A dix jours d’intervalle, le Conseil d’État a validé une clause Molière dans la Loire et invalidé une autre en Rhône-Alpes. La première généralisait les capacités d’interprétariat, alors que la seconde imposait le français comme langue unique.
Il en avait fait un symbole politique. La « clause Molière », voulue par Laurent Wauquiez, le président LR de la région Rhône-Alpes, a finalement été annulée par le tribunal administratif de Lyon mercredi 13 décembre. Une déconvenue pour le nouveau chef des Républicains, pourtant prévisible au regard du droit européen des marchés publics.
Une clause discriminatoire
La clause dite « Molière » est un outil expérimenté par certaines régions et départements pour empêcher les entreprises étrangères de remporter des marchés publics, notamment dans le secteur de la construction. Dans l’appel d’offre lancé par la région ou la commune, il est mentionné que seule la langue française pourra être utilisée sur le chantier. A Angoulême, ville pionnière en la matière, les clauses « Molière » prévoyaient que si les travailleurs ne parlaient pas français, leurs employeurs devaient leur fournir un traducteur, ce qui représente un surcoût pour les entreprises étrangères, censé les dissuader de candidater.
Les élus, comme Valérie Pécresse en Ile-de-France ou Bruno Retailleau, le président LR de la région Pays de la Loire, espèrent lutter contre le travail détaché en aillant recours à ce type de clauses.
Le tribunal administratif de Lyon a jugé discriminatoire la clause de la région Rhône-Alpes imposant l’usage du français sur les chantiers dont elle est maîtresse d’œuvre. Elle contrevenait, selon les juges, aux principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats, puisqu’elle avait pour effet de favoriser les entreprises françaises aux dépens des étrangères.
« Le problème de la clause voulue par Laurent Wauquiez, c’est qu’elle n’était pas proportionnée au but poursuivi » constate Me Clément Gourdain, spécialiste de l’immobilier public. Le cabinet Cornet-Vincent-Segurel, au sein duquel il officie, a réussi un beau coup. Le 4 décembre dernier, il a réussi à convaincre le Conseil d’État de la légalité d’une clause « d’interprétariat » introduite par la région Pays de la Loire.
« À la différence de la clause Molière, la clause d’interprétariat n’exige la présence d’interprètes sur le chantier que dans certaines situations, afin que les différents acteurs du chantier se comprennent » explique l’avocat. « Il y a des situations dans lesquelles il est important que tout le monde se comprenne, notamment au moment où les travailleurs doivent prendre connaissance de leurs droits » poursuit-il.
Le diable est dans les détails
Une différence ténue mais qui suffit à adapter la mesure au but de sécurité poursuivi, rappelle le publiciste : « le droit européen autorise que des exigences viennent restreindre la concurrence, si et seulement si elles poursuivent un but légitime comme assurer la sécurité des personnes ».
Le Conseil d’État a voulu différencier les clauses Molière et d’interprétariat. Par voie de communiqué, la haute juridiction a fait savoir que les clauses d’interprétariat ont pour but de permettre la compréhension des consignes et des droits des travailleurs étrangers, quand les clauses Molière s’attachent à « imposer l’usage exclusif du français sur les chantiers ».
Une condition est toutefois exigée par la juridiction pour que la clause soit légale : les frais d’interprétariat ne doivent pas entrainer de surcoût disproportionné pour les entreprises étrangères.