L’UE devrait faire pression pour que Séoul envoie directement des munitions à l’Ukraine lors d’une visite du président du Conseil européen Charles Michel et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans le pays à la fin du mois.
Les deux dirigeants de l’UE devraient rencontrer le président sud-coréen Yoon Suk Yeol à Séoul lundi prochain (22 mai) pour le sommet régulier entre l’UE et la Corée du Sud.
Ils devraient notamment demander à la Corée du Sud de se montrer plus ouverte concernant l’envoi de munitions ainsi que d’autres équipements militaires à l’Ukraine. C’est ce qu’a confié un haut fonctionnaire de l’UE à EURACTIV.
Au cours des dernières semaines, la question des munitions a gagné en importance alors que l’Ukraine se prépare à sa contre-offensive dans le sud-est du pays.
L’UE a prévu d’augmenter sa production de munitions, mais comme cela devrait encore prendre plusieurs mois, les alliés européens de l’Ukraine se tournent à présent vers la Corée du Sud pour fournir une aide militaire à Kiev.
Une solution à court terme
« La Corée du Sud a la capacité de fournir des munitions à court terme », a indiqué à EURACTIV Ramon Pacheco Pardo, président pour la Corée du Centre pour la sécurité, la diplomatie et la stratégie de l’Université libre de Bruxelles (VUB).
Étant donné que « les stocks sont bas dans l’UE et aux États-Unis, ils se tournent vers la Corée du Sud pour obtenir des munitions à court terme, non seulement pour reconstituer leurs stocks, mais aussi pour fournir l’Ukraine directement », a expliqué M. Pacheco Pardo.
En outre, « les munitions fabriquées en Corée sont compatibles avec les normes de l’OTAN », et donc avec un grand nombre d’équipements utilisés par les forces armées ukrainiennes, a-t-il ajouté.
Bien que les capacités de production de Séoul aient permis de remplir les stocks des États membres de l’UE épuisés par les livraisons à Kiev, les États membres ne sont pas autorisés à les donner à Kiev.
« D’un point de vue juridique, la Corée du Sud affirme qu’il n’est pas possible pour elle de fournir [des munitions] à un pays impliqué dans une guerre », a expliqué M. Pacheco Pardo.
Selon de récentes fuites des services de renseignement américains, une autre option serait que Séoul vende l’équipement à un État membre de l’UE, qui en ferait ensuite don, comme l’a fait la Pologne, par exemple.
Toutefois, « même si la Corée du Sud déclare qu’elle fournira directement l’Ukraine, l’équipement devra passer par la Pologne », qui est la plaque tournante des livraisons d’aide militaire à Kiev, a indiqué M. Pacheco Pardo.
« Le processus de décision serait plus rapide parce qu’il serait traité directement, bien que la Corée du Sud sache déjà ce que l’Ukraine veut », a-t-il ajouté.
L’UE veut jouer un rôle
L’impact de l’UE devrait être plutôt faible, « parce que les États-Unis ont déjà discuté de cette question avec la Corée du Sud, bien que pas publiquement — et les États-Unis sont un allié militaire, alors que l’UE est un partenaire », a souligné M. Pacheco Pardo.
Cependant, il y a un « argument politique » à faire valoir, qui est « important » à la fois pour les Européens et pour montrer leur soutien aux Ukrainiens, a-t-il indiqué.
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, en visite à Séoul en janvier, avait déclaré qu’il était « urgent de fournir davantage de munitions et d’armes à l’Ukraine, faute de quoi elle ne sera pas en mesure de résister aux envahisseurs russes et de repousser l’agression russe ».
« Ce qui se passe en Europe est important pour l’Indo-Pacifique », avait affirmé M. Stoltenberg, ajoutant qu’en fin de compte, c’est à Séoul qu’il revenait de prendre la décision.
En avril, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki avait confirmé au New York Times que les dirigeants européens avaient « parlé à la Corée du Sud de la livraison d’armes et de munitions ». Il avait toutefois expliqué ne pas penser qu’il soit possible de faire changer la Corée d’avis sur la question sans l’intervention des États-Unis.
En effet, selon lui, « la Corée du Sud craint la réaction de la Russie et de la Chine ».
Considérations mondiales
Pour Séoul, le dilemme de la livraison de munitions à l’Ukraine repose sur sa volonté de ne pas créer un dangereux précédent.
Même si la vente à un pays en guerre est interdite, « je pense que si une entreprise ou le gouvernement décidait de fournir [des munitions] à l’Ukraine, je ne pense pas que quiconque les poursuivrait en justice », a déclaré M. Pacheco Pardo.
Toutefois, « si la Corée du Sud devait changer sa politique, d’autres pays dans le monde se demanderaient : pourquoi pas moi ? ». Dès lors, « cela crée un précédent : tout autre pays en guerre demanderait la même chose », a-t-il poursuivi.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]