d’électricité, à l’instar des propositions présentées en juillet pour réduire la consommation de gaz.
Les ménages pourraient être incités à réduire leur consommation en rémunérant les consommateurs qui réduisent leur consommation d’électricité.
Cependant, des inquiétudes existent quant au fait de trop insister sur la réduction de la demande d’électricité, étant donné que la production d’électricité est une alternative efficace au gaz. Cela aurait également un coût pour les budgets publics, puisque les gouvernements seraient tenus de fournir l’incitation financière à l’épargne.
Plafonnement des prix
Par ailleurs, un plafonnement des prix sur les technologies inframarginales est « mieux que les alternatives », a déclaré M. Hirth. S’il est bien réalisé, les prix de gros restent inchangés, ce qui favorise la réduction de la demande, a-t-il expliqué.
Toutefois, certains s’inquiètent de l’impact que cela pourrait avoir sur la production d’énergie renouvelable, qui serait l’une des technologies touchées par cette mesure. La baisse des bénéfices du secteur des énergies renouvelables, dont certaines parties sont déjà en difficulté, pourrait entraîner une réduction des investissements dans de nouveaux projets, estiment certains critiques.
Un impôt exceptionnel sur « les excédents de bénéfices obscènes des entreprises du secteur de l’énergie » est « la bonne chose à faire », a déclaré Michael Bloss, un législateur écologiste au Parlement européen. « Mais la taxe doit s’appliquer au charbon, au gaz et au nucléaire et non comme un frein aux énergies renouvelables, qui n’ont pas provoqué cette crise », a déclaré l’eurodéputé allemand à EURACTIV.
Dans le cadre d’un échange avec la Commission européenne au sein de la commission de l’Industrie et de l’Energie du Parlement, M. Bloss et ses collègues Verts ont exhorté Bruxelles à en faire davantage afin d’aider les ménages confrontés à la hausse de leurs factures énergétiques. Ses demandes ont été reprises par d’autres eurodéputés de la Gauche, des Socialistes et Démocrates (S&D) et d’autres groupes politiques.
S’exprimant sur le plan de la Commission, M. Bloss a déclaré à EURACTIV : « Nous allons enfin jeter les bases de l’argent européen de l’énergie dont nous avons besoin de toute urgence. Mais il faut s’assurer sans équivoque que ceux qui ont un besoin urgent de l’argent de l’énergie soient aidés et non pas les grands industriels. »
Une situation « très, très critique »
Les prix de l’électricité dans l’UE ont augmenté principalement en raison des perturbations de l’approvisionnement en gaz russe, le combustible marginal qui détermine les prix. Qui plus est, la production d’électricité a chuté en raison des opérations de maintenance du parc nucléaire français et d’une sécheresse prolongée qui a affecté les centrales hydroélectriques dans toute l’Europe.
La situation sur les marchés de l’énergie est « très, très critique » et ne concerne pas seulement les consommateurs vulnérables, mais aussi les ménages à revenus moyens et le secteur industriel, a déclaré Mechthild Wörsdörfer, directrice générale adjointe du département Energie de la Commission européenne.
« Le problème de la sécurité de l’approvisionnement est la plus grande préoccupation et priorité de la Commission », a-t-elle déclaré à la commission de l’Energie du Parlement jeudi (1er septembre).
La Commission reconnaît que le marché de l’électricité n’est pas adapté à la crise actuelle. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé en début de semaine que l’exécutif européen envisageait une réforme structurelle.
« La montée en flèche des prix de l’électricité met désormais en évidence les limites de la conception de notre marché de l’électricité. Il a été conçu pour des circonstances différentes », a déclaré Mme von der Leyen.
Or, toute réforme du marché de l’énergie « prend du temps », a ajouté Mme Wörsdörfer. Une évaluation d’impact préliminaire et une consultation des parties prenantes sont attendues dans les semaines afin « d’examiner toutes les options avec l’esprit ouvert, car nous sommes dans une situation très différente de celle que nous connaissions auparavant », a déclaré Mme Wörsdörfer.
L’analyse d’impact des différentes options devrait être publiée en octobre, tandis qu’une proposition législative devrait être présentée l’année prochaine, a déclaré fin juillet Kadri Simson, commissaire européenne à l’Energie.
Lire le document complet ici.