Depuis l’annexion de la Crimée par le Kremlin, les mesures d’efficacité énergétique se trouvent au premier plan du combat de l’Ukraine pour diminuer sa dépendance vis-à-vis du gaz russe.
L’Ukraine dépend des importations de gaz de la société d’État russe Gazprom pour satisfaire la demande de son marché intérieur qui comprend 14 millions de foyers.
Pour que le pays investisse dans la modernisation indispensable de ses infrastructures vieillissantes, les factures des particuliers vont quadrupler.
Jusqu’à présent, les coûts étaient couverts par les subventions de l’État, mais l’Ukraine, affaiblie par deux sauvetages financiers internationaux depuis 2008, va désormais devoir faire retomber les coûts sur les consommateurs.
Multiplications des prix
Pour eux, le prix va passer de 419 419 hryvnias (environ 17 €) pour mille mètres cubes (kcm) à 1 590 hryvnias/kcm (soit environ 65 €).
Les responsables politiques ukrainiens ont adopté une loi selon laquelle tous les foyers doivent s’équiper d’un compteur avant le 1er janvier 2016 s’ils utilisent du gaz pour cuisiner et chauffer de l’eau. Si le gaz n’est utilisé que pour cuisiner, ils ont jusqu’au 1 janvier 2018 pour installer un compteur.
D’autres pays en sont la preuve, les compteurs à gaz permettent de réduire la consommation d’environ 30 %. L’Ukraine a déjà fait installer plus de 10 millions de compteurs à travers le pays. Aujourd’hui, 71 % des foyers, dont 90 % à usage familial, possèdent désormais un compteur.
Les compteurs sont financés par les foyers eux-mêmes, les entreprises de distribution de gaz et le budget de l’État. Le déploiement est planifié, mais atteindre les foyers restants prend plus de temps, car ceux-ci sont situés dans des régions isolées.
L’usine Samgaz dans la ville de Rivne, à l’ouest de l’Ukraine, a été créée en 1995. Depuis sa création, elle a produit 2,5 millions de compteurs et emploie 200 personnes.
Elle travaille maintenant sur des compteurs qui peuvent transmettre des données, permettant aux sociétés d’énergie et aux consommateurs de suivre la consommation plus facilement.
Les créanciers de l’Ukraine, dont l’UE, ont appelé le pays à améliorer son efficacité énergétique.
L’intensité énergétique de l’Ukraine [rapport entre la consommation d’énergie et le PIB] est presque quatre fois plus élevée que la moyenne au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), selon le Conseil mondial de l’Énergie.
Cela signifie que, grâce à une meilleure efficacité énergétique, l’Ukraine pourrait économiser 50 % de sa consommation d’énergie.Toutefois, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’intensité énergétique de l’économie ukrainienne a baissé de 3,5 % seulement, ce qui la met sur le même pied d’égalité que des pays comme la Russie et la Biélorussie.
Pression de la Russie
La Russie a exploité la dépendance de l’Ukraine à l’égard des importations et des recettes engendrées par le transfert du gaz vers l’Union européenne pour exercer une pression politique sur le pays. La Russie a déjà fermé les robinets de l’Ukraine à plusieurs reprises par le passé.
Avant 2012, tout le gaz naturel en Ukraine était importé de Russie. L’année dernière, environ 92 % du gaz était russe. Les importations de gaz naturel représentent 57,2 % de toutes les importations d’énergie de l’Ukraine.
Les flux inversés, c’est-à-dire quand des clients de la Russie, tels que la Slovaquie, la Hongrie et la Pologne vendent du gaz russe à l’Ukraine, aident le pays. À la fin de l’année dernière, ces flux ont atteint 0,9 mmc [milliard de mètres cubes] par mois.
L’Ukraine devra accroitre la quantité de gaz qu’elle achète à l’Europe, mais avant que cela n’arrive, elle doit réformer son secteur énergétique.
Le monopole d’État Naftogaz va être privatisé, mais si elle veut acheter du gaz à l’Europe, le processus devra respecter le droit de la concurrence de l’UE.
Production nationale
La production nationale de gaz, frappée par la saisie des infrastructures en territoire aujourd’hui occupé par les rebelles séparatistes soutenus par la Russie, est d’environ 20 mmc par an. La capacité de stockage du gaz a également été mise à mal par le conflit.
Selon les estimations de l’entreprise d’État ukrainienne, Naftogaz, qui appartenait à Gazprom à l’époque soviétique, 48 mmc sont nécessaires pour satisfaire la demande nationale.
L’Agence internationale de l’énergie estime quant à elle que la production nationale de gaz pourrait se développer et atteindre 27 à 30 mmc d’ici à 2025. Néanmoins, la majorité des infrastructures sont vieillissantes et ont besoin d’investissement.
Certains de ces coûts auraient pu être couverts par les recettes tirées du transfert de gaz russe en Europe. En effet, l’Ukraine est actuellement le plus grand pays de transit pour le gaz naturel dans le monde. Environ 40 % de l’approvisionnement en gaz russe vers l’Europe passe par l’Ukraine.
Moscou a toutefois averti qu’elle ne prolongerait pas le contrat de gaz censé expirer en 2019.
Chaque année, l’Ukraine achemine entre 75 et 85 milliards de mètres cubes de gaz russe vers les marchés européens. Le plus bas historique a été atteint en 2014, lorsqu’elle a transféré 60 mmc, alors qu’au milieu des années 2000, elle transitait 120 mmc de gaz naturel.
En 2007, Gazprom faisait passer plus de 65 % du total des exportations de gaz vers l’Europe par l’Ukraine. En 2014, la société russe a fait passer ce pourcentage à moins de 50 %.
Les exportations de gaz vers l’Allemagne, la France et la Belgique ne passent plus par l’Ukraine, mais pas le Nord Stream [via la mer Baltique]. Le gazoduc biélorusse Yamal, ou Northern Lights, pourrait également réduire les coûts de transport à l’avenir.
La volonté de la Russie d’abandonner l’Ukraine comme pays de transit pour acheminer du gaz naturel vers l’Europe signifie que Gazprom devra payer environ 1 milliard de dollars de taxes de transit chaque année à la Slovaquie et la Bulgarie, selon des sources de l’industrie.