Nucléaire : Paris prépare sa contre-offensive après l’« expression malheureuse » d’Ursula von der Leyen

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen arrive pour présider la réunion hebdomadaire du collège de la Commission européenne à Bruxelles, Belgique, 22 mars 2023. [EPA-EFE/STEPHANIE LECOCQ]

Les propos d’Ursula von der Leyen sur le nucléaire qui ne serait pas stratégique ne sont « clairement pas cohérent » selon le cabinet de la ministre de l’Énergie française qui prépare la contre-offensive pour la réunion du conseil de l’Énergie mardi (28 mars) à Bruxelles.

La Commission européenne présentait jeudi 16 mars sa proposition d’un règlement pour le développement d’une industrie nette en émissions carboniques (Net Zero Industry Act — NZIA) avec des objectifs d’internalisation de la chaine de valeur industrielle.

Parmi les technologies reconnues comme « stratégiques » à cet effet, le nucléaire, qu’il s’agisse de technologies existantes ou en cours de développement, n’y figure pas.

Le cabinet de la présidence de la République française avait donc frappé du poing, appelant les États membres à être clair « une bonne fois pour toutes » sur le rôle assigné au nucléaire dans la décarbonation européenne.

Au sortir du conseil européen réunissant les chefs d’État jeudi soir (23 mars), la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen avait donné sa réponse. 

« Seules les technologies à zéro émission que nous jugeons stratégiques pour l’avenir ont accès à l’ensemble des avantages et des bénéfices  », ce qui n’est pas le cas du nucléaire.

Pas de quoi ménager l’agacement français.

Industrie verte : le nucléaire n’est « pas stratégique », selon Ursula von der Leyen

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a souligné les limites du soutien de l’UE à l’énergie nucléaire dans le cadre du Règlement pour une industrie « zéro net » qui vise à soutenir la production domestique de technologies propres.

L’UE n’est « pas cohérente avec l’enjeu climatique »

À l’issue des deux jours de conseil européen, le président de la République, Emmanuel Macron, avait rappelé que l‘UE s’était fixé des objectifs ambitieux pour décarboner son industrie et atteindre la neutralité climatique d’ici 2050.

« Et pour les atteindre, nous savons que le renouvelable ne peut pas suffire et que le nucléaire constitue bien une part nécessaire de la réponse au niveau européen – à la fois dans notre mix énergétique et pour produire un hydrogène bas-carbone demain », avait-il déclaré.

« C’est d’ailleurs ce qui correspond à l’esprit même de nos traités – respecter les mix énergétiques de chacun mais préserver un principe de neutralité technologique inscrit dans les traités européens », avait complété le président.

Lundi (27 mars), le cabinet de la ministre de l’Énergie, Agnès Pannier-Runacher, a, quant à lui, fustigé une « expression […] malheureuse » de la présidente de la Commission.

La position d’Ursula von der Leyen « n’est clairement pas cohérente avec l’enjeu climatique auquel le nucléaire et les renouvelables ont vocation à répondre », a expliqué sans ambages le cabinet de la ministre, rappelant que le caractère stratégique du nucléaire est reconnu dans le préambule du traité d’EURATOM « sans ambiguïté à cet égard ».

En revanche, la non-reconnaissance du nucléaire comme « stratégique » au nom du NZIA ne pose pas « fondamentalement » problème pour son financement : « la volonté de redévelopper six tranches ‘drivera’ l’industrie européenne », avance le cabinet de la ministre, rappelant que la France souhaite construire six nouveaux réacteurs avec un premier béton coulé en 2027.

Néanmoins, il s’agit bien d’appliquer le principe de neutralité technologique, insiste le cabinet de la ministre, rappelant que ce principe était déjà à l’oeuvre sur la question des eFuels que l’Allemagne veut incorporer au règlement Euro6 sur les carburants. 

Appliquer ce principe aux eFuels « au titre de la neutralité technologique, mais refuser de le faire avec du nucléaire déjà existant manque de cohérence », affirme le cabinet.  

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Les disputes franco-allemandes sur la place du nucléaire dans la lutte contre le changement climatique et l’interdiction des moteurs thermiques en 2035 jettent une ombre sur le sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE jeudi et vendredi.

L’alliance nucléaire

Face aux réticences de Bruxelles sur le nucléaire, Mme Pannier-Runacher réunira mardi matin (28 mars) à Bruxelles les 11 États membres prenant part à l’alliance sur le nucléaire mise en route lors du dernier sommet européen à Stockholm.

Le cabinet a d’ores et déjà annoncé que d’autres États membres que les 11 originels participeront à la réunion. Annoncée comme participant à la première réunion de l’alliance, l’Italie s’était finalement retirée mais serait pressentie pour y participer cette fois-ci.

Ensemble, ces pays constituent une minorité de blocage sur les textes en cours de négociations au niveau européen. Qu’il s’agisse du « paquet gaz » définissant des règles en matière d’infrastructures gazières et d’hydrogène, ou de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) dont des trilogues sont prévus mercredi (29 mars).

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[Edité par Frédéric Simon]

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