Le gouvernement grec applique le dernier mémorandum, tout en lançant les réformes nécessaires… Et les mesures d’austérité ne font que s’alourdir.
Cette tribune est signée par sept eurodéputés : Guillaume Balas, Socialistes & Démocrates (France), Sergio Cofferati, Socialistes & Démocrates (Italie), Eva Joly, Verts/ELA, (France), Curzio Maltese, GUE/NGL (Italie), Emmanuel Maurel, Socialistes & Démocrates (France), Dimitrios Papadimoulis, GUE/NGL (Grèce), Isabelle Thomas, Socialistes & Démocrates (France), Ernest Urtasun, Verts/ELA (Espagne).
13 juillet 2015 : un accord in extremis est trouvé entre les créanciers pour poursuivre l’assistance financière à la Grèce.
Depuis l’été dernier, le gouvernement d’Alexis Tsipras met en œuvre le programme du dernier mémorandum tout en entamant les réformes nécessaires au pays : reconstruction de services publics viables, réforme du régime des retraites, lutte contre l’évasion fiscale et contre la pauvreté.
La semaine dernière, Alexis Tsipras devait faire face à de nouvelles mesures d’austérité imposées par les créanciers au cas où l’objectif d’excédent primaire n’était pas atteint en 2018. Encore une fois, la stratégie absurde des créanciers se répète alors même qu’une étude d’Eurostat, publiée jeudi 21 avril, invalide les scénarios pessimistes du FMI. Une stratégie qui consiste à reproduire machinalement les erreurs du passé sans avoir le courage de tracer un chemin vers une solution viable à la crise.
Les dessous troubles des négociations
La revue des réformes s’éternise depuis deux mois : elle est sans cesse reportée en raison des désaccords entre créanciers, principalement entre les institutions européennes d’une part et le FMI d’autre part. Les deux points de crispation sont la question des excédents primaires ainsi que les réformes à mettre en place pour les atteindre. Le FMI conteste les objectifs d’excédents primaires contenus dans le dernier accord de juillet et se montre perpétuellement insatisfait des réformes mises en place par le gouvernement grec mais, dans le même temps, réclame un allégement de la dette. Certains créanciers de la zone euro ont, eux, stratégiquement intérêt à ce que le FMI demeure dans le programme d’assistance financière mais refusent a contrario l’allégement de la dette.
Cet entremêlement croisé d’intérêts divergents conduit à une situation de blocage où le FMI, obsédé par le dogme budgétaire, profite de sa réunion de printemps à Washington pour achever de rallier les autres créditeurs européens à ses vues. Les dernières révélations WikiLeaks ont, quant à elles, révélé au grand jour les sombres tractations qui se jouent dans la gestion de cette crise. Convaincu que la Grèce ne pourra honorer ses obligations en juillet prochain, le responsable du département européen du FMI, Poul Thomsen, voit dans la faillite du pays le seul moyen d’imposer le point de vue de l’institution financière internationale.
Incapables de se mettre d’accord politiquement et techniquement sur la nécessité d’un allégement de la dette et sur le déficit budgétaire à combler, les créanciers ont consolidé leur position autour de la nécessaire participation du FMI et de l’ajout de nouvelles mesures d’austérité. Nouvelles hausses d’impôts, économies supplémentaires, baisse des pensions de retraite prépareront le terrain pour une énième perfusion financière.
Ces mesures supplémentaires sont d’autant plus absurdes qu’une étude publiée jeudi 21 avril dernier par Eurostat confirme que l’excédent primaire du pays pour 2015 atteint 0,7% du PIB (hors service de la dette), au-delà de l’objectif initialement fixé par le programme à 0,25% du PIB et ce, malgré le contrôle des capitaux imposé depuis l’été 2015 et l’arrivée de milliers de réfugiés dans le pays.
Après d’intenses négociations, les différends qui opposent la Grèce et ses créanciers ne sont, cependant, pas indépassables à condition qu’une véritable volonté politique de parvenir à un accord soit partagée. En dépit de l’annulation de l’Eurogroupe du 28 avril, il est donc nécessaire que la revue du programme soit conclue dans les semaines à venir.
Alors qu’il met en œuvre depuis septembre des mesures pourtant validées par l’Eurogroupe et se tient au dernier programme conclu, Alexis Tsipras est pris au piège d’un nouvel ultimatum, voulu par certains des créditeurs comme le FMI ou la frange dure des créanciers européens incarnée par Wolfgang Schäuble.
Atteints d’une schizophrénie généralisée, ces derniers poursuivent la désintégration de l’Union par la preuve.
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Responsabilité politique des dirigeants de la zone euro
Au travers de mécanismes internationaux créés de toutes pièces par des traités intergouvernementaux, la perfusion financière a mis sous tutelle économique un pays membre de l’Union européenne. Faisant fi des réalités humaines, sociales et économiques, le prétendu remède imposé au malade grec s’apparente à une saignée qui risque, à terme, de le tuer.
Il ne s’agit pas du dernier paradoxe de cette crise puisque les mêmes qui demandent une mise en œuvre rapide du mémorandum jouent maintenant avec le temps. Cette stratégie politique contradictoire a pour but, sans aucun doute, de déstabiliser la coalition gouvernementale et la majorité parlementaire.
Depuis juillet 2015, les créanciers poursuivent deux buts : imposer les mesures d’austérité du mémorandum et mettre Alexis Tsipras hors-jeu. Ils sont parvenus au premier objectif et poursuivent désormais le second.
Les créanciers de la zone euro sont également membres d’une Union que l’on espère, encore, politique. Il y a donc un besoin urgent de clarification : continueront-ils à soutenir indéfiniment une telle stratégie ou assumeront-ils la responsabilité de mettre en œuvre une solution politique durable à la crise ?
La Grèce doit pouvoir bénéficier d’une annulation, d’une restructuration ou d’un rééchelonnement de sa dette (restructuration des maturités et des taux de remboursement). Il y a consensus aujourd’hui parmi les économistes reconnus pour dire que la dette grecque est insoutenable.
Nous appelons donc les dirigeants de la zone euro à conclure rapidement la revue des réformes et à aborder la question de la renégociation de la dette pour permettre au gouvernement de poursuivre des réformes qualitatives, améliorer la croissance, promouvoir le développement économique et reconstruire les services sociaux du pays.
Dans un deuxième temps, il faudra sortir d’une gestion purement intergouvernementale de la crise et examiner les moyens de renforcer la méthode communautaire.
Comme l’ont déjà rappelé certains rapports du Parlement européen, la gestion de cette crise a confirmé le renoncement à la légitimité démocratique de la troïka, arrangement institutionnel mêlant créanciers de toutes sortes : États, institutions financières et banquières. En tant que représentants démocratiques d’États membres de l’Union, les dirigeants de l’Eurozone ne peuvent se permettre de tenir une position ambiguë.
En définitive, il est nécessaire d’admettre que toute position ou « non position» prise sur cette affaire est clairement politique. Sans cela, cette Europe demeurera un agrégat de données comptables, d’intérêts particuliers et contradictoires, engagé sur la seule impasse de l’austérité. La responsabilité de ce choix conscient ne pourra alors être retirée à chacun des dirigeants de la zone euro.
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