Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, arrive le 26 mars en Bulgarie pour un sommet avec des représentants européens. Il assure avoir des vidéos prouvant que l’UE accueille des terroristes -et ne fait rien pour les combattre.
Une « réunion des dirigeants », rassemblant les présidents du Conseil et de la Commission, Donald Tusk et Jean-Claude Juncker, le chef d’État turc, Recep Tayyip Erdoğan, et le Premier ministre bulgare, Boyko Borissov, aura lieu le 27 mars dans la ville portuaire de Varna, en Bulgarie. Le pays détient actuellement la présidence tournante de l’UE.
Selon les médias turcs, le président Erdoğan a l’intention de montrer à ses interlocuteurs des vidéos de rassemblements dans des pays européens qui prouveraient, selon lui, que l’UE abrite des « terroristes ». C’est ainsi qu’Ankara qualifie les organisations kurdes et les partisans de Fetullah Gülen.
« L’Occident essaie de nous faire la leçon, de nous donner des conseils, qu’il se les garde. J’ai des vidéos de tout », a déclaré Recep Tayyip Erdoğan lors d’une conférence de son parti, l’AKP, à Trabzon. « Demain nous serons ensemble à Varna, je leur montrerai tout. Nous serons inflexibles, nous ne ferons aucun compromis. »
La Turquie et l’UE ont des définitions divergentes de ce qui constitue du « terrorisme ». Pour Ankara, toute personne identifiée comme ennemi du régime est un terroriste. La rencontre à Varna s’annonce donc difficile.
L’armée turque est actuellement engagée en Syrie dans l’opération « antiterroriste » appelée « rameau d’olivier », depuis deux mois. Une opération qui vise en réalité l’organisation syrienne kurde YPG à Afrin depuis deux mois, avec des conséquences lourdes pour la population. Dans une résolution non contraignante, le Parlement européen a appelé la Turquie à retirer ses troupes de la région.
Pour Ankara, l’YPG est une organisation terroriste, une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui est en conflit ouvert avec l’État turc depuis une trentaine d’années. Le PKK est considéré comme terroriste par la Turquie, mais aussi par l’UE et les États-Unis.
L’offensive turque à Afrin a été critiquée par la chancelière allemande, Angela Merkel. Face au Bundestag, le 21 mars, celle-ci a qualifié l’opération d’inacceptable, malgré ses justifications sécuritaires. « Je la condamne de la manière la plus ferme », a-t-elle déclaré.
Ankara exige aussi que les pays européens extradent les « Gülenistes », opposants politiques du régime partisans de Fetullah Gülen accusés d’être responsables de la tentative de coup d’État de juillet 2016.
Exilé depuis une vingtaine d’années, le prêcheur musulman a néanmoins réussi à mettre en place des réseaux le soutenant au sein des médias, du système judiciaire et de la police. Il gère également un système d’écoles privées recherché. Fetullah Gülen et ses sympathisants assurent cependant n’avoir aucun lien avec le putsch manqué et se disent victimes d’une véritable chasse aux sorcières.
Suite aux événements de juillet 2016, le régime a opéré plusieurs coups de filet dévastateurs pour éliminer les fonctionnaires soi-disant liés à la tentative de coup d’État. Certains ont d’ailleurs demandé l’asile en Grèce et en Allemagne.
Étudiants incarcérés
La semaine dernière, un groupe d’étudiants s’était mis à vendre des loukoums, aussi appelés « délices turcs », sous le nom de « délices d’Afrin », pour honorer la mémoire des militaires turcs tombés en Syrie. Un autre groupe a réagi en installant des bannières arborant des messages contre la guerre.
Sept de ces étudiants d’une université prestigieuse d’Istanbul ont été arrêtés, après avoir été accusés de « terrorisme » par le président. « L’expression d’une position [anti-guerre] peut être perturbante dans certains quartiers, mais ne peut être considéré comme un délit selon le code pénal turc », a indiqué l’avocat Inayet Aksu.
Cela n’a pas empêché Recep Tayyip Erdoğan de les traiter de « communistes » et de « terroristes » dans un discours virulent. Il qualifie par contre les étudiants honorant la mémoire de soldats de « croyants ».
Kati Piri, l’eurodéputée rapporteure pour la Turquie, s’est offusquée de l’arrestation des étudiants et a dénoncé la dangerosité de cette « nouvelle Turquie » dans laquelle les opposants sont emprisonnés.