Liban : l’UE peine à s’accorder pour condamner les attaques israéliennes

30 septembre 2024, Liban, Qliyaa : une épaisse fumée due aux raids aériens israéliens s’échappe de la ville frontalière de Khiam, au sud du Liban. [Getty Images/Stringer]

Alors que l’escalade militaire se poursuit au Moyen-Orient, les États membres de l’Union européenne (UE) peinent à se mettre d’accord sur une déclaration commune qui dénoncerait l’offensive israélienne au Liban.

Israël a lancé, vendredi 27 septembre, une offensive de grande ampleur contre le Hezbollah en bombardant la banlieue sud de Beyrouth. Mardi 1er octobre, l’État hébreu a déclenché une invasion terrestre du sud du Liban, et l’Iran a répondu en tirant des missiles balistiques en direction du territoire israélien.

Selon des diplomates et des fonctionnaires de l’Union européenne, la réponse de l’UE manque actuellement de substance. « Certains États sont très favorables à ce qu’Israël s’occupe enfin du méchant Hezbollah », explique un fonctionnaire européen à Euractiv, ajoutant qu’il est peu probable que l’Union prenne des mesures tangibles pour initier une désescalade.

« Nous ne pouvons que lancer des appels moraux, au maximum — Israël a un laissez-passer pour faire tout ce que le pays affirme être nécessaire à sa “survie et à sa protection” », souligne-t-il.

Une semaine plus tôt, les dirigeants politiques du monde entier, réunis à New York, avaient tenté d’empêcher que le conflit entre Israël et le Hezbollah ne dégénère en une guerre régionale.

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Mardi 1er octobre, l’armée israélienne a lancé des raids terrestres contre des cibles du Hezbollah au Sud-Liban. Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) avaient la veille appelé Israël à la retenue.

L’absence d’une position commune

Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a tenté lundi 30 septembre d’appeler à la fin du conflit. « Les souverainetés d’Israël et du Liban doivent être garanties, et toute nouvelle intervention militaire aggravera la situation de manière dramatique et doit être évitée », a-t-il affirmé.

Après des discussions entre les ministres des Affaires étrangères de l’UE, Josep Borrell a annoncé que les Vingt-Sept allaient publier une déclaration commune sur la question. Toutefois, l’absence d’unanimité sur la formulation de la condamnation l’a finalement contraint à s’exprimer en son nom et non en celui de l’UE et de ses États membres.

La République tchèque a en effet bloqué une déclaration visant à appeler à un « cessez-le-feu immédiat » entre Israël et le Hezbollah et à condamner les civils tués au Liban lors de l’« incursion terrestre » des soldats israéliens.

Prague s’est opposée au texte pour « avoir limité unilatéralement le droit d’Israël à l’autodéfense contre le Hezbollah, exigeant d’ajouter un texte sur le retrait du Hezbollah des frontières d’Israël », a indiqué un porte-parole tchèque à Euractiv.

Plusieurs pays considérés comme de fervents partisans d’Israël, dont la Hongrie et l’Autriche, ont récemment réussi à édulcorer plusieurs initiatives de l’UE considérées comme trop critiques à l’égard de Tel-Aviv.

Dans sa déclaration du 1er octobre, publiée presque 24h après les discussions, le Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères appelle à un « cessez-le-feu immédiat » entre les parties.

Josep Borrell insiste également sur la « mise en œuvre complète et symétrique » d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies de 2006 — jamais appliquée — qui demandait à Israël de retirer ses troupes du sud du Liban et au Hezbollah de déposer les armes.

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Une « influence limitée »

Si l’UE est devenue plus critique envers Israël ces dernières semaines, le fossé entre Josep Borrell et les États membres a empêché l’adoption d’une réponse unifiée de l’Union.

« C’est ridicule. Nous voulons exercer une influence et jouer un rôle de médiateur, avoir un certain poids dans les discussions, mais nous ne parvenons même pas à publier une déclaration commune parce qu’un pays est réticent à l’égard d’une formulation qui ne va même pas loin », a ironisé un diplomate de l’UE après les discussions de lundi.

Un autre a déclaré : « Ne nous faisons pas d’illusions, l’influence de l’UE dans cette affaire est vraiment limitée , nous n’avons aucun moyen de pression ».

Travailler avec les États du Golfe

Les fonctionnaires et diplomates de l’UE s’interrogent sur les moyens dont dispose l’Union pour faire pression sur Israël. Au-delà des sanctions limitées imposées aux responsables du Hamas, aux colons israéliens et à l’Iran, l’UE n’est guère encline à imposer des sanctions commerciales contre Israël.

« Tout en continuant à faire pression sur l’Iran et ses alliés pour qu’ils mettent fin aux attaques, les dirigeants européens devraient utiliser leur influence pour dissuader Israël de poursuivre l’escalade et pousser pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza », affirme pour Euractiv Julien Barnes-Dacey, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR).

« Cela devrait inclure la suspension des ventes d’armes à Israël et la révision de l’accord d’association de l’UE avec ce pays — le pilier de leurs relations bilatérales et un élément clé de levier économique », explique-t-il.

Julien Barnes-Dacey souligne également que « les Européens devraient travailler en étroite collaboration avec les États du Golfe pour faire pression sur les États-Unis, afin qu’ils utilisent leur influence militaire sur Benyamin Netanyahou, avant qu’il ne soit trop tard ».

Ces derniers mois, l’UE et ses États membres ont commencé à s’engager plus sérieusement dans des discussions avec leurs homologues arabes. Les responsables européens devraient rencontrer les dirigeants du Golfe lors d’un sommet qui se tiendra mi-octobre.

Une réunion ministérielle co-organisée par l’UE la semaine dernière a jeté les bases d’une nouvelle coalition internationale qui devrait encourager la reprise des efforts de paix et la mise en place d’une solution à deux États, pour Israël et la Palestine.

Alors que plusieurs pays européens sont prêts à reconnaître l’État palestinien, Josep Borrell souhaite tester cette option, soutenue par l’Espagne et l’Irlande, afin de « voir combien de pays veulent le faire tous ensemble ».

« On parle de plus en plus de pression négative, en plus de la pression positive sur laquelle nous nous concentrons depuis si longtemps et que nous voulons toujours poursuivre », a indiqué le représentant spécial de l’UE pour le processus de paix au Moyen-Orient, Sven Koopmans, après les discussions à New York.

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[Édité par Anna Martino et Laurent Geslin]

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