C’est à une écrasante majorité que les eurodéputés ont voté contre une motion appelant à rejeter la nouvelle liste de projets énergétiques prioritaires. Celle-ci prévoit notamment de financer de nouvelles infrastructures gazières, au grand dam des Verts.
À Strasbourg, les parlementaires européens ont voté contre une motion présentée par les Verts, qui préconisait le rejet de la quatrième liste de projets d’intérêt commun (PIC) de l’UE. Celle-ci avait été dévoilée en octobre dernier par la précédente Commission européenne, présidée par Jean-Claude Juncker.
Soumise au vote le 12 février, la motion a été rejetée à une écrasante majorité : 443 voix contre, 169 voix pour et 36 abstentions.
« Pendant une certaine période, nous aurons besoin de l’énergie provenant du gaz. Elle permettra de faire la transition vers des sources énergétiques plus propres et climatiquement neutres », a assuré l’eurodéputé roumain Cristian Busoi, président de la commission de l’industrie du Parlement et membre du parti populaire européen (PPE, centre-droit).
La liste de la Commission contient 151 projets d’infrastructure énergétique, dont 70 % sont liés à l’électricité et aux réseaux intelligents.
Mais elle comprend également 32 projets d’infrastructure gazière qui, selon ses détracteurs, entrent en contradiction avec l’ambition affichée par l’Europe de devenir le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050. Un objectif défendu par Ursula von der Leyen, qui a pris ses fonctions à la tête de la Commission européenne en décembre dernier.
« Le bon sens l’a emporté », a déclaré Lars Ole Løcke, l’un des porte-parole de PPE qui a lui-même soutenu la liste.
« La sécurité de notre approvisionnement énergétique est vitale. En soutenant les 151 projets énergétiques de la liste PIC, nous aidons notamment les pays baltes à s’affranchir du réseau électrique russe », avait fait valoir Lars Ole Løcke sur Twitter avant le vote.
Rejeter la nouvelle liste aurait également prolongé la durée de l’actuel catalogue qui remonte à 2017, avait souligné le PPE avant le vote. Ce qui n’était pas de nature à « aider le Green Deal ».
La colère des Verts
Les Verts et les organismes de défense de l’environnement n’ont pas caché leur courroux. « Quelle honte », s’est emporté l’Allemand Michael Bloss, un eurodéputé vert. « Cette liste PIC sape le Green Deal européen et contribue au réchauffement de la planète », a-t-il martelé sur Twitter, dénonçant l’attitude des centristes de Renew Europe, dont le groupe a rejoint les rangs du PPE, des socialistes (S & D), des conservateurs (ECR) et du parti d’extrême droite Identité et démocratie (ID) pour soutenir la quatrième liste PCI.
« Donner la priorité et des fonds à ces projets gaziers signifie imposer au système énergétique européen un verrou gazier pendant les 40 à 50 prochaines années et gaspiller jusqu’à 29 milliards d’euros provenant des contribuables européens dans de futurs actifs “enlisés” », a pour sa part fait valoir le groupe de défense de l’environnement Climate Action Network (CAN) Europe.
Mais en dépit de la déception des Verts, c’est désormais la prochaine bataille qui focalise l’attention.
Avant le vote, Kadri Simson, la commissaire européenne à l’énergie, a pris la parole devant l’hémicycle. Elle a attiré l’attention sur une révision prochaine du règlement RTE-E, qui donne aux États membres de l’UE des lignes directrices concernant la construction d’infrastructures énergétiques transfrontalières.
« Je m’engage pleinement à revoir le règlement RTE-E cette année encore et à travailler en étroite collaboration avec le Parlement européen pour que les investissements soient adaptés [aux projets d’] avenir de l’UE », a déclaré Kadri Simson sur Twitter, ajoutant qu’elle partageait la vision d’une « infrastructure énergétique européenne moderne, propre, sûre et intelligente » portée par le Parlement.
Le fait de figurer sur la liste PIC ne garantit en aucun cas que les projets recevront effectivement un financement, a rappelé Kadri Simson aux parlementaires avant le scrutin.
Frans Timmermans, le vice-président de la Commission chargé de superviser le « Green Deal », est allé plus loin en affirmant que l’UE ne financerait que les projets énergétiques soutenant l’objectif de neutralité climatique de l’Europe.
« Pour recevoir un financement de l’UE, les projets figurant sur la liste PIC devront soutenir les ambitions de notre « Green Deal », a-t-il assuré sur Twitter, confirmant les déclarations antérieures de fonctionnaires de l’UE.
Selon la nouvelle ligne politique de la Commission, seules les infrastructures gazières « évolutives » bénéficieront de financement, elles devront donc être en mesure de traiter des gaz à faible teneur en carbone tels que l’hydrogène, afin d’éviter un « verrouillage » dans le gaz fossile.
L’eurodéputé français Pascal Canfin, membre du groupe politique Renew Europe et président de la commission de l’environnement, a applaudi l’engagement pris par la Commission de ne plus attribuer de fonds européens aux infrastructures de gaz fossile.
« Frans Timmermans a déclaré avant le vote que la Commission ne financera[it] aucun projet gazier qui soit incompatible avec le Green Deal et la neutralité carbone », a-t-il relevé, qualifiant cette décision de « percée majeure » pour la politique climatique de l’UE.
« La Commission doit maintenant procéder à une évaluation et agir en conséquence », a-t-il ajouté.
La nouvelle approche de la Commission, qui consiste à ne financer que les infrastructures gazières « évolutives », est soutenue par Christian Ehler, un eurodéputé allemand du PPE qui siège à la commission de l’industrie du Parlement.
« Pour assurer la transformation progressive de notre système énergétique, les projets gaziers figurant sur la liste devraient être compatibles avec l’hydrogène afin de garantir la pérennité des infrastructures », a-t-il fait valoir avant le vote.
En dépit de leur défaite, les Verts se sont montrés intraitables après le vote, déclarant qu’ils « continuer[aient] à se battre pour que le Green Deal européen soit mis en œuvre ».