Mobilisés pour faire face à l’instrumentalisation de l’énergie, opérée par la Russie pour « punir » les européens de leur soutien à l’Ukraine, les Etats membres multiplient les rencontres afin de travailler à la fois sur le retour à la paix et sur leur indépendance énergétique.
« Une armée de combattants pour le climat ». Ces mots ne sont pas choisis au hasard par Jennifer Granholm, la secrétaire d’État américaine à l’Energie, alors que la Russie est en guerre contre l’Ukraine depuis un mois.
Parmi les conséquences de cette guerre figure une insécurité d’approvisionnement, notamment en gaz et pétrole russes. L’Europe, pro-Ukrainienne, se meut donc en combattante pour, d’une part, gagner en indépendance énergétique et, d’autre part, continuer sa lutte contre le réchauffement climatique.
A l’occasion de la rencontre ministérielle de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les 23 et 24 mars à Paris, Jennifer Granholm a martelé que « la sécurité énergétique, la sécurité économique, la sécurité nationale, la sécurité climatique : toutes ces formes de sécurité sont indissociables. Elles sont inextricablement liées et elles exigent toutes une accélération de la transition vers des énergies propres. »
Jennifer Granholm a insisté : cela passera par de l’énergie décarbonée. « Cette transition vers des énergies propres pourrait bien être le projet pour la paix de notre temps. La paix vient toujours après la bataille. Alors consacrons à ce projet pour la paix, l’engagement et les ressources d’un effort de guerre. C’est notre plan Marshall ».
Le climat, victime potentielle de l’agression russe
L’Europe est donc en ordre de bataille, sur tous les fronts, pour sa sécurité. Dans le même temps, le sujet climatique a, lui, changé de stature. Il n’est plus réservé aux défenseurs de la planète ; il ne concerne plus uniquement les acteurs de l’environnement. Il est devenu un outil pour l’autonomie stratégique des Etats et un vecteur de paix pour les européens.
Mais malgré les bonnes intentions des discours, d’aucuns craignent un retour aux énergies fossiles pour se libérer rapidement du gaz et du pétrole russes.
Les énergies propres sont la réponse de long terme ; mais nécessité faisant loi, le charbon et le gaz naturel liquéfié pourraient bien être les grands gagnants de la guerre.
« Il est absolument crucial que les États agissent pour que nous puissions garder un approvisionnement en électricité. Mais cela ne signifie pas qu’il faille pour autant mettre un terme à nos efforts pour lutter contre le changement climatique », s’est inquiété Fatih Birol, le directeur de l’AIE. « Il faut veiller à ce que l’ambition climatique ne soit pas victime de l’agression russe. »
L’Agence a déjà présenté plusieurs options pour sortir des dépendances énergétiques au gaz et au pétrole russes. Les recommandations pour le gaz invitent notamment les Etats à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, à considérer l’énergie nucléaire, à travailler sur l’efficacité énergétique.
L’Union européenne œuvre en ce sens au travers du tout récent plan REPowerEU. « La politique énergétique est aussi une politique de sécurité. Avec REPowerEU, nous avons tracé la voie à suivre » a commenté sur Twitter Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.
Energy policy is also security policy.
With REPowerEU we have set the way forward.
Tomorrow I will discuss with @POTUS how to prioritize LNG deliveries from 🇺🇸 to 🇪🇺 in the coming months.
We are aiming to have a commitment for additional supplies for the next two winters. pic.twitter.com/xK8DnWHPxT
— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) March 23, 2022
Il est toutefois à noter que REPowerEU implique une stratégie autour du gaz naturel liquéfié à court terme ; or, il s’agit d’une énergie polluante. Le charbon est une autre option non décarbonée envisagée par des Etats membres comme l’Allemagne et la République Tchèque. Si les objectifs du Green Deal – réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 – ne sont pas remis en cause par l’UE, le chemin sera néanmoins plus complexe que prévu.
Le sujet de l’indépendance énergétique revêt une telle importance stratégique aujourd’hui que l’AIE a demandé à étendre son mandat afin de travailler sur le volet « minerais » de la problématique.
« En plus de continuer à travailler comme traditionnellement sur la sécurité de l’approvisionnement en pétrole et en gaz, je demande aux ministres de donner un nouveau mandat à l’AIE afin qu’elle puisse aider les pays à garantir un approvisionnement fiable et durable pour les minerais critiques comme le lithium, le cobalt, le cuivre, le nickel et les terres rares, qui sont si importantes pour les transition vers des énergies propres » a ainsi plaidé Fatih Birol. Une demande qui lui a été accordée lors de la ministérielle de l’AIE.