Le principe de réalité rattrape les projets de démocratie européenne de Macron

Consultation des citoyens, liste transnationale : la France tente de dérouler le projet Macron pour l’Europe. Mais avec des ambitions revues à la baisse.

Les familiers de la campagne d’Emmanuel Macron en entendent parler depuis plus d’un an : le jeune candidat évoquait déjà en octobre 2016 à Strasbourg  sa volonté de sonder les Européens par le biais de « conventions démocratiques » et d’instaurer des listes transnationales pour les futures élections européennes.

« En Marche propose d’organiser des conventions démocratiques dans tous les pays d’Europe, pour établir les principes d’une vision partagée de l’Europe », précisait l’article d’Euractiv du 5 octobre 2016.

Macron veut refonder la représentativité, y compris européenne

Introduire plus de proportionnelle, quitte à favoriser le FN, et élire des eurodéputés issus d’une liste européenne sur le contingent des élus britanniques : les premières propositions du non-candidat Macron visent à changer la classe politique.

14 mois plus tard, le principe de réalité a du s’imposer : le projet n’emballe pas les 28 pays européens, ni même les 27. Il a même dû changer de nom. En place et lieu de conventions démocratiques, le grand projet de Macron sera rebaptisé « consultations citoyennes ».

Le terme a froissé certains Etats membres, qui y lisent l’ambition sans limites du jeune Président français, qui tenterait de copier/coller sa stratégie pour la France en Europe.

« Il y a deux étapes : La République en Marche (LREM) veut installer une ambiance européenne dans le débat politique et va organiser des débats sur le sujet au premier semestre, en France, alors que les consultations citoyennes seront organisées par des collectivités locales et la société civile, dans les autres pays européens, et sans doute plus tard », tempère Pieyre-Alexandre Anglade, député LREM des Français du Benelux.

Récemment chargé par Christophe Castaner de mettre en place un groupe de travail sur les liens entre En Marche et les autres partis politiques européens en vue des élections européennes, l’élu assure que « les consultations citoyennes ne sont pas politiques ».

La Commission européenne, qui pourrait fournir la plateforme de consultation en ligne servant à recueillir les avis des citoyens, s’interroge et n’a pas encore donné son feu vert.

Une dizaine de pays devraient participer aux consultations démocratiques

Au sujet de leur organisation, la France a aussi revu son ambition à la baisse, puisque seulement une dizaine de pays devraient y participer. Le président a envoyé cette semaine à ses homologues européens une missive proposant  des grandes lignes communes pour l’organisation de cette consultation d’un nouveau type. Objectif : faire remonter de la base, et notamment des syndicats, des organisations professionnelles, des étudiants, leurs besoins et souhaits pour l’UE. Une restitution générale est prévue au moment du Conseil européen de décembre 2018, à quelques mois des élections européennes d’avril 2019.

En attendant, une « task-force » de plusieurs ministères français va se réunir régulièrement au Quai d’Orsay sous la houlette de Nathalie Loiseau, ministre en charge des Affaires européennes, qui pilotera le projet citoyen.

Macron s'attaque bille en tête aux tabous de l'Europe

Changement de traité, de PAC, dette : le président français a brisé de nombreux tabous dans sa proposition de réforme de l’UE. Et décliné une dizaine de propositions concrètes devant les étudiants de la Sorbonne lors d’un propos passionné résonant comme un discours de campagne.

Plus qu’une trentaine d’élus sur 751 pour la liste transnationale

Autre enjeu sur lequel Macron a dû manger son chapeau, le sujet des listes transnationales. Un vote doit être organisé en janvier en commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (AFCO), puis plus tard en assemblée plénière pour trancher de la dernière proposition en discussion, concernant le contingent des 73 eurodéputés britanniques.

En Marche proposait au départ que les 73 sièges fassent l’objet d’une liste transnationale. Il est désormais question d’en répartir l’essentiel entre les Etats membres, en fonction de la démographie, et de n’en garder qu’une trentaine pour une liste transnationale. Encore faudrait-il que le Parlement européen vote en ce sens rapidement, ce qui semble peu probable pour l’heure étant donné les hésitations de la famille de centre-droit (PPE), principale force dans l’hémicycle.

Malgré ces reculades, En Marche garde espoir. « Les élections européennes, c’est dans 18 mois. Il y a 18 mois, mon parti En Marche n’existait pas encore. Il peut se passer beaucoup de choses en peu de temps parce que les forces politiques sont toutes assez divisées », estime Pieyre-Alexandre Anglade.

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