L'Arménie rejoint l'union douanière avec la Russie. Cette décision est incompatible avec un accord de libre-échange avec l'UE.
Le président arménien a annoncé son entrée dans l'union douanière le 3 septembre à la suite de discussions avec son homologue russe à Moscou. Vladimir Poutine a salué cette victoire diplomatique alors qu’il tente de rapprocher les anciennes républiques soviétiques et d’empêcher l'Ukraine d'entrer dans la sphère de l'UE.
« La Russie soutient la décision de l'Arménie de rejoindre l'union douanière […] Nous y travaillerons pleinement », indique M. Poutine selon Reuters.
Bruxelles aurait été surprise de cette décision.
« L'Arménie préfèrerait interrompre les discussions sur un accord de libre-échange avec l'UE afin de rejoindre la Russie. Volte-face », a tweeté Carl Bildt, le ministre suédois des affaires étrangères. Il organisait un dîner avec les ministres nordiques et baltes des affaires étrangères dans la ville médiévale de Visby, en Suède.
« Le destin de nos partenaires orientaux est entre leurs mains et nous tenons aux voisins de nos voisins », a tweeté Štefan Füle, le commissaire en charge de l'élargissement et de la politique de voisinage, lors de ce dîner.
La Russie est le plus grand partenaire commercial de l'Arménie. Les échanges bilatéraux ont augmenté de 22 % pour atteindre 1,2 milliard de dollars (910 millions d'euros) en 2012. Moscou est également le plus grand investisseur dans la petite économie eurasienne, avec un total de 3 milliards de dollars (2,27 milliards d'euros) en 2012. Le PIB de l'Arménie s'élevait à 9,9 milliards de dollars (7,5 milliards d'euros) la même année, selon la Banque mondiale.
Du point de vue de la Russie, la décision de l'Arménie est plus importante sur le plan politique qu'économique. Alors que l'UE prépare un sommet à Vilnius avec ses voisins orientaux (l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine), la Russie a intensifié sa pression pour maintenir ces pays dans sa sphère d'influence.
Le sommet aura lieu les 28 et 29 novembre et sera organisé par la présidence lituanienne du Conseil de l'UE. Des accords d'association avec l'Arménie, la Géorgie et la Moldavie devraient être paraphés, et un autre avec l'Ukraine signé. Ces accords sont accompagnés d'accords de libre-échange (ALE) approfondis et complets avec l'UE, ce qui irrite Moscou.
La Russie a créé sa propre union douanière avec la Biélorussie et le Kazakhstan. Selon des représentants de l'UE, l'adhésion à cette union douanière est incompatible avec des ALE.
L'offre financière à l'Ukraine
La Russie n'est pas encore parvenue à attirer l'Ukraine dans son union douanière, mais continue de faire pression sur Kiev. Le conseiller de Vladimir Poutine, Sergei Glaziev, aurait présenté une offre financière à l'Ukraine, selon le quotidien russe Kommersant.
Le pays bénéficierait de 11 à 12 milliards de dollars (8,34 milliards et 9,1 milliards d'euros) par an s'il adhérait au processus d'intégration eurasienne, indique M. Glaziev. Kiev profiterait également de prix réduits du gaz russe, à hauteur de 8 milliards de dollars (6 milliards d'euros), selon le conseiller. Les droits de douane sur le gaz et le pétrole seraient supprimés, tout comme les barrières techniques et protectionnistes aux échanges bilatéraux.
Si l'Ukraine signe l'accord d'association avec l'UE, elle perdrait « son indépendance » et ne serait plus un « partenaire à part entière » de la Russie, précise M. Glaziev.
Cet accord est « asymétrique ». « L'UE recevra tout et l'Ukraine n'obtiendra que ce que l'UE estime nécessaire », a-t-il poursuivi.
Les importations de vin moldave
La Russie fait également pression sur la Moldavie.
Le vice-premier ministre russe, Dmitry Rogozin, a prévenu Chi?in?u le 2 septembre que la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne aurait de « graves conséquences » sur l'avenir du pays. Selon un site d'informations moldave, Moscou a menacé la Moldavie de déclarer une guerre commerciale dans le domaine du vin, le principal produit d'exportation du pays.
Selon le site Moldova.org, le service sanitaire russe « Rospotrebnadzor » estime que certaines boissons alcoolisées en provenance de Moldavie ne respectaient pas les réglementations russes en matière de santé et de sécurité.
Rospotrebnadzor a prévenu que si les autorités moldaves compétentes ne prenaient pas de mesures, la Russie pourrait interdire les importations de vin et d'autres boissons alcoolisées.
L'économie moldave dépend principalement de l'agriculture et des exportations vers le marché oriental, comme la Russie, l'Ukraine et d’anciennes républiques soviétiques.
Les ministres européens des affaires étrangères devraient discuter de la politique européenne de voisinage lors d'une réunion informelle (Gymnich) à Vilnius les 6 et 7 septembre. La présence éventuelle du secrétaire d'État américain, John Kerry, et la situation en Syrie risquent toutefois d'éclipser les thèmes consacrés aux partenaires orientaux.