Le technologie de captage et de stockage du carbone perd de son intérêt après l’effondrement des prix des énergies renouvelables.
Considérée brièvement comme une étape inévitable pour limiter le réchauffement climatique, la technologie de captage et de stockage du carbone (CSC) semble aujourd’hui vouée aux oubliettes. Et la chute des prix des énergies renouvelables risque de sceller le sort du CSC.
« Le captage et le stockage du carbone sont apparus à l’origine comme une option raisonnable pour décarboner les centrales électriques alimentées au charbon », rappelle Auke Lont, PDG de Statnett, l’opérateur du réseau électrique norvégien. Mais l’émergence des énergies renouvelables à un coût « inférieur à sept centimes d’euro par kilowattheure » signifie « qu’il n’y a pas de place pour le captage et le stockage du carbone dans le secteur de l’électricité ».
« Dans le secteur de l’électricité, le jeu est terminé [pour le CSC] parce que d’autres technologies l’ont dépassé », a-t-il indiqué lors d’un événement à Bruxelles la semaine dernière.
Ses paroles font écho aux déclarations de Francesco Starace, PDG d’Enel, qui préside actuellement Eurelectric, l’association européenne de l’industrie énergétique. « Je pense que le CSC n’a pas été un succès », avait-il déjà déclaré à Euractiv lors d’une interview plus tôt cette année. « Ça ne marche pas, il faut le dire : c’est tout simplement trop cher, trop compliqué, la technologie n’a pas marché. »
Pour les défenseurs de la technologie, l’espoir n’a cependant pas complètement disparu. Lors de la COP23, le Royaume-Uni et le Canada ont défendu une alliance historique visant à éliminer progressivement l’utilisation du charbon dans le monde entier, soulignant le rôle du CSC dans le respect de l’Accord de Paris, a déclaré Graeme Sweeny, président de la Plateforme zéro émission (ZEP), une coalition d’intervenants unis dans leur soutien au CSC.
Les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont également souligné l’importance du CSC. Le port de Rotterdam est d’ailleurs en concurrence avec la Norvège pour devenir le premier centre européen de CSC, capable de capter le dioxyde de carbone d’un certain nombre de sites industriels pour que celui-ci soit transporté vers une installation de stockage permanent offshore, explique Graeme Sweeny.
Au niveau européen, la Commission a donné un coup de pouce aux bailleurs de fonds du CSC en incluant pour la première fois quelques initiatives liées au CSC dans sa dernière liste de projets d’intérêt commun éligibles au financement de l’UE – y compris la plateforme Teeside CO2 au Royaume-Uni.

Initiatives CSC de la liste de projets d’intérêt commun. [European Commission]
Le CSC délaissé dans l’industrie lourde
Jusqu’à récemment, le CSC était considéré comme la seule option pour décarboner des secteurs tels que la sidérurgie, la chimie ou le ciment. Des secteurs « difficiles à électrifier » et ne bénéficiant donc pas de la baisse du coût des énergies renouvelables.
Pourtant, aujourd’hui même ces secteurs semblent se détourner de la technologie. Pour Auke Lont, il est à présent important de déterminer si le CSC a sa place dans les, industries lourdes comme la sidérurgie.
« Pour l’acier, la solution sera probablement l’électricité hydraulique », estime-t-il. « Et, encore une fois, est-ce que cela laisse de la place pour le captage et le stockage du carbone? Je ne sais pas. »
Comme les prix de l’électricité renouvelable continuent à dégringoler, le CSC n’est plus rentable pour personne, à part peut-être les secteurs où la réduction des émissions est vraiment très difficile, poursuit le spécialiste, ajoutant que cela pourrait encore être une option pour la production de ciment, par exemple.
Laurence Tubiana, PDG de la Fondation européenne pour le climat (ECF), partage cet avis. Pour elle, le CSC est une technologie qui n’est envisageable pour réduire les émissions que dans des secteurs où il n’existe pas de meilleure solution.
« Ce n’est pas une innovation ni un modèle commercial, par exemple. C’est juste un coût, un coût net. Et le carbone n’atteint un prix élevé nulle part dans le monde, donc c’est un coût sans aucun avantage », estime-t-elle.
Artur Runge-Metzger, directeur à la Commission européenne en charge de la stratégie climatique, a convenu comme Auke Lont et Laurence Tubiana que « l’économie du CSC a changé » au cours des dernières années.
« Néanmoins, je pense que le CSC sera nécessaire, mais nous n’en aurons pas autant besoin que ce que pensaient les scientifiques au moment où il n’y avait pas d’autre façon d’éliminer le carbone de l’atmosphère », nuance-t-il. Sur le plan industriel, il a souligné qu’une décarbonation en profondeur sera nécessaire dans les années 2040-2050 pour atteindre l’objectif de 2°C de l’Accord de Paris, ce qui signifie « que nous devons tester ces technologies maintenant ».
Lord Adair Turner, président de la Commission des transitions énergétiques (ETC), estime également que l’utilisation du CSC n’a plus beaucoup de sens dans le secteur de l’énergie en Europe, bien qu’il soit « probablement encore nécessaire pour le ciment ».
Par contre, le CSC « pourrait encore être nécessaire pour compenser les émissions des centrales électriques au charbon en Inde et en Chine », a-t-il poursuivi, ajoutant que le coût du démantèlement de ces centrales serait plus élevé que la modernisation des technologies de captage du carbone. « Mais je ne pense certainement pas que les centrales au charbon avec CSC seront construites de novo parce que les énergies renouvelables seront moins chères. »
L’ETC tente actuellement de trouver solutions rentables pour la réduction des émissions de carbone en Inde dans le but de les plafonner à 900 millions de tonnes de CO2 par an au lieu des 1 500 tonnes actuelles. Et le CSC doit, selon lui, être inclus dans le mix technologique pour y parvenir.