L’Union européenne a adopté lundi une feuille de route pour renforcer sa défense, au moment où l’élection de Donald Trump fait redouter à certains un désengagement des Américains de la protection militaire de l’Europe.
La concordance entre la victoire surprise du candidat populiste à la Maison Blanche et ce « grand pas en avant », « ce jour important », pour la défense européenne n’est que fortuite, ont assuré plusieurs ministres de l’UE, en marge d’une réunion qui associait les 28 ministres des Affaires étrangères et leurs collègues de la Défense. L’avenir de la défense européenne avait en effet déjà été remis sur le tapis après le référendum du Brexit.
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« L’autonomie stratégique de l’Europe s’impose quels que soient les présidents des États-Unis […] Ce n’est pas en trois jours qu’on aurait pu faire ça », a déclaré le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
Il n’empêche : sur la défense européenne, il fallait « ce bon texte avec des avancées significatives […] dans le contexte important d’un désengagement possible des Américains », a décrypté un diplomate européen.
Au cours de sa campagne, Donald Trump avait affirmé qu’il pourrait poser des conditions à la poursuite de l’engagement américain dans l’OTAN, dont les États-Unis assurent à eux seuls les deux tiers des dépenses militaires.
Des propos qui ont suscité une certaine émotion en Europe, notamment chez les voisins de la Russie jugée d’autant plus menaçante depuis le conflit ukrainien. L’Alliance atlantique a d’ailleurs dû plusieurs fois assurer qu’elle ne manquerait pas à son devoir de solidarité en cas d’agression d’un de ses membres (28 au total dont 22 également dans l’UE).
Concrètement, l’accord européen sur « le plan de mise en œuvre de la Stratégie de sécurité et de défense » évoque l’objectif d’une structure « permanente » pour mieux planifier et réaliser les opérations civiles et militaires de l’UE. Il y en a 17 actuellement dépendant d’une demi-douzaine de centres de commandement.
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La responsable de la diplomatie de l’Union, Federica Mogherini, qui avait souhaité en septembre la création à Bruxelles d’un QG opérationnel unique, est chargée par les États membres de leur faire des propositions dès que possible pour une mise en application au premier semestre 2017.
Des solutions concrètes
II faut cependant éviter les doublons avec l’OTAN, préviennent les ministres de l’UE. Depuis septembre, Paris et Berlin en tête, rejoints ensuite par Rome et Madrid puis Prague (le ministre tchèque des Affaires étrangères a cosigné lundi une contribution avec le Français Jean-Marc Ayrault) dénoncent « les lacunes » de l’UE en termes de capacité d’action militaire et un partage insuffisant du coût des missions. Les demandes de ces capitales ont désormais de bonnes raisons d’être satisfaites, selon le même diplomate européen.
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L’accord des 28 « met en place des solutions concrètes pour les structures de commandement, pour le déploiement d’opérations qui doit être facilité et financé plus aisément […] C’est quelque chose de parfaitement global qui évoque tous les aspects de défense », assure-t-il.
« Nous avons beaucoup de moyens inutilisés et il y a un besoin de renforcement de notre politique sécuritaire, c’est ce que nos citoyens nous demandent », a plaidé Federica Mogherini, en arrivant à la réunion lundi.
Pour autant, les divisions demeurent au sein des 28 sur la manière d’envisager une défense plus efficace, les grincements de dents provenant des plus atlantistes des pays membres.
« Au lieu d’envisager des nouveaux quartiers généraux coûteux ou de rêver d’une armée européenne, ce que l’Europe doit faire maintenant c’est dépenser davantage pour sa propre défense », a fait valoir le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon. « C’est la meilleure approche possible face à l’élection de Trump. »
Les Britanniques ont souligné lundi que le Royaume-Uni respectait le niveau de dépenses militaires souhaité par l’OTAN, à savoir 2% du PIB minimum, comme seulement quatre autres pays de l’Alliance (États-Unis, Grèce, Pologne et Estonie). Si d’autres pouvaient « dépenser un peu plus, je ne serais pas contre », a ironisé Boris Johnson.
Interrogé sur les propos de campagne de Donald Trump, le chef de la diplomatie britannique a mis en garde contre les « préjugés ». Le futur président américain est « quelqu’un avec qui on peut discuter », a affirmé, à cet égard, le chantre du Brexit.