EXCLUSIF – Vladimir Poutine et Alexis Tsipras ont discuté le 5 février de la situation en Ukraine, du gazoduc South Stream et de sa variante turque. Un projet qui compte sur une hausse de la demande européenne en gaz russe mais aussi sur le marché turc, selon l’ambassadeur russe. ?
Une conversation téléphonique entre le Président russe Vladimir Poutine et le premier ministre grèc Alexis Tsipras s’est déroulée le 5 février, a annoncé le Kremlin dans un communiqué.
Le Kremlin ne donne pas beaucoup plus de détails sur la conversation, mais précise que les deux dirigeants ont discuté du remplacement de South Stream par son équivalent passant par la Turquie, Turkish Stream, et de la plateforme gazière située à la frontière entre la Grèce et la Turquie.
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Deux des principaux objectifs du projet Turkish Stream sont de contourner l’Ukraine, et de punir la Bulgarie qui, selon la Russie, a fait obstacle à la construction de South Stream, le projet initial.
EURACTIV a demandé à Vladimir Chizhov, ambassadeur russe auprès de l’UE, de commenter la situation et les remarques récentes du vice-président de la Commission, Maroš Šef?ovi?, qui estime que Turkish Stream n’est pas viable.
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Vladimir Chizov a répondu qu’il était certain que le projet de Turkish Stream, discuté lors de la visite de Vladimir Poutine en Turquie le 1er décembre 2014, était « basé sur des calculs » concrets.
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Et, s’il existe une demande de livraison de gaz russe, le projet fonctionnera, souligne le diplomate, qui ajoute qu’« évidemment, si l’UE décide de réduire sa consommation de gaz russe, la construction [de Turkish Stream] n’a pas de sens ».
Selon lui, l’UE n’a pas reconnu le changement de politique de Gazprom, le fournisseur de gaz russe. Auparavant, Gazprom insistait pour participer à toute la chaine d’approvisionnement, de l’extraction au consommateur, parce que, souligne l’ambassadeur, le dernier maillon de cette chaine est très rentable.
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Une « politique draconienne »
« Aujourd’hui, face à la politique énergétique draconienne de l’UE, illustrée notamment par le tristement célèbre troisième paquet sur l’énergie, Gazprom a adopté une attitude plus souple et se prépare à livrer du gaz à la lisière de l’UE, c’est-à-dire à la plateforme gazière de la frontière gréco-turque. Si le gouvernement bulgare avait été plus cohérent et avait soutenu ce projet jusqu’au bout, nous nous serions arrêté à la frontière entre la Turquie et la Bulgarie », rappelle-t-il.
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Le diplomate note également que, comme la Turquie absorbera un tiers du gaz transporté par le gazoduc, sa construction ne constitue pas un grand risque, même si la demande européenne n’est pas garantie. Turkish Stream devrait permettre d’acheminer 63 milliards de mètres cubes de gaz par an vers la frontière gréco-turque.
Comme le précise Vladimir Chizhov, le gazoduc Blue Stream, qui relie la Russie à la Turquie via la mer Noire, n’alimente pas Istanbul, ni la Thrace orientale, la partie de la Turquie située en Europe. La capacité de ce gazoduc ne dépasse en outre pas les 16 milliards de mètres cubes par an. La Turquie serait donc un client important du nouveau gazoduc. « Cette région peut consommer beaucoup de gaz », assure-t-il.
Le diplomate explique qu’il existe une autre option : la construction d’un terminal de gaz naturel liquéfié sur la côte méditerranéenne, qui permettrait d’en livrer « au reste du monde ».
Il admet néanmoins que le volume de la demande européenne à long terme aura une grande influence sur les projets russes.
« Les chiffres dont nous disposons actuellement indiquent qu’en 2014 Gazprom a livré plus de gaz que jamais auparavant aux pays européens. Il y a donc une tendance visible à la croissance de la demande européenne pour du gaz russe. Et si les prix du gaz chutent, l’offre russe deviendra encore plus attrayante », souligne-t-il.
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