Le succès des entreprises de l’économie collaborative offre de nouvelles opportunités aux assureurs, qui voient les conducteurs d’Uber et les propriétaires d’appartements Airbnb comme des sources potentielles de revenus.
En juin, l’UE a enfin commencé à s’attaquer aux entraves juridiques et aux défis politiques soulevés par l’essor de l’économie collaborative, aussi appelée économie de partage.
Avec Uber, Airbnb et Blablacar, les citoyens sont à la fois consommateurs et prestataires de services, ce qui pose la question de leur statut juridique, de leurs droits et de leurs obligations.
Dans une série d’orientations publiées le 1er juin, la Commission européenne reconnaît que l’économie collaborative « pose souvent problème quant à l’application des lois existantes ».
« Il existe un risque de voir les vides juridiques exploités pour contourner les règles destinés à protéger l’intérêt public », notamment dans le demain des relations de travail, de la protection des consommateurs et de la fiscalité, a prévenu l’exécutif, faisant écho aux préoccupations des chauffeurs de taxi et des organisations de consommateurs.
Distinctions
Pour Guilllermo Beltrá, responsable du département juridique et économique du BEUC, le bureau européen des consommateurs, la Commission a « correctement » identifié les défis. Selon lui, la question clé est de savoir quand un consommateur devient un négociant, et quelle est la responsabilité des plateformes intermédiaires.
La communication de l’exécutif différencie les plateformes digitales dont l’activité est principalement « technique, automatique et passive » des plateformes – comme Uber et Airbnb – qui non seulement hébergent des services, mais proposent aussi des systèmes de notation et de paiement, des assurances et des vérifications d’identité, qui constituent des « services sous-jacents. »
Dans ces cas-là, l’exécutif considère que la responsabilité des plateformes numériques devrait être plus élevée. Les entreprises ne peuvent être dispensées de toute responsabilité que lorsqu’elles fournissent des services d’hébergement.
Quant à la distinction entre des contractants sporadiques et des prestataires de service réguliers, la Commission européenne conseille d’établir un plafond sous lequel l’activité économique peut être considérée comme une activité non professionnelle de pair à pair. À titre d’exemple, un chauffeur qui travaille pour Uber un ou deux week-end par mois de doit pas être considéré de la même façon qu’un chauffeur qui travaillerait cinq jours par semaines.
La Commission a appelé les États membres à ne pas imposer des charges administratives « disproportionnées » sur les conducteurs d’Uber ou sur les propriétaires d’appartements proposant des services de manière occasionnelle seulement.
L’UE pourrait toutefois ne pas avoir les instruments juridiques à sa disposition pour protéger les « prosommateurs » [professionnel et consommateur à la fois]. La demi-douzaine de directives sur la protection des consommateurs ne s’applique qu’aux relations entreprise-consommateur et non pas aux relations de pair à pair.
Assurer ces nouvelles relations
Pour assurer un « environnement sécuritaire », Guilllermo Beltrá souligne la nécessité de contrats d’assurance qui protégeraient à la fois les utilisateurs et les contractants.
C’est là que les startups d’économie collaborative doivent s’associer aux assureurs traditionnels. AXA a ainsi récemment signé un accord avec Blablacar. Les assurances Zurich ont conclu un accord avec Uber pour étendre l’assurance des chauffeurs dans la région asie-pacifique. Airbnb propose quant à lui un programme de garantie en plus de l’assurance des loueurs et propriétaires.
« Il est évident que nous voyons l’économie collaborative comme un marché avec beaucoup de potentiel qui ne cesse d’évoluer », a expliqué Karl Gray, de Zurich.
Environ 72 % des responsables des compagnies d’assurance dans le monde prévoit, ou on déjà mis en place, des nouveaux partenariats de distribution pour saisir les opportunités qu’offre l’économie collaborative.
Ces nouveaux écosystèmes numériques « obligeront les assureurs à réexaminer leur manière d’opérer dans la nouvelle économie collaborative », a écrit Michael Lyman, directeur des assurances Accenture, dans une publication au début de l’année.
La responsabilité passe des personnes aux appareils
Face à un écosystème numérique changeant rapidement, les assureurs développent de nouveaux modèles de compréhension des risques, tout en préparant de nouveaux produits adaptés.
Les passifs d’assurances sont donc en train de passer des personnes aux appareils. « Les solutions d’assurance intelligentes, qui intègrent les appareils mobiles et connectés, font baisser les premiums, alors que les nouveaux services de protection et de limitation des risques créent de nouvelles sources de revenus », explique Michael Lyman.
Pour Guilllermo Beltrá, il est cependant encore trop tôt pour savoir si ces approches orientées vers les assurances permettront de créer un environnement assez sûr ou s’il faudra prendre de nouvelles mesures législatives au niveau européen ou national.
Dans sa communication, la Commission souligne qu’elle suivra de près l’évolution de la situation dans ce tout nouveau secteur. En plus de collecter des données statistiques, elle détaillera et soutiendra aussi l’échange de bonnes pratiques. En cas de faille législative, l’exécutif n’exclut pas de nouvelles propositions.