La guerre menée par la Russie en Ukraine a engendré une accélération de la transition écologique, les énergies fossiles étant pour la première fois amenées à atteindre un pic « dans les années 2030 », selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
« Nous assistons à un tournant dans l’histoire de l’énergie », a déclaré le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, lors de la présentation des Perspectives énergétiques mondiales 2022, jeudi (27 octobre).
Les prix de l’énergie sont montés en flèche dans le monde entier depuis l’agression militaire russe en Ukraine. Cette situation a déclenché ce que Fatih Birol a décrit comme une « augmentation sans précédent » des technologies de production d’énergie propre telles que l’énergie solaire photovoltaïque, l’énergie éolienne, les batteries, les pompes à chaleur, l’énergie nucléaire et l’efficacité énergétique.
« Cette crise, en effet, permet d’accélérer la transition vers les énergies propres », a déclaré M. Birol aux journalistes. Il s’est dit désormais « optimiste » quant à la détermination des gouvernements à accélérer la transition écologique en réponse au « bouleversement géopolitique » provoqué par la guerre de la Russie en Ukraine.
Dans le cadre des politiques actuelles, les gouvernements du monde entier devraient investir 2 000 milliards de dollars dans les technologies de production d’énergie propre d’ici à 2030, selon l’AIE. Cela représente une augmentation de 50 % par rapport aux 1 300 milliards de dollars investis jusqu’à présent.
Pour la première fois, l’AIE prévoit « un pic distinct des combustibles fossiles » dont la part dans le bouquet énergétique mondial devrait passer d’environ 80 % à environ 70 % « dans les années 2030 » dans le cadre des politiques actuelles, a indiqué M. Birol.
« C’est la première fois depuis la révolution industrielle [que] nous allons assister à un pic des combustibles fossiles », a-t-il souligné.
Dans le principal scénario de l’AIE, l’utilisation du charbon « retombe dans les années à venir », le gaz fossile atteint un plateau « à la fin de la décennie » et la demande de pétrole « se stabilise au milieu des années 2030 » avant de diminuer légèrement jusqu’au milieu du siècle.
Les défenseurs des énergies propres ont salué ce rapport comme un tournant majeur pour l’AIE, dont les perspectives annuelles en matière d’énergie avaient l’habitude de dresser un tableau optimiste de la demande de pétrole et de gaz.
« La guerre de Vladimir Poutine en Ukraine marque le début de la fin pour le secteur des combustibles fossiles », a déclaré Mark Campanale, fondateur de Carbon Tracker, un think tank financier indépendant spécialisé dans la transition énergétique.
L’« âge d’or du gaz » touche à sa fin
L’optimisme de l’AIE s’explique par les programmes adoptés par les gouvernements en réponse à la crise énergétique.
Aux États-Unis, la loi sur la réduction de l’inflation adoptée par l’administration de Joe Biden a permis de débloquer 400 milliards de dollars pour soutenir les énergies propres. En Europe, l’Union européenne redouble d’efforts pour déployer des solutions en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique avec son plan REPowerEU visant à abandonner le pétrole et le gaz russes « bien avant 2030 ».
En Asie, les grandes économies, dont le Japon, la Chine et l’Inde, poursuivent également des objectifs plus ambitieux en matière d’énergie propre, « soutenus par des fonds réels », a déclaré M. Birol.
Parallèlement, la Russie, qui était le premier exportateur mondial de combustibles fossiles, a perdu son principal client — l’Europe — en raison des sanctions imposées en réponse à la guerre en Ukraine. Par ailleurs, réorienter ces exportations vers l’Asie ou ailleurs « sera très difficile » et nécessitera du temps et des investissements, selon M. Birol.
« En conséquence, le rôle de la Russie dans le domaine de l’énergie au niveau international sera très réduit », a-t-il indiqué. Et d’ajouter les exportations russes de pétrole et de gaz devraient continuer à décliner dans les années à venir.
Une autre conséquence de la guerre est le renversement spectaculaire des marchés du gaz, avec le gaz naturel liquéfié (GNL) qui a rapidement remplacé les exportations bon marché de gaz russe par gazoduc.
« Nous approchons de la fin de l’âge d’or du gaz », a déclaré M. Birol en se référant à un rapport publié par l’AIE en 2011, qui marquait le début de la révolution du gaz de schiste.
Pourtant, tous ces développements seront insuffisants pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5 C, l’un des objectifs clés de l’Accord de Paris sur le changement climatique.
Le rapport de l’AIE indique que, dans les conditions actuelles, le réchauffement atteindrait 2,5 °C. Ce chiffre tomberait à 1,7 °C si les engagements pris lors du sommet des Nations unies sur le climat à Glasgow l’année dernière étaient tenus.
Bien que ces résultats soient encourageants, ils sont « encore loin des 1,5 C » de l’accord de Paris, a averti M. Birol. Les investissements dans les énergies propres « doivent doubler » et atteindre 4 000 milliards de dollars d’ici à 2030 pour rester en adéquation avec l’objectif de 1,5 C, a-t-il conclu.