L’UE a averti le 20 août que le champ des possibilités pour la Conférence climat des Nations unies qui aura lieu en décembre se resserrait rapidement. Le commissaire au climat déplore la « lenteur désespérante » des négociations.
Le commissaire européen en charge de l’énergie et de l’action pour le climat, Miguel Arias Cañete a rencontré la presse bruxelloise le 20 août, soit un peu plus de 100 jours avant la conférence sur le climat, aussi connue sous le nom de COP 21, qui aura lieu à Paris entre le 30 novembre et le 11 décembre.
Le commissaire a qualifié la conférence de « jalon historique » et d’« opportunité unique pour accélérer la transition vers une économie mondiale résistante au changement climatique et à faible émission de carbone ».
« Mais le champ des possibilités pour maintenir le réchauffement climatique en dessous des deux degrés se resserre rapidement », a-t-il regretté, faisant écho à Cristina Figueres, responsable climat à l’ONU, qui prévenait la semaine dernière que les pays pourraient ne pas être capables de limiter le réchauffement à deux degrés, en dessous du niveau préindustriel.
Plus que 10 jours de négociations
Miguel Arias Cañete a rappelé qu’il ne restait que 10 jours de négociations jusqu’à la conférence de Paris, répartis sur les sessions de négociations d’août et d’octobre, où de nombreuses questions en suspens doivent encore être discutées. Les négociations techniques doivent s’accélérer, davantage de pays devraient présenter des contributions ambitieuses et, plus important encore, les éléments clés qui nous mèneront au succès à Paris doivent être définis, a-t-il affirmé.
La COP 21 est aussi au programme de prochaines réunions de haut vol comme l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, la réunion de la Banque mondiale et du FMI en octobre ou encore la rencontre du G20 en novembre. Toutefois, dans les salles de négociations, les discussions avancent à une lenteur désespérante, a déclaré le commissaire, expliquant que les négociations politiques faisaient de l’ombre aux discussions techniques. « Cela doit changer », a-t-il commenté.
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Le 26 juillet dernier, les coprésidents menant les négociations de l’ONU ont présenté un texte amélioré qui servira de base pour la session d’août. Pour le commissaire au climat, ce texte est mieux structuré, car le projet d’accord est séparé d’une série de décisions plus techniques. Pourtant, avec ses 80 pages, il est encore « bien trop long », et toutes les options présentées par les pays au début de l’année sont encore sur la table, a précisé Miguel Arias Cañete.
« Cela devra être négocié. Nous avons encore beaucoup de travail », a-t-il déclaré.
L’UE est la première grande économie à avoir soumis sa contribution, a rappelé le commissaire, faisant référence au document présentant l’objectif contraignant de réduction des émissions d’au moins 40 % d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990. C’est la contribution la plus ambitieuse qui a été présentée jusqu’à présent, a-t-il ajouté.
La bonne nouvelle, selon le commissaire espagnol, est qu’après un démarrage lent, 56 pays ont présenté leur contribution prévue déterminée au niveau national (INDC), ce qui représente 61 % des émissions mondiales. La mauvaise nouvelle, c’est que ces pays ne représentent qu’un quart des États membres de l’ONU. Des pays clés comme l’Argentine, le Brésil, l’Inde, l’Indonésie, l’Arabie saoudite, l’Afrique du Sud ou la Turquie devraient soumettre leur contribution « sans délai », a-t-il précisé.
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La Commission européenne et le Maroc, prochaine présidence des négociations pour le climat, organiseront un forum international les 12 et 13 octobre à Rabat, a expliqué Miguel Arias Cañete. L’objectif sera d’échanger sur l’ensemble des contributions avant Paris et de parler de ce qui doit être fait pour rester sur l’objectif des 2 degrés.
Paris doit envoyer un signal fort au reste du monde pour montrer que les gouvernements sont sérieux face au changement climatique, a estimé le commissaire. Selon lui, pour que la conférence de Paris fonctionne, plusieurs facteurs sont nécessaires. D’abord, une grande volonté d’atténuer le changement climatique. Pour cela, tous les grands émetteurs doivent s’engager. L’atténuation du changement climatique fait référence aux efforts réalisés pour réduire ou empêcher les émissions de gaz à effet de serre. L’atténuation peut se traduire par l’utilisation de nouvelles technologies et d’énergies renouvelables, par la transformation d’équipements obsolètes en des équipements plus efficace énergétiquement, ou par l’évolution des pratiques de gestion et du comportement des consommateurs.
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Le second facteur, a expliqué Miguel Arias Cañete, est la nécessité d’une révision dynamique, qui aurait lieu tous les cinq ans selon des critères scientifiques, et le troisième, un objectif à long terme. Selon lui, il est important de connaître la « destination du voyage », et cela passe par l’inclusion d’objectifs à long terme de réduction des émissions d’au moins 60 % d’ici à 2050, par rapport à 2010, et par la décarbonisation totale de l’économie d’ici à 2100.
Le quatrième prérequis concerne les règles de transparence et de responsabilité. « Nous devons nous assurer que l’accord conclu à Paris ne sera pas que des mots, mais de véritables actions. Les objectifs nationaux doivent être encadrés par des règles de transparence et de responsabilité. Tout le monde sait que les États-Unis et un certain nombre d’autres pays ne veulent pas signer un accord contraignant. À ces pays de présenter une alternative convaincante qui envoie le signal à long terme dont les citoyens, les marchés et les décideurs politiques ont besoin », a déclaré le commissaire.
Interrogé sur les désaccords au sein de l’UE, avec la Pologne par exemple, qui estime que des objectifs ambitieux pour le climat sont néfastes pour l’économie de l’Union, le commissaire a déclaré que le sommet européen d’octobre permettra de dégager un consensus et de dissiper les inquiétudes de certains pays.
Quant à la complexité des négociations internationales avec plus de 190 pays, Miguel Arias Cañete a déclaré : « il faut construire plusieurs types d’alliances. Pour chaque sujet, il existe une alliance différente. Nous jouons à plusieurs jeux d’échecs en même temps, avec des stratégies différentes ».
« Mais l’objectif est clair : Paris doit être l’outil pour combattre le réchauffement climatique de notre siècle », a-t-il conclu.