À l’issue de longues négociations, les institutions européennes se sont accordées pour mettre en place un contrôle obligatoire de la chaîne d’approvisionnement des minerais de sang à partir de 2021.
Les importateurs de minerais tels que l’étain, l’or, le tungstène et le tantale (matériau qui fait vibrer les téléphones portables) vont devoir s’assurer que ces minerais ne proviennent pas de zones de conflit et ne financent pas de conflits armés. Ou du moins…à partir de 2021.
L’accord trouvé entre les trois institutions européennes, après de longues négociations, impose aux importateurs européens une obligation de transparence en matière d’approvisionnement de ces minerais, dont l’exploitation finance souvent les conflits armés notamment dans la région des Grands Lacs en République démocratique du Congo (RDC).
Selon l’accord politique, qui doit encore être voté par le Parlement et le Conseil début 2017, les importateurs européens seront tenus d’assurer la traçabilité de leur chaine d’approvisionnement et de vérifier l’origine des minerais importés afin de s’assurer que leur commerce ne finance ni conflit armé ni violation des droits de l’homme.
Le chemin législatif du texte sur les minerais de conflit a permis de muscler considérablement l’arsenal de contrôle. Initialement, la Commission avait en effet proposé un système de contrôle volontaire, basé sur la création d’un label d’importateur responsable.
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Un système jugé extrêmement faible par le Parlement européen, qui a milité et obtenu un système obligatoire.
Exemption pour les petits importateurs
Le règlement a toutefois ménagé quelques exceptions pour les plus petits importateurs comme les dentistes et bijoutiers. Ces derniers ne seront pas soumis au devoir de vigilance obligatoire, en raison d’une charge administrative trop lourde pour de petits importateurs.
« Ces seuils, qui exemptent certaines entreprises, créent de dangereuses failles. Ils pourraient exempter des volumes de minerais valant des millions, qui pourraient être importés en Europe sans être soumis à aucun contrôle » a mis en garde Nele Meyer d’Amnesty International
« Ce règlement est un pas dans la bonne direction » a affirmé Michael Gibb de l’ONG Global Witness. « Mais alors que l’UE a envoyé un signal fort à une minorité d’entreprises, un nombre encore plus important va continuer à s’auto-réguler. Ces entreprises doivent maintenant montrer qu’elles sont dignes de confiance, et nous attendons de la part des législateurs des actions rapides si tel n’est pas le cas ».
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Autres exemptions entérinées par le compromis, certains produits plus difficilement traçables comme les métaux recyclés ou les produits manufacturés seront également exclus du règlement. Cette disposition a pour effet d’imposer un contrôle obligatoire seulement sur l’importation des minerais à l’état brut.
Pour couvrir cet aspect, la Commission doit travailler sur un système de règles volontaires pour les importateurs de produits manufacturés.
Le champ d’application de la nouvelle législation européenne demeure ainsi plutôt restreint, en excluant un certain nombre d’entreprises, mais aussi de produit. Plus largement, la législation sur les minerais de conflit avait déjà été critiquée, car elle ne couvre que quatre minerais, laissant de côté les minerais alimentant notoirement des conflits comme les émeraudes et le charbon en Colombie, ou encore le cuivre, le jade et le rubis en Birmanie.
Pour autant, la mise en place d’un système obligatoire a été saluée comme une véritable avancée.
« Cela a été un combat long, difficile et souvent solitaire, mais nous y sommes parvenus. […] Nous avons réussi à faire en sorte que les produits vendus dans l’UE ne viennent pas armer les milices ou alimenter la violation des droits de l’homme dans les zones de conflit » s’est réjoui le président du Groupe S&D, Gianni Pittella. Ou du moins rendez-vous dans 5 ans pour éviter de continuer à alimenter les conflits.