Athènes a annoncé par surprise mardi soir (11 juin) la fermeture immédiate de la société de radiotélévision publique en vue de tenter désespérément de réduire le nombre d'emplois dans le secteur public et de respecter les conditions d’un renflouement imposé par la troïka des créanciers internationaux, la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.
La Grèce a annoncé hier l'une des mesures les plus drastiques jusqu’à présent en vue de consolider ses finances publiques en faillite et de respecter les conditions d’un renflouement international.
Les chaînes de télévision de l’ERT ont cessé d'émettre mardi à minuit et environ 2 600 membres du personnel sont au chômage technique avant la relance d'une autre société avec moins d'effectifs. Cette situation a déclenché une tempête de protestations des syndicats et même des autres partenaires dans la coalition au pouvoir. Certaines chaînes auraient même fermé avant cette date.
Dans le cadre des pouvoirs d'urgence, le ministre des finances a décidé d’arrêter immédiatement les transmissions. Les citoyens grecs qui souhaitent regarder les programmes de l'ERT se retrouvent ainsi devant des écrans noirs.
« Au moment où l'on impose au peuple grec de lourds sacrifices, il n'est plus question de repousser au lendemain, d'hésiter, d'épargner les vaches sacrées », a déclaré le porte-parole Simos Kedikoglou au cours de la dernière déclaration télévisée du gouvernement à l'ERT.
Les trois chaînes de la télévision nationale, les stations de radio régionales, nationales et extérieures, coûtent 300 millions d'euros par an à la Grèce et M. Kedikoglou a déclaré que cela devenait « un exemple typique de […] gaspillage incroyable ».
Des milliers de personnes se sont rassemblées devant le siège de l'ERT après l'annonce et se sont engagées à lutter contre cette décision. La police antiémeute a bloqué l'entrée d'un studio dans le centre d'Athènes où des manifestants avaient déployé une bannière indiquant « Fini avec la junte, l'ERT ne fermera pas ! ».
« Aujourd'hui, nous sommes le mardi 11 juin et c'est une journée difficile », a expliqué la présentatrice Elli Stai aux téléspectateurs depuis le studio devant lequel une foule de travailleurs scandait des slogans et frappait dans les mains.
« Nous diffuserons ce qui semble être notre dernier bulletin d'informations avec le calme, la cohérence et le professionnalisme auxquels nous sommes habitués. »
Les chaînes de télévision privées ont cessé de diffuser des émissions en direct pendant six heures pour témoigner leur solidarité et ont transmis des rediffusions et des publicités. Personne n'a présenté le journal de 20 heures.
L'annonce fait suite à l'impossibilité embarrassante lundi de trouver un acquéreur pour la compagnie gazière DEPA dans le cadre d'une vaste liquidation des biens publics. La Grèce s'est ainsi retrouvée à court de liquidités pour respecter ses objectifs en matière de renflouement.
Tension au sein du gouvernement
La fermeture de l'ERT a immédiatement provoqué des fissures au sein de la coalition tripartite fragile du premier ministre Antonis Samaras, dont deux partenaires de second rang ont critiqué le fait qu'ils n'avaient pas été consultés.
« La radiodiffusion publique ne peut pas être fermée », a déclaré Yannis Maniatis, un haut représentant du parti socialiste Pasok. « Une coalition tripartite ne fonctionne pas avec des "faits accomplis". »
Lors de la manifestation, le chef de l'opposition, Alexis Tsipras, a qualifié la fermeture « d'un coup d'État, non seulement contre les travailleurs de l'ERT, mais également contre le peuple grec ». Il a également imputé au gouvernement « la responsabilité historique de museler la télévision publique ».
La décision a été prise grâce un décret ministériel, elle peut donc être appliquée sans l'approbation du parlement.
« Le journalisme est persécuté. Nous ne permettrons pas que la voix de la Grèce soit réduite au silence », a déclaré George Savvidis, le chef du syndicat des journalistes POESY.
M. Kedikoglou a déclaré que le personnel de l'ERT serait encouragé à postuler pour des emplois dans une nouvelle société de radiotélévision, mais n'a pas donné plus de précisions.
Le président de l'Union européenne de radio-télévision, Jean Paul Philippot, a écrit au premier ministre grec pour l'exhorter à revenir sur sa décision.
« Les sociétés nationales de radiotélévision sont plus importantes que jamais en période de difficultés intérieures », a-t-il écrit.
Les contrôleurs de la troïka de créanciers sont arrivés à Athènes lundi pour vérifier une dernière fois si la Grèce parvient à épargner de l’argent dans le cadre du plan de sauvetage.
Pasok a établi un lien entre la fermeture de l'ERT et une exigence de la troïka imposant 2 000 licenciements dans le secteur public d'ici le mois d'août. Il a également demandé d'organiser immédiatement une réunion des dirigeants de parti.
« Pasok est en faveur de réformes publiques courageuses et conséquentes. Il est toutefois opposé à des décisions à court terme et dangereuses destinées à impressionner », a déclaré le parti socialiste.
Avant l'échec de la vente de DEPA, la Grèce profitait d'un optimisme inattendu de la part des investisseurs. Ces derniers avaient réduit le nombre de rendements obligataires et ouvert des négociations sur une relance, un an après que la Grèce a failli entraîner l'effondrement de la zone euro.