Après le débat houleux qui a agité l’UE sur la protection des lanceurs d’alerte, le projet de loi Sapin 2 propose un statut beaucoup plus protecteur.
Comment éviter la spirale judiciaire aux lanceurs d’alerte ? C’est la question à laquelle doivent répondre les députés français, lors de l’examen en séance du projet de loi sur transparence économique qui a commencé le 6 juin.
Ce projet de loi, voulu par le ministre des Finances, Michel Sapin, pose les bases d’un régime de protection générale du lanceur d’alerte. Et prévoit un certain nombre de garde-fous pour les défendre contre d’éventuelles représailles.
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Une initiative qui tente de profiter d’un momentum politique. Lors de l’adoption de la directive européenne « secret des affaires », l’UE et les parlementaires ont été fortement critiqués, en raison de l’absence de protection adéquate des lanceurs d’alertes dans le texte, dont ce n’était pas l’objet.
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L’adoption de la directive européenne, dans la foulée des révélations des « Panama Papers » et au moment de l’ouverture du procès d’Antoine Deltour, le lanceur d’alerte des LuxLeaks, avait provoqué l’indignation de l’opinion publique.
Définition française
Côté français, le projet de loi prévoit de donner une définition juridique au lanceur d’alerte, pour l’instant inexistante. La définition française devrait s’appuyer sur celle donnée en avril dernier par le Conseil d’Etat dans son rapport sur le droit d’alerte.
Cette définition prévoit que « le lanceur d’alerte signale de bonne foi, librement et dans l’intérêt général de l’intérieur d’une organisation ou de l’extérieur, des manquements graves à la loi ou des risques graves menaçant des intérêts publics ou privés dont il n’est pas l’auteur ».
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Lors de l’examen en commission, les députés ont par ailleurs prévu un encadrement du processus d’alerte. Ainsi, le lanceur d’alerte pourra prévenir directement l’entreprise ou de l’administration concernée, mais aussi passer par des instances externes, comme le Défenseur des droits, ou encore les ordres professionnels. En cas d’absence de réaction seulement de ces interlocuteurs, l’information détenue par le lanceur d’alerte pourra être rendue publique.
Système de compensation
Le Défenseur des droits, dont l’indépendance est garantie par la Constitution, sera l’autorité de protection de référence pour les lanceurs d’alerte, grâce au dépôt d’une proposition de loi séparée par les socialistes.
Enfin, un système de soutien financier aux lanceurs d’alerte devrait permettre à ces derniers de faire face aux risques de représailles de la part des entreprises ou organisations exposées par leurs révélations. Une indemnisation sera également envisageable pour compenser le préjudice matériel et moral.
Niveau européen
Au niveau européen, la protection des lanceurs d’alerte peine à avancer. Le Conseil de l’Union européenne a adopté vendredi 3 juin la directive sur le secret d’affaires, qui prévoit une exception au secret pour ceux qui révèlent « une faute professionnelle ou une autre faute ou une activité illégale […] dans le but de protéger l’intérêt public général ».
Mais le texte ne prévoit pas de définition juridique du lanceur d’alerte, ce qui rend l’exception au secret moins protecteur pour ces derniers.
Faute de consensus européen pour s’attaquer dans l’immédiat à la définition d’un statut à l’échelle de l’UE, la France devrait avancer seule sur le sujet.