Le commissaire européen en charge du marché intérieur Michel Barnier était aux Etats-Unis pendant le week-end pour discuter franchement de la réforme financière. Toutefois, un officiel américain de haut rang a prévenu que M. Barnier flirtait avec les coupables de la crise et que son voyage pourrait se révéler être une perte de temps.
Le commissaire de l'UE au marché intérieur doit participer à une série de rencontres avec les patrons des hedge funds, le département du Trésor des Etats-Unis, la Réserve fédérale et plusieurs commissions bancaires de l'administration américaine. Les discussions ont débuté dimanche et devraient se terminer demain (11 mai).
Un initié à Washington a critiqué le fonctionnaire européen pour avoir organisé des rencontres avec les personnes les plus détestées des Etats-Unis en ce moment, et pour avoir eu des discutions musclées sur des règles de capital bancaires qu'il a conscience que les Etats-Unis n'adopteront pas.
M. Barnier prévoit de proposer des règles à la fin de l'année exigeant des banques qu'elles détiennent un capital de haute qualité et en plus grande quantité, afin de prévenir les renflouages par les contribuables qui ont laissé de graves déficits budgétaires dans de nombreux pays.
Le projet de M. Barnier comprendrait une extension d'une série de règles d'exigences de fonds propres qui émergerait du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire.
Sur la question des exigences de fonds propres, je veux savoir ce que font les Américains, et ce qu'ils prévoient de faire, a dit M. Barnier à la presse en amont de sa visite américaine.
Le comité anti-Bâle d' Obama
Si M. Barnier veut discuter des exigences de fonds propres avec les Etats-Unis, il gaspille un billet d'avion, a confié l'informateur de Washington à EURACTIV.
Aux Etats-Unis, il existe une grande incertitude quant au futur des exigences de fonds propre des banques pour de nombreuses raisons, a-t-il expliqué.
Bien que le Secrétaire au Trésor des Etats-Unis Timothy Geithner ait clairement affirmé qu'il avait l'intention de renforcer les exigences de fonds propres, on ne sait pas comment ces règles seront rédigées, alors que la proposition de loi sur la réforme financière très controversée, la Dodd Bill, a eu beaucoup de mal à recevoir l'approbation des républicains.
Il a également supposé que M. Barnier avait bien conscience de la position des Etats-Unis sur le capital des banques et que le commissaire faisant certainement semblant avec Bâle pour le plaisir des observateurs européens.
Barack Obama ne soutient pas les accords de Bâle, alors que son conseiller sur la question Daniel Tarullo, proche associé et membre du conseil d'administration des gouverneurs de la Réserve fédérale des Etats-Unis, est l'auteur d'un livre qui "éviscère" les exigences de Bâle, d'après la source.
M. Tarullo explique comment Bâle II a contribué à la crise financière, il est donc inimaginable que la Réserve fédérale l'adopte, a-t-elle ajouté.
Les réformateurs américains qui ont rédigé la Dodd Bill ont des idées différentes sur les exigences de fonds propres, qui verront probablement des institutions plus grandes détenir plus de capital que leurs homologues plus petites.
Rencontrer les coupables
Tout au long des rencontres avec les directeurs des banques lundi, l'initié a dit que M. Barnier se causait du tort à lui-même en rencontrant en exclusivité ceux qui sont responsables de la crise.
Il faisait référence à une rencontre prévue avec Lloyd Blankfein, président et PDG de Goldman Sachs, Vikram Pandit, PDG de Citigroup, et Jamie Dimon, président et PDG de JP Morgan Chase.
Et s'il rencontre Blankfein, il devrait savoir que sa conversation sera sûrement enregistrée, a poursuivi l'initié, en référence à l'enquête en cours sur Goldman Sachs concernant un accord réalisé avec le hedge fund Paulson & Co sur des produits financiers de mauvaise qualité (EURACTIV 20/04/10).
Cette rencontre avec les banquiers d'investissement lundi fait suite à un dîner avec les principaux hedge funds américains, entre autres KKR et Blackstone, pour parler des réserves des Etats-Unis sur les règles européennes pour rendre les opérations sur les hedge funds et fonds de capital-investissement plus transparentes.
En mars, M. Geithner a écrit à M. Barnier une lettre prudemment rédigée le prévenant que les règles de l'UE créeraient une discrimination à l'encontre des fonds américains en leur demandant soit d'adopter les mêmes règles que l'UE soit d'attirer des investisseurs venus d'ailleurs (EURACTIV 12/03/10).
Un porte-parole du commissaire a dit que les inquiétudes de M. Geithner feraient l'objet d'une discussion entre les gérants des fonds et M. Barnier.