Le très controversé gazoduc Nord Stream 2 pourrait mettre à mal la stratégie sur l’Union de l’énergie de l’UE et anéantir ses projets concernant le gaz naturel liquéfié, avertit un ambassadeur américain.
Richard Morningstar, ancien ambassadeur américain auprès de l’Azerbaïdjan et de l’UE, estime que le projet Nord Stream 2, soutenu par l’Allemagne, mais dénoncé par d’autres États membres, ne ferait qu’aggraver la dépendance de l’UE vis-à-vis du gaz russe.
La semaine dernière, la Commission européenne a dévoilé son intention d’augmenter les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’UE, afin d’améliorer sa sécurité énergétique en se sevrant du gaz russe.
« Si vous voulez détruire la stratégie pour le GNL, construisez Nord Stream », a déclaré Richard Morningstar lors d’un événement à Bruxelles le 23 février.
Nord Stream 2 est principalement financé par Gazprom, l’entreprise russe ayant le monopole de l’énergie, qui a été accusée d’essayer de contourner l’Ukraine, pays de transit traditionnel du gaz russe vers l’Europe.
Les législateurs européens doivent encore se prononcer sur le sujet, mais des sources européennes ont assuré qu’ils utiliseraient tous les moyens à leur disposition pour retarder le projet. Celui-ci est en effet contraire à la stratégie de l’UE, qui souhaite que chaque pays ait au moins trois fournisseurs de gaz différents.
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Pour la dixième année consécutive, les États membres ont importé la moitié de l’énergie qu’ils ont consommée en 2014. Un tiers de leurs importations de gaz est fourni par la Russie. Certains nouveaux membres d’Europe de l’Est sont presque entièrement dépendants du gaz russe.
« Pour moi, Nord Stream 2 est une mauvaise idée », tranche Richard Morningstar, aujourd’hui directeur du centre pour l’énergie internationale du Conseil de l’Atlantique.
Les pays d’Europe centrale se sont opposés au projet, tout comme le président du Conseil, Donald Tusk, qui dénonce à la fois le manque à gagner pour l’Ukraine et le fait que le marché de l’énergie allemand serait largement dominé par Gazprom.
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Sigmar Gabriel, vice-chancelier allemand, a assuré que le projet était une initiative purement commerciale pour Berlin. Il a ainsi déclaré que Nord Stream 2 ne serait construit que si l’envoi de gaz via l’Ukraine continuait après l’expiration du contrat actuel entre Kiev et Moscou, qui pèse près de 2 milliards d’euros par an, en 2019.
« C’est n’importe quoi », assure quant à lui Richard Morningstar. Il estime en effet impossible de dissocier les intérêts commerciaux et politiques d’un tel projet. Récompenser la Russie avec de nouveaux gazoducs plus pratiques pour elle après l’annexion de la Crimée envoie un message politique contre-productif, défend-il, avant d’ajouter que cela anéantirait la nouvelle stratégie européenne sur le GNL.
Bud Coote, qui a été l’analyste principal de la CIA sur les questions d’énergie pendant des décennies, souligné également que les pays payent le gaz russe moins cher quand ils ont des fournisseurs multiples.
L’Union européenne enquête justement sur les prix pratiqués par Gazprom, qui pourraient être contraires aux règles européennes. Le lancement de cette enquête n’a fait qu’envenimer davantage les relations déjà tendues entre Moscou et Bruxelles, à cause du conflit ukrainien.
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