Le Parlement européen a adopté une résolution appelant à l’application de l’option dite « nucléaire » à la Pologne, l’article 7 du traité de Lisbonne, au vu de la menace pesant sur l’état de droit dans le pays. Un article d’Euractiv Pologne.
Lors d’un vote en séance plénière, après un débat houleux, le Parlement européen a adopté une résolution favorable à l’activation de l’article 7 du traité de Lisbonne contre la Pologne. Le président polonais, Andrzej Duda, et la Première ministre, Beata Szydło, ont vivement critiqué cette décision. La Hongrie, qui risque des sanctions similaires, a assuré qu’elle opposerait son veto à toute tentative de punition de la Pologne.
« Le Parlement a décidé, par 438 voix pour, 152 voix contre et 71 abstentions, de préparer une demande formelle pour que le Conseil active le mécanisme de prévention prévu par l’article 7.1. Si le risque persiste et que les autorités polonaises refusent de respecter les recommandations de l’UE, la procédure pourrait entraîner la suspension des droits de vote de la Pologne au Conseil », indique un communiqué de presse publié le 15 novembre.
La majorité des eurodéputés polonais du principal parti d’opposition, Plateforme civique, se sont abstenus, bien que six d’entre eux aient soutenu la résolution. Les membres du parti au pouvoir, droit et justice (PiS), se sont évidemment opposés à la mesure, mais sept de leurs collègues du groupe des Conservateurs et réformistes (CRE) ont voté pour. Le processus officiel menant à la première phase de la procédure d’infraction a donc été lancé.
La confrontation entre le PiS et Bruxelles ne fait que s’aggraver depuis l’accession au pouvoir des conservateurs, en 2015. Le parti a en effet pris des mesures pour amener la justice et les médias nationaux sous son contrôle. Il refuse également de faire cesser l’exploitation d’une forêt primaire dans l’est de pays, que l’UE entend protéger. Le PiS répond aux critiques en accusant la Commission de s’immiscer dans ses affaires internes.
Respect de la démocratie
Le Président Duda, allié du PiS, malgré son veto inattendu de certaines réformes judiciaires en juillet dernier, a critiqué la position des représentants de l’opposition durant le débat parlementaire.
« Le comportement et les propos de ces eurodéputés et des autres membres de leur groupe sont inacceptables », a-t-il tweeté. « C’est un discours mensonger, qui attaque la Pologne, le peuple polonais et notre droit de choisir. Où est le respect pour la démocratie ? »
La Première ministre a pour sa part qualifié le débat à Strasbourg d’« incident scandaleux », déclarant que « les personnalités politiques qui dénigrent leur pays d’origine sur la scène internationale ne méritent pas de le représenter ». « Durant le sommet européen de vendredi [17 novembre à Gothenburg] j’aborderai les incidents scandaleux qui ont eu lieu au Parlement », a-t-elle assuré.
Les inquiétudes de l’UE face à la Pologne ont redoublé après une manifestation nationaliste à Varsovie le week-end dernier. Certains participants, le visage caché, y arboraient des bannières à slogans antisémites, racistes et xénophobes. Pour la Première ministre, il s’agit d’incidents marginaux beaucoup trop exagérés.
« Je proteste vivement contre les allégations portées au Parlement européen et le dit haut et clair : la Pologne est un pays sans antisémitisme ou racisme. Ceux qui disent le contraire ne disent simplement pas la vérité. Aucun incident marginal ne devrait pas être appliqué à toute une nation », a-t-elle insisté.
Pour elle, la Marche pour l’indépendance, qui commémore la renaissance de la Pologne, en novembre 1918, après que le pays eut été morcelé entre les empires russe, prussien et des Habsbourg pendant 123 ans, a simplement été détournée par des « provocateurs » infiltrés dans « un groupe constitué principalement de jeunes patriotes portant des drapeaux » nationaux.
« En tant que Première ministre du gouvernement polonais, en tant que membre de la république polonaise, mais aussi en tant que citoyenne ordinaire, je me distance clairement de ces comportements racistes et antisémites », a-t-elle déclaré.
De nombreux eurodéputés ont cependant joint leur voix à celles des groupes humanitaires et juifs, qui s’alarment des attitudes affichées durant la manifestation.
« Cela se passe à Varsovie, en Pologne, à moins de 350 km d’Auschwitz et de Birkenau », a regretté Guy Verhofstadt, qui dirige le groupe libéral du Parlement européen. Plus d’un million de personnes, principalement juives, sont mortes dans les camps de concentration nazis durant la Seconde Guerre mondiale.
Zsolt Semjén, vice-Premier ministre hongrois, a pour sa part qualifié la décision du gouvernement de « honte et scandale ». Lors d’une interview avec l’agence de presse hongroise MTI, il a affirmé que le gouvernement hongrois était solidaire de la Pologne et excluait l’adoption de l’option « nucléaire », même Budapest devait pour cela utiliser son veto.
Le lien étroit unissant les deux pays a été également souligné par Guy Verhofstadt lors de son intervention au Parlement. « La Pologne pourrait toujours être un leader au sein de l’Europe, mais elle s’est dégradée au rang du gang de [Viktor] Orbàn et de ses sociétés non libérales. Kaczyński copie Orbàn en politisant la Cour constitutionnelle, en limitant la société civile et en muselant la presse », a-t-il insisté.