Le projet d’Union des marchés de capitaux de la Commission européenne pourrait complexifier la mise en oeuvre de la taxe sur les transactions financières, dont les contours demeurent flous.
Les 11 pays européens prêts à s’engager dans le dossier de la taxe sur les transactions financières ont prévu de se retrouver le 6 octobre prochain pour une réunion en marge de l’Ecofin de Luxembourg.
Les ONG s’inquiètent notamment de la méthode adoptée, qui consiste dans un premier temps à définir l’assiette de la taxe, en octobre, avant de se pencher sur la question des taux appliqués par la suite, sans doute en juin 2016.
« C’est une approche qui n’a pas de sens ; il faudrait se donner un objectif financier, et ensuite envisager comment l’atteindre » s’insurge Alexandre Naulot, chargé de campagne chez Oxfam.
Pour l’heure, la Commission estime qu’il faudrait mettre en place une taxe de 0,1 % sur les actions et de 0,001 % sur les obligations dès qu’un opérateur d’une transaction appartient à un des 11 pays de la zone TTF.
Interrogations sur la portée géographique de la taxe
Le lobby bancaire qui lutte pied à pied contre le projet bataille actuellement sur la question géographique : les opérations des banques européennes à New York ou Singapour devraient-elles être taxées ? Cette question devrait être tranchée en octobre.
Dans une étude réalisée par l’institut allemand Diw, l’estimation des recettes de cette taxe était de 36 milliards d’euros avec 11 pays participants. Une estimation corroborée par les chiffres de la Commission, qui passerait toutefois à 24 milliards d’euros si les obligations (dont les principales représentent les dettes des États) étaient exclues. Mais la révision à la baisse de la portée géographique de la taxe impacterait nécessairement ces hypothèses.
Autrefois moteur du projet, la France reste tiraillée entre différents objectifs : trouver des financements innovants et ménager ses grandes banques, sources d’emplois et d’impôts.
« L’argent est là, mais la volonté politique manque pour arriver à un accord européen », craint Friederike Röder, directrice de One France.
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Le 1er septembre, le commissaire européen Pierre Moscovici a pourtant déclaré que « les négociations se sont intensifiées, la volonté politique est plus forte pour aboutir à un accord »
Une taxe à même de calmer les marchés financiers
Une volonté que les récentes montagnes russes observées par les marchés financiers mondiaux ne peuvent que renforcer.
En effet, une toute petite taxe sur les transactions pourrait décourager les opérations de trading à haute fréquence. Selon James Henry, conseiller pour le Tax Justice Network, « les algorithmes sont coincés dans des approches qui amplifient les hoquets du marché », et une petite taxe pourrait décourager le nombre extrêmement important d’opérations constatées lors des paniques de marché.
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Aux États-Unis, le sénateur démocrate du Vermont, Bernie Sanders, a de son côté relancé le débat, en insistant sur la mise en place de cette taxe qui permettrait au pays de lever 50 milliards de dollars par an selon lui – un montant supérieur à la taxe européenne à 11, mais relativement équivalent si on le rapporte à la population. Le sénateur est parvenu à convaincre en proposant de financer une partie de l’enseignement supérieur grâce à cette nouvelle taxe.
En Allemagne, le SPD tente de mettre la pression sur son ministre des Finances, Wolfgang Schauble, pour que la taxe se concrétise enfin. « Cette TTF doit être mise en place le plus vite possible. Il n’est pas envisageable que ceux qui ont créé la crise financière échappent à leurs responsabilités en luttant contre la solution » a déclaré en août le député allemand Thorsten Schaefer-Guembel au Bild am Sonntag.
Union des marchés de capitaux contre TTF
En revanche, au niveau de la Commission européenne, qui a longtemps travaillé en faveur de la mise en place de cette taxe, les forces en présence ne sont pas aussi favorables.
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En effet, le commissaire aux services financiers, le Britannique Jonhathan Hill, doit présenter fin septembre son projet d’Union des marchés de capitaux.
Il s’agit d’un projet destiné à unifier le fonctionnement de la finance à l’échelle des 28 pays. Or, la « création de la TTF crée précisément une distinction importante sur les marchés financiers de 11 pays au sein de l’UE, c’est un mouvement contraire » constate une source européenne.
Reste un élément positif sur le tableau contrasté : la détermination des Autrichiens, désormais à la manœuvre sur la TTF européenne.