Moins de deux tiers des membres de la commission Environnement du Parlement européen ont adopté la proposition de loi sur les agrocarburants. Résultat : la question ne sera pas tranchée avant 2015.
L'eurodéputée française Corinne Lepage (ADLE), rapporteure sur les agrocarburants, a eu beau entamer des négociations accélérées avec les États membres, rien n'y a fait. Le texte de compromis qui avait été préparé a été rejeté la semaine dernière.
La proposition visait à limiter à 6 % la part des biocarburants destinés aux transports dans l'UE d'ici 2020.
La procédure impose une majorité des deux tiers. Quelque 34 députés ont voté en faveur du texte et 18 l’ont rejeté. Il manquait donc deux voix pour atteindre le seuil, ce qu’un observateur explique en ces termes : « le vote a eu lieu jeudi en fin d’après-midi »…un peu tard donc.
« Le PPE [Parti populaire européen] et l'extrême droite ont bien défendu les lobbys des biocarburants de première génération », a indiqué Corinne Lepage sur Twitter directement après le vote. « Sept milliards d'euros par an de subvention ! »
Le Conseil des ministres doit dorénavant trouver une position commune à soumettre à un nouveau vote du Parlement. Il est cependant improbable que ce vote se déroule avant les prochaines élections de mai 2014.
Nusa Urbancic, spécialiste des carburants propres du groupe de réflexion Transport and Environment, qualifie le vote de la commission de « victoire pour l'industrie des biocarburants face à aux agrocarburants nouvelle génération ».
« L'industrie des biocarburants de nouvelle génération n'a aucune certitude et bon nombre de [ses entreprises] quitteront probablement l'Europe désormais, comme elles ont déjà menacé de le faire avant », explique-t-elle à EURACTIV. « Mais […] le secteur du biocarburant peut continuer encore un peu. »
Rafaello Garofalo, le secrétaire général de l'European Biodiesel Board, indique que les deux générations de carburants sont intimement liées. Il affirme toutefois que les propositions actuelles « risquent de pénaliser une partie de l'industrie et d’en récompenser une autre ».
« Le vote d'aujourd'hui confirme que le dossier du CASI [changement indirect d'affection des sols] suscite de gros doutes. Il confirme que le Parlement européen adopte lui-même une méthode contradictoire […] », ajoute le membre de l'organisation représentant les industriels.
Il apprécie l’occasion de temps supplémentaire. Il ajoute que les prochains Parlement et Commission pourraient prendre une décision dans un « environnement plus calme » après les élections en mai 2014.
Objectif initial de l'UE
L'UE s’était d'abord fixé comme objectif, en 2009, que 10 % des carburants destinés aux transports proviennent d'énergies renouvelables d'ici 2020. La grande majorité de ces carburants proviendraient des agrocarburants, comme le biodiesel.
Ces cultures vivrières constituent déjà 5 % du marché du transport de l'UE, le seuil de 6 % sera facilement atteint.
L'UE avait espéré que des biocarburants produits à partir d'algues, de déchets et de résidus organiques combleraient l'écart pour atteindre l'objectif de 2020. Ces cultures n'ont aucune conséquence sur l’aménagement du territoire, et ne génèrent donc pas de hausse des prix alimentaires ou des émissions de carbone, selon des scientifiques.
Si les subventions n'étaient plus accordées aux biocarburants de première génération, des denrées alimentaires, comme l'huile végétale, seraient deux fois moins chères en Europe et 15 % moins coûteuses que dans le reste du monde d'ici 2020, selon une étude du Centre commun de recherche (CCR) de l'UE.