Le Parlement européen devrait suspendre l'approbation du budget 2010 de trois agences de l'UE en raison de dépenses qui semblent injustifiées, selon le législateur en charge du dossier.
Le Parlement européen devrait suspendre l'approbation du budget de l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de l'Agence européenne des médicaments (AEM), peut-on lire dans une note publiée hier par l'Assemblée de l'UE.
Cette décision devrait être prise lors d'une séance plénière ce jeudi (10 mai) lorsque les budgets 2010 des 24 agences de l'UE et organismes décentralisés seront examinés.
Monica Macovei, l'eurodéputée conservatrice roumaine en charge du dossier, proposera de repousser l'approbation des budgets de trois agences.
Conflits d'intérêts et politique de la « porte-tambour »
Mme Macovei a expliqué à EURACTIV que l'annonce hier de Diána Bánáti, jusqu'alors présidente du conseil d'administration de l'EFSA, qu'elle partait travailler pour l'ILSI, une organisation financée par le secteur alimentaire et agrochimique, soulignait le problème des conflits d'intérêts.
La raison initiale du report de la décharge pour l'EFSA est que Mme Bánáti n'avait pas mentionné dans sa déclaration d'intérêts qu'elle siégeait également au sein du conseil d'ILSI-Europe en octobre dernier.
Mme Bánáti a démissionné d'ILSI-Europe après que la situation a été dénoncée par l'eurodéputé José Bové à l'époque. Elle est donc restée présidente du conseil d'administration de l'EFSA. Aujourd'hui, elle a annoncé qu'elle quittait l'EFSA pour l'ILSI où elle deviendra directrice. L'EFSA a par la suite publié un communiqué expliquant qu'elle quitterait l'Autorité.
Les membres de la commission de l'EFSA sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), que Mme Bánáti était chargée de superviser, s'occupent de l'autorisation ou de l'interdiction des OGM sur le territoire de l'UE ; ils sont accusés d'avoir entretenu des relations étroites avec l'industrie des OGM, notamment avec Monsanto et Syngenta.
« Ces aller-retours entre l'autorité et l'industrie ne garantissent pas à la population que leurs actions sont dans l'intérêt des consommateurs », a affirmé Mme Macovei. Elle a ajouté que le fait que Mme Bánáti ait changé d'avis la veille du vote l'avait persuadée de la nécessité de bloquer la décharge.
Dans le même temps, certains membres et experts de l'Agence européenne des médicaments sont accusés d'avoir eu des contacts trop étroits avec l'industrie pharmaceutique.
« Nous avons travaillé avec les bureaux de Mme Macovei au cours des derniers mois et avons répondu à tous les points soulevés lors des débats. Nous sommes déçus de constater que malgré tout, elle continue de recommander le report de la décharge pour 2010 », a expliqué Martin Harvey de l'AEM.
La directrice exécutive de l'Agence européenne pour l'environnement, Jacqueline McGlade, est elle aussi citée pour malversations financières et pour avoir entretenu des relations compromettantes avec Earthwatch, une organisation environnementale qui reçoit des fonds de l'AEE.
De lourdes dépenses en temps de crise
L'EFSA et l'AEE sont également accusées d'avoir consenti à des dépenses suspectes. Chaque réunion du conseil d'administration de l'EFSA coûte en moyenne 100 000 euros. En d'autres termes, lorsque les 15 membres du conseil de l'agence organisent une réunion, les contribuables doivent payer 6000 euros pour chaque personne présente. C'est « près de trois fois plus que le second conseil d'administration le plus cher d'une agence décentralisée », a argué Mme Macovei.
Le dossier le plus compromettant en termes de malversations financières demeure toutefois celui sur l'AEE, à n'en pas douter. Des séjours touristiques ont été rapportés comme des dépenses professionnelles par certains membres de l'agence. Des dons et des contrats publics font en outre l'objet d'une enquête de l'UE.
D'autres dépenses de l'agence peuvent sembler discutables, comme les 300 000 euros dépensés pour redécorer avec de la verdure la façade de son bâtiment à Copenhague (voir la photo). Ce contrat a par ailleurs été signé sans appel d'offres préalable, a affirmé Mme Macovei.
L'agence a également souscrit un contrat pour des services de veille médiatique avec un plafond de 250 000 euros sur quatre ans, ce qui pourrait donc coûter jusqu'à 60 000 euros par an à l'agence. « C'est excessif et contraire au principe de l'utilisation efficace de l'argent des contribuables », a fait remarquer l'eurodéputée.
Contactée par EURACTIV, l'AEE a déclaré qu'elle n'avait dépensé qu'11 300 euros par an en veille médiatique et que les plafonds n'avaient jamais été atteints. Concernant la façade, l'agence n'a pas nié les dépenses occasionnées, mais elle a souligné qu'elles avaient été engagées suite à une procédure régulière d'appel d'offres.
La nouvelle « façade vivante » devait être « le principal élément de communication de l'AEE lors de l'Année internationale de la Biodiversité », a affirmé l'agence.
Ce fut un succès, dans la mesure où la nouvelle façade a suscité l'intérêt d'architectes et d'urbanistes en Europe et qu'elle a été vue par plus d'un demi-million de visiteurs sur place et en ligne, a argué l'AEE. Cette façade vivante « a été élue meilleure attraction touristique du Danemark en 2010 », a-t-elle ajouté.