Bruno Retailleau pour une révision du Pacte sur l’asile et la migration et pour une refonte de Schengen

La rhétorique de Bruno Retailleau ne surprendra que peu d’observateurs. Sa nomination en tant que nouveau responsable de l’immigration en France est largement considérée comme un rameau d’olivier tendu à l’extrême droite en échange de son soutien au fragile gouvernement du Premier ministre Michel Barnier — et il n’a pas perdu de temps pour répondre à cette attente. [CHRISTOPHE PETIT TESSON/EPA-EFE]

Dans une interview en date du lundi 23 septembre, le nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau se dit prêt à rouvrir les négociations avec l’Union européenne (UE) sur le Pacte sur l’asile et la migration et à tester les limites des accords de Schengen.

Les lois de l’UE ne sont pas adaptées et ne conviennent plus aux « désordres migratoires » que connaissent la France et le continent, a affirmé Bruno Retailleau, lors d’une interview sur TF1, lundi 23 septembre.

« [Nous devons] revoir des textes européens qui aujourd’hui ne sont plus du tout adaptés, je pense par exemple à la directive ‘retours’ : elle a été conçue il y a une vingtaine d’années, tout a changé [donc] il faut aussi changer les règles européennes », a souligné le nouveau ministre.

Les mots employés par Bruno Retailleau ne surprendront personne.

La nomination de l’ancien président des Républicains (LR) au Sénat au ministère de l’Intérieur est considérée comme un gage donné au Rassemblement national (RN), en échange de son fragile soutien au gouvernement de Michel Barnier. Et il n’aura pas perdu de temps pour répondre aux attentes de l’extrême droite.

La position du nouveau gouvernement français rejoint ainsi celles des pays de l’UE qui se sont ces derniers temps attaqués à la politique migratoire de Bruxelles. La semaine dernière, le gouvernement néerlandais a dévoilé une réforme de son droit d’asile, tandis que l’Allemagne a annoncé rétablir les contrôles à toutes ses frontières terrestres pour une période de six mois.

La Hongrie et la Suède appliquent aussi des programmes très répressifs en matière migratoire, au risque d’enfreindre la législation européenne.

« On peut constituer une sorte d’alliance avec d’autres pays qui veulent plus de fermeté sur l’immigration », a indiqué Bruno Retailleau, laissant entendre que des actions pourraient être entreprises au niveau européen. Le nouveau ministre français a par exemple suggéré une révision du Pacte sur l’asile et la migration, adopté en avril dernier, après des années de négociations houleuses.

Ce dernier vise à renforcer la réponse de l’Union face aux migrations irrégulières, à mieux partager la responsabilité du contrôle des frontières extérieures de l’UE avec les États de première entrée, par le biais d’un mécanisme de « solidarité », et à mettre en œuvre des contrôles de « présélection » avant que les migrants irréguliers ne posent le pied sur le territoire européen.

Le Pacte sur l’asile et la migration doit théoriquement être mise en oeuvre ces deux prochaines années, ce qui ne manque pas d’inquiéter certaines ONG, alors des personnalités politiques de droite estiment au contraire que les dispositions qu’il préconise ne vont pas assez loin.

« Nous n’avons pas dans le pacte [migratoire] tous les moyens de protéger l’Union européenne de l’immigration illégale », expliquait la semaine dernière pour Euractiv François-Xavier Bellamy, vice-président du Parti populaire européen (PPE) et chef de file de la délégation des Républicains au Parlement européen.

« Il y a la question des retours qui est toujours bloquée, c’est pourtant une urgence. Il y a aussi la question de l’investissement budgétaire pour soutenir les pays de première entrée », a-t-il ajouté.

Le Pacte sur l’asile et la migration a été adopté « au détriment des droits humains », avertit Amnesty International

Le Pacte sur l’asile et la migration adopté par le Parlement européen mercredi va « affaiblir le droit d’asile » et inscrire dans la loi une approche défaillante de la question migratoire européenne, a alerté Eve Geddie, cheffe du bureau de Bruxelles d’Amnesty International.

Une révision de Schengen

Bruneau Retailleau semble également vouloir s’attaquer à un autre dossier, celui de la refonte des accords de Schengen, qui permettent théoriquement la libre circulation des personnes dans tous les États de l’UE.

« Nous avons mis en place des contrôles aux frontières à partir de novembre 2015, [à la suite des attentats terroristes de Paris]. Voyons jusqu’où nous pouvons aller [pour rendre ces contrôles permanents] », a affirmé le ministre français de l’Intérieur.

Huit États ont actuellement mis en place des contrôles aux frontières, la plupart d’entre eux invoquant des « pressions migratoires ».

« Ce que fait un chancelier socialiste [en Allemagne], ce que fait un ministre socialiste au Danemark, ce que fait un Premier ministre socialiste au Royaume-Uni, cela devrait nous interpeller », confirmait dimanche 22 septembre le Premier ministre Michel Barnier, dont les positions très dures sur les questions migratoires ne sont un secret pour personne.

La législation européenne autorise les contrôles frontaliers temporaires à condition que ces derniers soient justifiés auprès de la Commission européenne. Les rendre permanents nécessiterait une modification de la législation européenne.

Il appartiendra à Magnus Brunner, le nouveau commissaire autrichien désigné aux Affaires intérieures et à la Migration, de coordonner la réponse de l’UE pour éviter la fragmentation politique du continent.

Dans la lettre de mission envoyée par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, il est aussi demandé à Magnus Brunner de superviser la mise en œuvre des « récentes améliorations apportées au cadre de Schengen » et de poursuivre «  les réflexions sur des solutions opérationnelles innovantes pour lutter contre l’immigration irrégulière ».

Bruno Retailleau a également annoncé qu’il chercherait à conclure de nouveaux accords migratoires avec les pays du Maghreb, sur le modèle de la coopération mise en place entre l’Italie et l’Albanie, et à réécrire l’accord bilatéral Paris-Algérie qui lève les obligations de visa pour les Algériens souhaitant s’installer en France.

Virage à droite attendu pour le nouveau gouvernement nommé par Michel Barnier

Le Premier ministre Michel Barnier a présenté son gouvernement samedi 21 septembre en fin de journée, conservant largement le cap politique des précédentes administrations pro-Macron avec en plus, des concessions au Rassemblement national (RN), le parti d’extrême-droite.

[Édité par Laurent Geslin]

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