La France défend la thèse de l’harmonisation fiscale dans l’Union européenne. Selon le Conseil d’analyse économique, lisser les assiettes et harmoniser les impôts pour les banques sont les premiers pas à franchir.
« Le sujet de l’harmonisation fiscale n’est absolument pas consensuel en Europe !» Agnès Bénassy-Quéré, présidente du Conseil d’analyse économique (CAE), le reconnaît bien volontiers.
La mission des avocats de cette cause n’est donc pas des plus simples. Si l’objectif d’harmoniser les taux d’imposition en France semble être une évidence, dans le reste de l’Europe certains experts soutiennent au contraire l’idée que la concurrence fiscale est une bonne chose car elle oblige les gouvernements à plus d’efficacité. Avec un des taux d’imposition des sociétés les plus élevés en Europe, Paris estime que les taux très faibles représentent un obstacle au bon fonctionnement du marché unique au sein de l’Union européenne.
En début d’année, François Hollande a d’ailleurs annoncé vouloir « une harmonisation avec nos plus grands voisins européens à l’horizon 2020 ».
Dans sa note présentée au premier ministre le 25 juin dernier, le CAE propose de corriger les défauts liés à la concurrence fiscale de trois façons. Dans un premier temps, il s’agirait de reprendre le projet actuellement bloqué d’assiette fiscale commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS). L’assiette est le montant qui sert de base au calcul d’un impôt ; si certains pays autorisent à sortir de cette assiette une ribambelle de frais/dettes/et autres investissements des entreprises, les discussions sur le sujet ne servent à rien. Ce projet permettrait de rendre « la concurrence fiscale plus transparente et plus saine », d’après Agnès Bénassy-Quéré.
Se concentrer sur l’assiette
Selon l’économiste Alain Trannoy, co-auteur de la note, l’ACCIS pourrait être remis sur pied « sur la base d’une coopération renforcée ou avec quelques pays comme l’Allemagne, la France, le Benelux et l’Italie pour ensuite avoir un effet boule de neige dans d’autres pays de la zone euro ».
L’harmonisation fiscale permettrait aussi de limiter les risques d’optimisation qui consiste pour les multinationales à transférer leurs revenus d’un pays à l’autre pour profiter de taux d’imposition intéressants. « Les taux (d’imposition), c’est certes très important mais cela ne sert à rien si on n’a pas harmonisé les assiettes », souligne Alain Trannoy.
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Pour Agnès Bénassy-Quéré, il ne s’agit pas « d’augmenter la charge fiscale » en Europe, mais plutôt de la rationaliser en lissant progressivement les assiettes fiscales.
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L’Union fiscale après l’Union bancaire ?
Le Conseil d’analyse économique ne s’arrête pas là. Il estime que si la France veut promouvoir l’harmonisation fiscale en Europe, elle doit donc convaincre ses partenaires de ses effets bénéfiques sur la croissance et la stabilité financière. Cela commence par la fiscalité sur les entreprises, selon les économistes.
Le CAE conseille ainsi de s’intéresser en premier lieu à la fiscalité du secteur bancaire. De son côté, l’Union bancaire adoptée en avril dernier permet d’harmoniser les risques. Les auteurs de la note estiment ainsi que cette Union bancaire doit être complétée par un volet fiscal avec une seule taxe sur l’activité financière issue de la fusion des différentes taxes nationales.
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Enfin après la mise en œuvre des deux premières recommandations, une troisième étape verrait le jour. Le CAE propose ainsi d’introduire un impôt sur les sociétés minimum harmonisé sur le secteur bancaire, dont les recettes financeraient, elles, des projets d’infrastructure et des investissements de long terme. « Cela permettrait de dégager les ressources pour un budget commun de la zone euro assis sur la fiscalité des entreprises », indique Agnès Bénassy-Quéré.