L’Ukraine a placé ses troupes en état alerte le long de la ligne de démarcation avec la Crimée, à la suite d’un brusque regain de tension avec la Russie qui inquiète les États-Unis, plus de deux ans après l’annexion de ce territoire ukrainien.
« J’ai ordonné à toutes les unités dans les régions situées au niveau de la frontière administrative avec la Crimée et le long de la ligne de front dans le Donbass [est de l’Ukraine] de se mettre en état d’alerte », a annoncé jeudi le président ukrainien, Petro Porochenko, sur Twitter.
Quelques heures auparavant, c’est Vladimir Poutine qui réunissait le Conseil de sécurité russe. « Des mesures supplémentaires ont été discutées pour assurer la sécurité des citoyens et les infrastructures vitales de la Crimée », a précisé le Kremlin dans un communiqué.
La veille, la Russie avait affirmé avoir déjoué des « attentats » fomentés selon elle par Kiev sur la péninsule annexée en 2014 à l’issue d’un référendum jugé illégal par les Occidentaux.
Les États-Unis se sont déclarés extrêmement inquiets du regain de tension entre la Russie et l’Ukraine le long de la ligne de démarcation de la Crimée et ont appelé les deux camps à éviter toute escalade.
« La Crimée fait partie de l’Ukraine et elle est reconnue comme telle par la communauté internationale », a réaffirmé la porte-parole de la diplomatie américaine, Elizabeth Trudeau.
Un responsable de l’OTAN a déclaré à l’AFP que l’Alliance suivait « de près et avec inquiétude » la situation. « La Russie n’a fourni aucune preuve tangible de ses accusations contre l’Ukraine », a ajouté ce responsable qui n’a pas souhaité être nommé.
Mouvements de troupes
Les services de renseignement russes accusent Kiev d’avoir organisé plusieurs incursions de saboteurs-terroristes qui se sont soldées par des affrontements armés et ont coûté la vie, selon Moscou, à un agent des services secrets, le FSB (ex-KGB), et à un militaire russe.
Selon le FSB, un premier groupe a été intercepté près de la ville d’Armiansk en Crimée dans la nuit du 6 au 7 août, et 20 engins explosifs ont été saisis. Deux autres groupes ont été interceptés la nuit suivante, alors qu’ils étaient appuyés par des tirs de l’armée ukrainienne, selon la même source.
L’armée ukrainienne a accusé Moscou de vouloir « justifier le redéploiement et les actes agressifs des militaires russes » en Crimée.
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Moscou a affirmé avoir arrêté un officier du renseignement militaire ukrainien, Evguen Panov. Kiev l’a qualifié d’« otage ». La télévision russe a montré des images présentées comme celles de l’interrogatoire de cet homme, qui présentait des coupures et des traces de coups au visage et au bras.
Il a déclaré avoir été recruté par le renseignement militaire ukrainien pour s’attaquer à un ferry, une base d’hélicoptères, un dépôt de pétrole et une usine chimique.
Interrogés par l’AFP, plusieurs habitants de la péninsule vivant près de la frontière ukrainienne ont rapporté avoir constaté d’importants mouvements de véhicules militaires ces derniers jours dans la zone.
Lors d’un entretien téléphonique avec son homologue français Jean-Marc Ayrault, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé les Occidentaux à mettre en garde Kiev « contre des mesures dangereuses qui pourraient avoir les conséquences les plus négatives », selon son ministère.
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Le processus de paix remis en cause
Un responsable de haut niveau au sein des services de sécurité ukrainiens a indiqué à l’AFP que l’Ukraine se préparait à toute éventualité, jugeant possible une invasion russe. Ces échanges constituent l’une des plus fortes montées de fièvre entre Moscou et Kiev, à couteaux tirés depuis l’arrivée au pouvoir de pro-occidentaux en Ukraine début 2014.
Outre l’annexion de la Crimée, un conflit a alors éclaté avec des séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, appuyés selon Kiev et les Occidentaux par l’armée russe. Ce conflit a déjà fait plus de 9 500 morts.
Mercredi, Vladimir Poutine a estimé que dans ce contexte, une nouvelle rencontre prévue début septembre au format Normandie, c’est-à-dire avec Petro Porochenko, le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel, n’avait « aucun sens ».
C’est par cette médiation qu’avaient été conclus en février 2015 les accords de Minsk pour un règlement politique du conflit, qui n’ont abouti jusqu’à présent qu’à une baisse d’intensité des combats dans l’Est de l’Ukraine.
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L’Ukraine demande des preuves
Au cours d’une séance à huis clos du Conseil de sécurité de l’ONU, l’Ukraine a demandé à la Russie de fournir des preuves pour étayer ses accusations – rejetées par Kiev et mises en doute par les États-Unis et l’OTAN – selon lesquelles elle préparait des attentats terroristes en Crimée.
L’ambassadeur d’Ukraine à l’ONU, Volodymyr Yelchenko, a affirmé avoir interpellé son homologue russe, lors d’une séance à huis clos du Conseil de sécurité. « Si c’est bien arrivé, où sont les preuves ? Des déclarations, des images, des photos, des vidéos, quoique ce soit », a lancé l’ambassadeur à des journalistes. « Ce ne sont que des mots. »
Le Conseil de sécurité des Nations unies a discuté jeudi des tensions croissantes en Crimée après les accusations de la Russie selon lesquelles l’Ukraine préparait des attentats dans la péninsule disputée par les deux pays.
L’Ukraine, membre non permanent du Conseil, a réclamé la tenue en urgence de consultations et a demandé à l’ONU, l’Union européenne et la Croix Rouge de se rendre en Crimée pour interroger deux personnes arrêtées et accusées d’être liées à la tentative d’attentat.
Les résultats de la rencontre seraient ensuite présentés au Conseil de sécurité et à l’OSCE, a expliqué le diplomate ukrainien.
Son homologue russe, Vitali Tchourkine, a dit de son côté que l’Ukraine « avait perpétré un acte de sabotage et de terrorisme » en Crimée, que la Russie a annexée en 2014. Selon lui, « cela montre que le chaos qui règne à Kiev ». « Ils essayent de détourner l’attention », a-t-il ajouté.