Modeste par le passé, la contrainte carbone pourrait devenir un coût pour la sidérurgie à partir de 2020. La Commission tente de ranimer l’idée du captage et du stockage de CO2.
Le marché des quotas de CO2 européen demande aux aciéristes, comme aux autres industries, de réduire leurs émissions depuis 2005.
La fabrication de l’acier, qui nécessite la fusion de minerai de fer et de charbon à coke, est fortement émettrice de CO2. Les 437 haut-fourneaux européens, ou 620 si l’on inclut les forges ayant des activités connexes, représentent la première source de CO2 de l’industrie européenne, avec 160 millions de tonnes émises en 2014.
Au niveau mondial, l’acier représente 5 % des émissions totales. Sur les dix dernières années, la contrainte carbone n’a pourtant pas représenté un coût, mais plutôt une source de revenus pour l’industrie.
Ralentissement de la croissance
La faute à une production réduite : des haut-fourneaux ont fermé, d’autres ont tourné à faible régime. Un phénomène lié au ralentissement de la croissance économique, et qui n’est pas propre au secteur de l’acier. Il a aussi été constaté dans d’autres secteurs à la fois très émetteurs de CO2 et sensibles à la conjoncture, comme le ciment ou la pétrochimie.
Au total, selon une étude de CE Delft publiée en mars 2016, le marché du carbone a entraîné des profits supplémentaires pour le secteur de l’acier, en raison d’une surabondance de quotas dans certains pays, mais aussi d’une augmentation des prix puisque les aciéristes parviennent à faire passer le coût du carbone dans leurs prix de vente.
La situation est toutefois contrastée. Ainsi en France, sur la période 2008-2014, les producteurs d’aciers n’ont pas eu trop de quotas ; ils ont au contraire du en acheter sur le marché (11 millions de tonnes pour des émissions totales de 136 millions de tonnes).
En revanche, au Royaume-Uni, le secteur a émis nettement moins de CO2 que prévu, et donc bénéficié de quotas gratuits qu’il a pu vendre sur le marché. Au total, CE Delft estime que la société britannique a gagné environ 163 millions d’euros en vendant des quotas de CO2 dont elle n’avait pas l’utilité.
Une contrainte couteuse après 2020
Dans le futur, il est toutefois probable que les choses se corsent, alors que la réforme du marché du carbone prévoit un durcissement de la contrainte. La Commission européenne a dévoilé en juillet dernier une proposition de réforme du marché actuellement âprement discutée, et qui prévoit de réduire tendanciellement les quotas alloués d’une année sur l’autre. La mise aux enchères de quotas sera également la norme, et l’allocation gratuite l’exception.
Selon une étude réalisée par Ecofys pour Eurofer, la sidérurgie pourrait au contraire manquer sérieusement de quotas à partir de 2020. Soit 31 % de ses besoins en 2021, et jusqu’à 48 % en 2030, pour un coût total qui atteindrait 26,1 milliards d’euros entre 2021 et 2030.
Un montant qui correspond à la fois au prix des quotas, et au coût indirect entraîné par la consommation d’électricité. Au total, le coût de la contrainte carbone reviendrait à 28 euros par tonne d’acier produit.
Des données toutefois discutées, notamment par l’ONG Sandbag, qui s’interroge sur les projections de production de la sidérurgie, qui seraient un peu trop ambitieuses, avec une production en hausse de 5 % en 2020 notamment.
Le captage et stockage, une solution très théorique
Interrogé par la commission Environnement du Parlement européen mardi 19 avril, le commissaire au climat Miguel Arias Canete a souligné qu’il y a avait un gros problème sur le marché de l’acier, mais que le principal facteur n’était pas le prix du carbone en Europe. Le commissaire a d’ailleurs insisté sur l’importance des allocations gratuites pour le secteur jusqu’à maintenant.
« Mais le problème de l’acier, c’est surtout la production d’acier en Chine, ainsi que le coût élevé de l’énergie en UE, que nous tentons de combattre avec l’Union de l’Énergie » a-t-il précisé.
L’homme politique espagnol a aussi rappelé que la Commission soutenait la capture et le stockage de carbone, qui pourraient représenter une solution pour la production d’acier.
Une piste déjà explorée avec le projet Ulcos développée pour ArcelorMittal en Lorraine. Le projet a été abandonné en 2012, même s’il reste en sommeil selon la société.
Au niveau européen, le mécanisme de soutien aux projets de captage et de stockage de CO2 existe toujours : il s’agit du fonds NER300, théoriquement abondé par la vente de quotas de CO2 qui lui sont réservés. Il est toutefois aux abois, la majeure partie des projets ayant été annulés, faute de financement suffisant.