Pologne : la Commission débloque le plan de relance et met fin au différend sur les réformes judiciaires

Drapeau de la Pologne et drapeau de l’Union européenne (UE) à la raffinerie de pétrole polonaise Orlen Lietuva à Mazeikiai, en Lituanie, le 05 avril 2019. [EPA-EFE/Toms Kalnins]

La Commission européenne a approuvé le plan de relance de 35,4 milliards d’euros de la Pologne mercredi 1 juin, après un long retard dû à l’opposition de Varsovie à revenir sur les réformes judiciaires.

« Nous sommes arrivés à ce point après de longues et intenses négociations, en abordant également certaines questions fondamentales liées à l’État de droit qui ont un impact sur le climat d’investissement », a déclaré le commissaire à l’économie, Paolo Gentiloni.

Les fonds alloués à la lutte contre la Covid-19 avaient été mis en attente par l’exécutif européen en raison de préoccupations concernant l’état de droit dans le pays et la chambre disciplinaire contestée introduite en 2018.

Cette chambre a été jugée responsable de la révocation de plusieurs juges critiques à l’égard du gouvernement par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a estimé que la Pologne devait la suspendre en juillet dernier en raison de préoccupations concernant l’indépendance judiciaire du pays.

Le Parlement polonais a finalement adopté la semaine dernière un projet de loi visant à remplacer la chambre par un nouvel organe, ce qui a permis de débloquer quelque 24 milliards d’euros de subventions et 12 milliards d’euros de prêts pour le redressement du pays.

Pour pouvoir débloquer les fonds, la Pologne devra toutefois remplir un certain nombre de conditions, dont le démantèlement de la chambre disciplinaire et la révision des décisions des juges suspendus.

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La Commission vérifiera si tous les changements convenus avec Varsovie ont été mis en œuvre avant que les fonds ne soient versés, a déclaré la présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen.

« L’approbation de ce plan est liée à des engagements clairs de la Pologne sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, qui devront être remplis avant tout paiement effectif », a-t-elle expliqué.

Toutefois, des inquiétudes subsistent quant à la situation de l’État de droit dans le pays.

« La Commission abandonne l’État de droit en Pologne », a déclaré l’eurodéputé écologiste Daniel Freund à EURACTIV, exprimant ses inquiétudes quant au respect par la Pologne des conditions de l’UE pour débloquer les fonds.

« La chambre disciplinaire n’a pas été supprimée, elle s’appelle désormais autre chose et les juges sanctionnés illégalement ne retrouvent pas leur poste », a-t-il déclaré.

Selon M. Freund, l’exécutif européen abandonne « le levier le plus important » pour rétablir un système judiciaire indépendant en Pologne.

« Mauvais précédent »

Le déblocage des fonds pour le pays est un « cas de mauvaise pratique et de mauvais précédent », selon la vice-présidente du Parlement européen, Evelyn Regner.

« L’Union européenne est basée sur des valeurs et je peux vraiment dire que nous ne devrions pas faire de compromis », a-t-elle déclaré à EURACTIV, ajoutant que la Pologne a bloqué l’introduction de l’impôt minimum sur les sociétés de 15 % que l’UE préconise.

« Je considère que c’est une sorte de pression injuste pour bloquer tout un dossier simplement parce qu’ils disent que nous voulons de l’argent, que nous ne voulons pas respecter l’État de droit, et donc nous avons juste mis notre veto et je pense que c’est un non », a déclaré Mme Regner.

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Dans le même temps, le gouvernement polonais a salué la décision de la Commission d’approuver le plan lors de la réunion du Conseil de l’UE mardi.

« Je suis heureux que ce long processus soit derrière nous », a déclaré le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.

Le gouvernement polonais avait fait pression pour débloquer les fonds en question, arguant que le pays avait besoin de cet argent pour faire face à l’afflux de millions de réfugiés fuyant l’Ukraine et pour relancer l’économie.

La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, sera à Varsovie jeudi 2 juin pour annoncer l’accord débloquant le financement, tandis que le Conseil de l’UE devra approuver la proposition dans les quatre semaines.

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