La déforestation n’a plus sa place dans les chaînes d’approvisionnement de l’UE

Après un peu plus de neuf heures de débat, les négociateurs ont convenu que la loi couvrirait une série de produits de base et de produits dériés de ces derniers. [European Parliament]

Les législateurs européens sont parvenus à un accord au petit matin de ce mardi (6 décembre) pour adopter « la première loi au monde sur la déforestation importée » dont l’Europe est l’un des premiers contributeurs, se félicite Pascal Canfin, eurodéputé Renew et président de la commission parlementaire Environnement.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), entre 1990 et 2020, une superficie plus grande que celle de l’UE a été perdue à cause de la déforestation. La consommation de l’UE en est un facteur important, puisqu’elle est à l’origine d’environ 10 % de ces pertes, selon la FAO.

« La protection de l’environnement dans le monde, y compris des forêts et des forêts tropicales, est un objectif commun à tous les pays et l’UE est prête à prendre ses responsabilités », a déclaré Marian Jurečka, ministre tchèque de l’Environnement, qui a négocié au nom des 27 pays de l’UE.

Une position que le premier marché au monde peut désormais défendre. « Quelques jours avant le début de la COP15 sur la biodiversité à Montréal, nous montrons très concrètement comment utiliser la puissance de notre marché unique », s’est félicité sur Linkedin Pascal Canfin, président de la commission de l’Environnement du Parlement européen et l’un des principaux négociateurs de l’accord.

Même le président de la République française, Emmanuel Macron y est allé de son petit mot sur les réseaux : « nous sommes les premiers au monde à le faire ! » et « la France a montré la voie » s’est-il congratulé.

Accord trouvé sur l'interdiction des produits issus de la déforestation

Le Parlement européen et les Etats membres se sont accordés mardi (6 décembre), au petit matin, pour interdire l’importation d’un certain nombre de produits qui participeraient à la déforestation.

Obligation d’un certificat de traçabilité

La nouvelle loi obligera toutes les entreprises à publier une déclaration de devoir de vigilance pour pouvoir vendre des produits comme le café, le cacao et le bois sur le marché européen. Les produits liés à la déforestation seront interdits d’importation et d’exportation dans l’UE.

« C’est un texte qui a un impact réel sur notre vie quotidienne.  », a déclaré Pascal Canfin.

« La grande spécificité de cette loi, et c’est une première mondiale pour l’huile de palme, le cacao, le café, le bœuf et le caoutchouc, est l’obligation d’avoir un certificat établi à partir d’images satellites et de coordonnées GPS pour savoir exactement d’où vient la marchandise », a expliqué M. Canfin. Impossible d’entrer sans sur le marché européen explique-t-il.

Le nombre d’inspections effectuées dépendra du pays de production et au moins 9% des opérateurs et commerçants des produits contrôlés provenant de pays à haut risque verront leur marchandise inspectée.

Les militants écologistes en liesse

La nouvelle législation européenne a été qualifiée de «  révolutionnaire  » par les militants écologistes.

« Nous sommes entrés dans l’histoire avec cette première loi mondiale contre la déforestation », a déclaré Anke Schulmeister-Oldenhove, responsable principale des politiques forestières au bureau des politiques européennes du WWF.

« L’UE va changer les règles du jeu pour la consommation, non seulement à l’intérieur de ses frontières, tout en incitant les autres pays qui alimentent la déforestation à changer leurs politiques », a-t-elle ajouté dans un communiqué.

Greenpeace a salué « une avancée majeure pour les forêts », ajoutant que la nouvelle loi européenne « fera taire certaines tronçonneuses et empêchera les entreprises de tirer profit de la déforestation ». Elle a toutefois regretté que le règlement n’offre qu’une « faible protection des droits des populations autochtones qui défendent la nature au prix de leur sang ».

Les militants écologistes saluent l’adoption par l’UE d’une loi anti-déforestation pionnière

Le Parlement européen a voté en faveur d’un règlement obligeant les entreprises à s’assurer que les produits vendus dans l’Union européenne ne sont pas issus de terres déboisées ou dégradées, une « lueur d’espoir » par les militants écologistes.

Un champ d’application plus large

Le troisième cycle de négociations entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen a débuté à 18h30 lundi soir (5 décembre).

Après un peu plus de neuf heures de débat, les négociateurs ont convenu que la loi couvrirait une série de produits de base : bétail, cacao, café, huile de palme, soja, bois, ainsi que les produits qui contiennent, ont été nourris avec ou sont fabriqués à partir de ces produits de base : cuir, chocolat, mobilier, etc…

Le Parlement européen a réussi à élargir le champ d’application par rapport à la proposition initiale, en ajoutant à la liste des produits de base nécessitant un devoir de vigilance le caoutchouc, le charbon de bois, les produits en papier imprimé et certains dérivés de l’huile de palme.

Le biodiesel et le maïs ne sont pas inclus, mais la Commission européenne examinera la possibilité de les ajouter à l’avenir. La France s’était positionnée pour l’introduction du caoutchouc, mais pas du maïs.

Définition plus large et plus évolutive de la dégradation des forêts

Une autre victoire pour le Parlement européen a été d’obtenir une définition plus large de la dégradation des forêts, qui couvre dorénavant également la conversion de forêts primaires et secondaires naturellement régénérées en forêts de plantation.

« Ce sera plus simple d’appliquer un texte intégrant l’ensemble des terres boisées, plutôt que de distinguer l’arbre d’une forêt et l’arbre ou arbuste d’un autre terrain, avec le risque de contestations », observait Pierre Canet, responsable plaidoyer et campagnes au WWF France.

Pour la plupart des États membres de l’UE réunis en conseil lors du trilogue, cet élargissement de la définition fut une « pilule très amère à avaler», a déclaré une source parlementaire à EURACTIV.

En parallèle, il a été décidé qu’au plus tard un an après l’entrée en vigueur de la loi, la Commission européenne devra évaluer la nécessité d’étendre le champ d’application à d’autres terres boisées.

En outre, au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur de la directive, l’exécutif européen devra également examiner l’extension de la loi aux terres à haute valeur de stockage de carbone et de biodiversité, ainsi qu’à d’autres produits.

Pas d’intégration des brousses et des savanes

Le Parlement européen avait fait pression pour que des zones telles que les brousses et les savanes soient incluses, mais le Conseil s’y est opposé avec véhémence, a déclaré Delara Burkhardt, eurodéputée allemande qui faisait partie de l’équipe de négociation du Parlement.

La France, en revanche, s’était positionnée pour l’élargissement de la définition, elle qui dispose, grâce à la Guyane, de terres amazoniennes menacées par la déforestation.

Sans élargissement de la définition, « il y a donc un risque que les activités agricoles se déplacent simplement des forêts, aujourd’hui protégées, vers des paysages de savane encore sans protection, comme on peut déjà l’observer dans la savane sud-américaine du Cerrado », a averti Mme Burkhardt, du groupe politique des Socialistes et démocrates (S&D).

Les députés ont également réussi à ajouter des protections en matière de droits de l’homme. Les entreprises devront vérifier le respect des lois du pays de production, y compris les droits de l’homme et les droits des peuples indigènes.

Cependant, cela dépend de la loi du pays de production, dont la rigueur peut varier.

La finance exclue de la loi sur le devoir de vigilance, une victoire pour la France

Les États membres de l’UE ont trouvé une position commune de négociation concernant la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, rendant facultative l’inclusion du secteur financier dans le champ d’application des exigences du devoir de vigilance.

Les institutions financières épargnées

Le Parlement européen a fait une concession sur l’inclusion des institutions financières, qui ne seront pas directement obligées d’analyser les risques de déforestation de leurs investissements.

En revanche, la Commission européenne devra présenter une évaluation deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, afin de déterminer si la législation européenne existante est suffisante pour s’attaquer au rôle des institutions financières dans la déforestation mondiale, a expliqué Mme Burkhardt.

Elle déclare toutefois à EURACTIV que la loi établit « un modèle de référence mondial en matière d’exigences de devoir de vigilance pour les chaînes d’approvisionnement sans déforestation », en se félicitant d’avoir gagné la bataille contre certains lobbies, fabricants de pneumatiques ou forestiers.

Le négociateur principal du Parlement européen, Christophe Hansen, eurodéputé du Parti populaire européen (droite – PPE), a également loué l’accord et ce « nouvel outil important [qui] protégera les forêts à l’échelle mondiale ». 

La loi entrera en vigueur 20 jours après son adoption formelle par le Parlement européen et les pays de l’UE, prévue l’année prochaine, mais ne s’appliquera aux grandes et moyennes entreprises que dans 18 mois et aux petites et micro-entreprises dans 24 mois.

[Édité par Paul Messad]

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