Face aux pressions exercées par la France pour relancer l’énergie nucléaire en Europe, un groupe de cinq États membres de l’UE, dirigé par l’Allemagne, s’est allié pour demander à la Commission européenne d’exclure le nucléaire de la taxonomie européenne pour une finance durable.
« L’énergie nucléaire est incompatible avec le principe consistant à « ne pas causer de préjudice important » (Do no significant harm) du règlement sur la taxonomie de l’UE », indique la déclaration commune pour une taxonomie européenne sans nucléaire signée par l’Autriche, le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg et le Portugal.
« De nombreuses preuves attestent de la dangerosité de l’énergie nucléaire », a déclaré Leonore Gewessler, ministre autrichienne de l’Énergie, lors d’un événement organisé en parallèle à la COP26 à Glasgow le 11 novembre.
La Commission européenne devrait présenter une proposition dans les semaines à venir afin de clarifier le statut du nucléaire et du gaz dans le cadre de la taxonomie financière durable de l’UE, un règlement qui fournit des conseils aux investisseurs sur les conditions dans lesquelles une technologie peut être considérées comme durable.
L’Autriche et le Luxembourg sont les plus farouches opposants à l’énergie nucléaire en Europe, et sont opposés à l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie depuis le début, a confié un diplomate de l’UE à EURACTIV.
Les deux pays semblent avoir utilisé le sommet des Nations Unies sur le climat de Glasgow pour rallier l’Allemagne, le Portugal et le Danemark à leur cause.
« Nous reconnaissons le droit souverain des États membres de décider s’ils sont pour ou contre l’énergie nucléaire dans le cadre de leurs systèmes énergétiques nationaux », peut-on lire dans la déclaration commune des États membres de l’Union.
« Toutefois, nous craignons que l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie ne porte définitivement atteinte à l’intégrité, la crédibilité et donc à l’utilité de cette dernière. »
Svenja Schulze, ministre allemande de l’Environnement, s’est prononcée à plusieurs reprises contre le nucléaire au cours de la semaine écoulée.
« En Allemagne, une taxonomie incluant l’énergie nucléaire manquerait d’intégrité et de crédibilité auprès d’une grande majorité de la population ainsi que de nombreux épargnants », a-t-elle déclaré depuis Glasgow.
La question est sensible sur le plan politique pour l’Allemagne, qui se retrouve sans gouvernement depuis les élections de septembre et où l’opinion publique est largement favorable à la sortie du nucléaire prévue pour 2022, décidée dans le sillage de la catastrophe de Fukushima.
Les trois partis engagés dans des discussions de coalition, à savoir les sociaux-démocrates (SPD), les verts et les libéraux (FDP), sont toujours enlisés dans les négociations et ne devraient pas en sortir avant début décembre au plus tôt.
Sven Giegold, l’un des principaux négociateurs pour les Verts, a confié à EURACTIV que « l’initiative franco-Europe de l’Est » visant à inclure le nucléaire dans la taxonomie « détruirait les efforts de l’Union européenne en matière de finance durable » et agirait comme le « fossoyeur de la taxonomie ».
En parallèle, l’Autriche conteste l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie en justice.
« Une interprétation du règlement sur la taxonomie à la lumière du droit primaire de l’UE confirme que l’énergie nucléaire ne peut être incluse dans la taxonomie européenne », confirme une évaluation juridique demandée par le gouvernement autrichien et publiée en septembre.
Tout acte délégué adopté sur la base du règlement sur la taxonomie qui inclurait d’une manière ou d’une autre l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne pourrait être contesté devant les tribunaux de l’UE, a déclaré le cabinet d’avocats international Redeker-Sellner-Dahs.