Une partie de Syriza et des citoyens grecs ont accueilli avec fureur ce qu’ils considèrent comme une capitulation d’Alexis Tsipras face aux créanciers du pays. Avant d’entrer en vigueur, l’accord doit être validé par la Vouli le 15 juillet.
Quelques heures après la conclusion d’un accord dans lequel Athènes abandonne de larges pans de sa souveraineté à une surveillance européenne en échange d’un programme de sauvetage de 86 milliards d’euros, la stabilité du gouvernement d’Alexis Tsipras était déjà remise en question.
Les conditions imposées à la Grèce par ses créanciers internationaux, et notamment par l’Allemagne, lors des négociations du sommet d’urgence qui a duré de dimanche à lundi matin, signifient le maintien de l’austérité en Grèce, une option auparavant rejetée par Alexis Tsipras et la majorité de la population.
Pourtant, selon l’accord, le Premier ministre grec devrait à présent faire passer des lois pour réduire les retraites, augmenter la TVA, affaiblir les conventions collectives et instaurer des contraintes budgétaires quasi automatiques. Le gouvernement doit en outre isoler l’équivalent de 50 milliards d’euros d’actifs qui seront transférés à un fonds au Luxembourg et vendus sous la supervision des créanciers. Tout cela doit finalement être approuvé par le parlement grec le 15 juillet.
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Alexis Tsipras, élu en janvier sur la promesse de mettre un terme à l’austérité, a déclaré avoir mené un « combat difficile » et « empêché l’étranglement financier ».
Pour faire valider l’accord par la Vouli, le parlement grec, le Premier ministre devra compter sur les votes des députés d’opposition pro-européens, ce qui soulève bien des questions quant à l’avenir de son gouvernement et à l’éventualité d’élections anticipées.
Des mécontents au sein de Syriza et du parti de coalition des Grecs indépendants (droite) ont indiqué qu’ils ne voteraient pas pour un programme reniant les promesses électorales sur lesquelles ils avaient été élus.
Panagiotis Lafazanis, ministre de l’Énergie, et Dimitris Stratoulis, ministre adjoint du Travail, pourraient tous deux être remplacés par la direction de Syriza, étant donné leur opposition farouche à l’accord.
Panagiotis Lafazanis, chef de file de la faction la plus à gauche de Syriza, a déjà annoncé que ni lui ni ses collègues d’extrême gauche ne voteraient en faveur de l’accord.
Le 14 juillet, il a également exhorté Alexis Tsipras à « rendre » l’accord à ses partenaires européens qui ont traité la Grèce comme si elle était une « colonie ». « Cet accord est inacceptable […] Nos soi-disant partenaires, et en premier plan l’establishment allemand ont traité notre pays comme s’il était leur colonie », a-t-il condamné, qualifiant ces « partenaires » de « brutaux maitres-chanteurs ».
Nikos Chountis, ancien eurodéputé, a démissionné le 13 juillet de son poste de ministre des Affaires européennes, arguant qu’il lui était impossible de soutenir un tel accord.
« Aujourd’hui, nous devons nous préparer à une sortie de l’euro », estime quant à lui le député Costas Lapavitsas (Syriza).
149 des 300 députés de la Vouli sont membres de Syriza. Les Grecs indépendants ont 13 représentants au parlement. Nouvelle démocratie, le principal parti d’opposition, compte 76 députés, Potami (centre) et Aube dorée (extrême droite) en ont 17, le parti communiste (KKE) 15 et PASOK (Mouvement socialiste panhellénique, au pouvoir avant Syriza) 13.
Jusqu’à 40 députés Syriza voteront contre les mesures d’austérité mercredi. Panos Kammenos, dirigeant des Grecs indépendants, a déclaré le 13 juillet être opposé à l’accord de l’Eurogroupe, sans pour autant préciser si lui et ses députés voteront contre. KKE et Aube dorée devraient voter contre l’accord, PASOK, Potami et Nouvelle démocratie voteront pour.
Varoufakis dénonce l’accord
L’ancien ministre des Finances, Yanis Varoufakis, a qualifié l’accord de « catastrophique » et d’« intenable ». « Il ne s’agit pas d’économie. Il ne s’agit pas de mettre la Grèce sur la voie de la relance », a-t-il expliqué à ABC, la chaine publique australienne. « C’est un nouveau traité de Versailles, qui hantera l’Europe, et le Premier ministre le sait. Il sait qu’il perd s’il accepte et qu’il perd s’il refuse. »
Yanis Varoufakis a également révélé qu’avant même le référendum, une « équipe d’urgence Grexit » avait été formée à la demande d’Alexis Tsipras, afin de préparer les mesures nécessaires au cas où les partenaires européens de la Grèce excluaient Athènes de la zone euro. « Nous devrions être prêts à réagir dans l’urgence au cas où Wolfgang Schäuble concrétise son plan pour le Grexit », note-t-il.
Vers un gouvernement technocrate
La perte de la majorité du parlement grec pourrait forcer le Premier ministre à former un gouvernement de technocrates. Stavors Theodorakis, à la tête de Potami, a d’ores et déjà annoncé qu’il ne participerait pas à un tel gouvernement, mais qu’il pourrait désigner des personnes spécifiques en mesure d’obtenir des résultats en ces temps difficiles pour la Grèce.
Le parti socialiste grec, ou PASOK, est également favorable à un gouvernement technocrate, tout comme Nouvelle démocratie. Les membres de ce dernier ne participeraient pas non plus, mais assurent qu’ils demanderaient la participation de personnalités largement acceptées.
Les Grecs indépendants se sont aussi opposés à une technocratie. « Nous n’accepterons pas de participer à un gouvernement prétendument technocrate composés de membres qui ont donné tout ce qu’ils voulaient [aux partenaires européens] quand le Premier ministre négociait », a souligné Panos Kammenos.
Zoé Konstantinopoulou, la présidente de la Vouli, a également attaqué le programme du Premier ministre. Cette gauchiste intransigeante pourrait créer des obstacles procéduriers de taille pour l’adoption de l’accord.
Le quotidien grec Kathimerini estime qu’Alexis Tsipras pourra faire accepter l’accord au parlement et continuer à diriger un gouvernement de minorité grâce à Nouvelle démocratie, Potami et PASOK.
Accord conditionnel
Si le sommet européen sur le troisième plan de sauvetage de la Grèce n’avait pas abouti à un accord, la Grèce aurait été au bord d’un abîme économique. Ses banques se seraient effondrées et le pays aurait dû mettre en place une monnaie alternative et sortir de l’euro.
Au lieu de cela, les négociateurs ont obtenu un accord conditionnel pour un troisième plan d’aide, qui débloquerait 86 milliards d’euros sur les trois ans à venir, si les partenaires européens sont satisfaits de l’application des réformes.
« L’accord a été laborieux, mais il a abouti. Il n’y a pas de Grexit », a déclaré Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne lundi matin, après plus de 17 heures de négociations.
Il a affirmé qu’Athènes n’avait pas été humiliée, malgré le fait que la déclaration du sommet insiste à plusieurs reprises que la Grèce doit à présent soumettre une grande partie de sa politique publique à l’approbation des créanciers.
« Il n’y a ni gagnant ni perdant dans ce compromis », a également assuré Jean-Claude Juncker. « Je ne trouve pas que le peuple grec ait été humilié ni que les autres Européens aient perdu la foi. C’est un accord typiquement européen. »
À la demande des ministres des Finances de la zone euro, des options d’accords de financement temporaires sont à l’étude. Une décision est attendue le 15 juillet.
Selon l’accord de l’Eurogroupe, Athènes devra à présent concrétiser des réformes très impopulaires sur la taxe sur la valeur ajoutée, les retraites, les coupes budgétaires, les règles de faillite et une loi européenne sur le secteur bancaire qui pourrait être utilisée pour faire supporter les pertes par les gros déposants.
L’accord doit à présent également être accepté par d’autres parlements de la zone euro, et notamment le Bundestag allemand, qui votera vendredi.
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Les alliés d’Angela Merkel ont défendu l’accord, et son chef du personnel, Peter Altmaier, a déclaré que l’Europe avait gagné et que l’Allemagne « a participé à la résolution, du début à la fin ! »
En Grèce, même ceux qui étaient favorables à un accord avec l’UE accueillent les conditions manière plus nuancée, et le soulagement a été teinté de colère vis-à-vis de Berlin. « C’est en quelque sorte une victoire, mais une victoire pyrrhique, parce que les mesures sont très strictes », estime Marianna, 73 ans.
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