Le Parti populaire européen (PPE) ne s’est pas présenté à une audience devant un tribunal à Bruxelles vendredi (21 juin) pour une affaire dans laquelle le plaignant demande au parti d’écarter la candidature d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne.
Ursula von der Leyen, qui souhaite décrocher un second mandat à la tête de la Commission européenne, pourrait se retrouver en difficulté car son groupe politique, le PPE, devait comparaître pour une audience en référé devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles vendredi matin.
L’absence des avocats du PPE au tribunal a créé la surprise dans la salle d’audience. La juge, qui aurait pu décider d’un report, a cependant choisi d’entendre l’avocate du plaignant, reconnaissant que le dossier était « urgent ».
Retour sur le Pfizergate
Le plaignant, Frédéric Baldan, est un lobbyiste belge spécialisé dans les relations UE-Chine qui était accrédité auprès des institutions européennes.
En avril 2023, il a déposé une plainte pénale contre Mme von der Leyen dans le cadre des négociations de contrats de vaccins par SMS avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla. Il accuse la présidente de l’exécutif d’usurpation de fonctions et de titres, de destruction de documents publics, de prise illégale d’intérêts et de corruption.
Depuis, 500 particuliers se seraient constitués parties à l’affaire, tout comme des partis politiques et deux États membres de l’UE, la Hongrie et la Pologne, selon l’avocate du plaignant.
L’audience tenue devant la chambre du conseil du tribunal de première instance de Liège le 17 mai dernier a été reportée au 6 décembre afin de donner aux parties un délai supplémentaire pour examiner certains aspects de l’affaire.
Après ce report, l’avocate de M. Baldan a envoyé le 28 mai une mise en demeure au Conseil européen, à la commissaire aux Valeurs et à la Transparence Věra Jourová et au chef du PPE Manfred Weber, appelant les dirigeants de l’UE à forcer la démission de Mme von der Leyen et de ses commissaires, a rapporté Euronews.
L’avocate a ensuite assigné le PPE — enregistré en Belgique — à comparaître devant un tribunal de Bruxelles pour une procédure en référé, justifiant cette démarche par l’urgence de la situation.
M. Baldan affirme que Mme von der Leyen a violé la Charte des droits fondamentaux, plusieurs traités de l’UE et le code de conduite des commissaires européens au cours de sa présidence et qu’elle pourrait bientôt se retrouver dans la même situation si elle est réélue. Son avocate a également insisté vendredi sur le fait qu’elle aurait enfreint les statuts du PPE.
Pour le plaignant, l’urgence d’une procédure en référé est justifiée par le fait que les top jobs de l’UE — et donc le poste de président de la Commission — devrait faire l’objet d’un accord entre les dirigeants des Vingt-Sept lors d’un sommet qui se tiendra la semaine prochaine (27 et 28 juin).
Il affirme également que lui et les autres plaignants dans l’affaire pénale à Liège pourraient faire l’objet de représailles si Mme von der Leyen était reconduite. Il a notamment évoqué son accréditation en tant que lobbyiste auprès de l’UE, qui lui a été retirée quelques heures après une conférence de presse sur le Pfizergate avec l’ancienne eurodéputée aujourd’hui décédée Michèle Rivasi.
Lors de l’audition de vendredi, son avocate a déclaré qu’il remplissait les critères pour être considéré comme un « lanceur d’alerte », affirmant qu’il devrait par conséquent être protégé par la directive européenne pertinente.
M. Baldan a déclaré que, si elle était réélue, Mme von der Leyen pourrait faire pression sur les plaignants, mais aussi influencer le Parquet européen (EPPO), qui enquête sur l’acquisition des vaccins Covid et se trouve au milieu d’un conflit de compétences avec le juge d’instruction de Liège au sujet de la plainte pénale déposée par M. Baldan.
Frédéric Baldan demande qu’il soit ordonné au PPE de retirer la candidature de Mme von der Leyen sous peine d’une astreinte de 50 000 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l’éventuelle décision de la juge.
Quelle pourrait être la stratégie du PPE ?
L’absence du PPE à l’audience de vendredi a créé la surprise, amenant toutes les personnes présentes dans la salle à s’interroger sur la stratégie adoptée par le parti.
Le PPE n’a prévenu ni la partie adverse ni le juge de son absence, ce qui, pour l’avocate du plaignant, symbolise l’« omerta » qui caractérise cette affaire.
Cette absence pourrait être perçue comme une tentative de reporter l’audience après le sommet du Conseil de fin juin, voire après le vote du Parlement européen. Il se pourrait également que le PPE ne trouve pas cette affaire suffisamment sérieuse pour envoyer des avocats.
Quelle que soit la stratégie adoptée par le PPE, la juge a décidé de ne pas reporter l’audience et rendra sa décision la semaine prochaine. Elle « espère » rendre une décision « avant le 27 [juin] ».
Contacté par Euractiv, le PPE a déclaré ne pas souhaiter commenter cette affaire.
[Édité par Clara Bauer-Babef]