La Commission européenne devrait présenter une nouvelle proposition pour l’Association des municipalités serbes du Kosovo à la suite de récentes réunions à Pristina et à Belgrade, alors que le Premier ministre kosovar Albin Kurti est resté ferme sur le fait que le territoire du Kosovo devait rester intact.
Le porte-parole de l’UE pour les affaires étrangères, Peter Stano, a déclaré mardi (25 octobre) que l’UE avait invité M. Kurti et le président serbe Aleksandar Vučić à Bruxelles jeudi dernier (19 octobre), à la suite d’une visite à Pristina et à Belgrade de représentants de l’Union et des États membres.
« Plusieurs propositions et idées ont été discutées, certaines par écrit, et ces discussions se poursuivront. Cela inclut également une nouvelle proposition européenne pour le statut de l’Association des municipalités à majorité serbe », a déclaré M. Stano.
M. Stano a également déclaré que Miroslav Lajčák, envoyé spécial de l’UE pour le dialogue entre le Kosovo et la Serbie, ne serait pas remplacé, et ce malgré les appels de certains responsables politiques régionaux et députés européens en ce sens.
L’accord d’Ohrid
Par ailleurs, le porte-parole a indiqué que les prochaines discussions se concentreront sur la « mise en œuvre de l’annexe d’Ohrid ».
L’accord d’Ohrid a été accepté verbalement le 27 février dernier à Ohrid, en Macédoine du Nord. S’il n’exige pas explicitement de la Serbie qu’elle reconnaisse l’indépendance du Kosovo, il l’empêche de s’opposer à son adhésion à des organisations internationales telles que l’OTAN, l’UE ou encore le Conseil de l’Europe.
Il exige également que Belgrade reconnaisse les symboles nationaux, les passeports, les diplômes et les plaques d’immatriculation des voitures délivrés par le Kosovo. En contrepartie, le Kosovo doit garantir un niveau approprié d’autogestion à sa population d’origine serbe.
Une annexe couvrant la mise en œuvre de l’accord a été adoptée le 18 mars 2023.
M. Stano a ajouté que « des mesures rapides sont attendues de la part des parties pour prouver qu’elles sont déterminées à poursuivre le processus de normalisation [de leurs relations], à remplir leurs obligations respectives découlant de l’accord […] ainsi que tous les accords du passé, sans retard ni condition préalables ».
Un manque de progrès
Le processus de dialogue facilité par l’UE a débuté en 2013, mais peu de progrès ont été réalisés jusqu’à présent, la plupart des accords signés n’ayant pas été mis en œuvre des deux côtés et les violations restant largement impunies ou non résolues.
« Les dirigeants du Kosovo et de la Serbie ont été invités à participer à la réunion de soutien au dialogue en marge de la réunion du Conseil européen plus tard cette semaine [26-27 octobre] », a annoncé M. Stano.
M. Kurti s’oppose à la formation de l’Association des municipalités serbes, en particulier à la lumière du récent attentat terroriste perpétré par un groupe paramilitaire serbe.
En effet, selon Pristina, cette attaque aurait été pilotée par Belgrade pour envahir les territoires du Kosovo, qui est un État indépendant.
« L’agression dont nous avons été témoins a atteint son apogée lorsque des troupes paramilitaires armées qui avaient été formées dans des bases militaires officielles en Serbie sont entrées dans mon pays et ont ouvert le feu sur les forces de police, tuant l’un de nos policiers », a affirmé Albin Kurti.
« Dans le même temps, la Serbie s’est engagée dans ce que les États-Unis ont décrit comme un déploiement militaire “sans précédent” le long de notre frontière. Dans les jours qui ont suivi, un certain nombre de preuves ont montré que l’État lui-même était impliqué dans la planification d’une invasion de plus grande envergure », a-t-il poursuivi.
« Nous devons nous unir en tant que force qui s’oppose aux éléments déstabilisateurs qui constituent une grande menace pour la démocratie », a-t-il également ajouté.
La Serbie nie toute implication dans l’attaque ou tout projet d’annexion d’une partie du Kosovo.
Il estime que le nord du Kosovo, où réside une importante communauté de Serbes de souche, a été utilisé comme plaque tournante du trafic de drogue, de la contrebande d’armes et de minage de cryptomonnaies.
« Ces activités sont en contradiction directe avec l’État de droit et les valeurs démocratiques que représente le Kosovo. La relation entre le Kosovo et la Serbie peut être caractérisée au mieux comme celle d’un pays, le Kosovo, travaillant à se construire, s’efforçant de parvenir à un véritable succès démocratique, tandis qu’un pays illibéral [la Serbie] tente d’étouffer ce progrès, en utilisant des tactiques souvent utilisées par des personnalités comme [le président russe Vladimir] Poutine », a déploré le Premier ministre kosovar.
Pour rappel, l’accord pour la création de l’Association a été signé et approuvé en 2013, mais il a été jugé inconstitutionnel en 2015 et n’a pas été mis en œuvre par Pristina.
Belgrade a déclaré qu’il était nécessaire que les Serbes du Kosovo disposent de plus de droits et d’un certain niveau d’autonomie, tandis que les autorités kosovares, s’appuyant sur la constitution, affirment qu’une structure exécutive monoethnique ne peut pas exister en parallèle du gouvernement.
Les minorités du Kosovo jouissent de droits considérables en vertu de la constitution, notamment le fait que le serbe soit une langue officielle, qu’ils disposent de sièges garantis au parlement quels que soient les résultats des élections, d’une représentation au niveau municipal, du droit de nommer les principaux responsables de la police dans les zones à majorité serbe, d’un enseignement en et de l’étude de la langue serbe dans les écoles à majorité serbe au lieu de l’albanais, ainsi que de la présence d’au moins un ministre issu de la minorité au sein du gouvernement.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]