En révélant les mots de la secrétaire d'État américaine, la Russie semble vouloir discréditer les relations entre l'UE et les États-Unis.
« Fuck the EU !». Voici ce que l'on peut entendre sur l'enregistrement d'une conversation entre Victoria Nuland, la secrétaire d'État adjointe américaine pour l'Europe, et l'ambassadeur des États-Unis auprès de l’Ukraine, Geoffrey Pyatt. L'entretien aurait été enregistré le 26 janvier dernier, après le remaniement du gouvernement ukrainien à la suite des manifestations proeuropéennes de plus en plus violentes.
Dans la conversation, on peut entendre les deux diplomates américains débattre des nominations des dirigeants de l'opposition en vue de former le nouveau gouvernement.
« Que l'UE aille se faire foutre ! » peut-on entendre de la bouche de Victoria Nuland. Et Geoffrey Pyatt de répondre : « Absolument ».
L'authenticité de l'enregistrement, disponible sur YouTube, ne peut pas être vérifiée. Mais le fait que la secrétaire d'État ait présenté ses excuses tendrait à prouver sa véracité. La Maison-Blanche voit derrière cette fuite l'ombre du Kremlin.
Arseni Iatseniouk, le leader du parti Batkivchina de l'opposante Ioulia Timochenko, s'est vu proposer le poste de premier ministre lors du remaniement du gouvernement. Vitali Klitschko, l'ancien champion de boxe de renommée internationale, s'est vu offert, quant à lui, le poste de vice-premier ministre.
Selon l’enregistrement, Victoria Nuland s'est dite opposée à l'entrée dans le gouvernement de Vitali Klitschko. Selon elle, Arseni Iatseniouk, est « l'homme de la situation » pour le poste de premier ministre, mais Vitali Klitschko doit rester dans l'opposition, afin d'assurer sa cohésion. À ses yeux, Arseni Iatseniouk et Vitali Klitscko sont un binôme qui ne peut fonctionner.
Les deux diplomates ont également exprimé leurs inquiétudes quant au troisième dirigeant de l'opposition, Oleh Tyahnybok, chef du parti Svoboda. L'ambassadeur américain auprès de Kiev a conseillé à Victoria Nuland de ne pas engager de discussions avec Oleh Tyahnybok.
Victoria Nuland a ensuite évoqué Robert Serry, un diplomate hollandais nommé par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, afin de régler la crise ukrainienne.
L'ONU pourrait jouer un rôle bénéfique en Ukraine
Pour l'Américaine, l'arrivée de Robert Serry à Kiev serait une bonne chose.
« Ce serait bien, je pense de contribuer à rassembler, et d'amener l'ONU à contribuer à ce rassemblement et puis, tu sais, que l'UE aille se faire foutre !, » a-t-elle continué.
« Absolument !, » a répondu l'ambassadeur Geoffrey Pyatt. Ce dernier a ajouté que les États-Unis souhaitaient quelqu'un de la trempe de Robert Serry pour trouver une solution en Ukraine. Cet échange montre la divergence de stratégie de part et d'autre de l'Atlantique sur la question ukrainienne.
Les deux opposants ukrainiens ont décliné les propositions du gouvernement de Ianoukovitch, dirigé temporairement par Serhiy Arbuzov, un proche collaborateur du président ukrainien.
Les représentants de l'UE ont laissé savoir à Reuters qu'ils ne feraient pas de commentaires sur la « fuite ». La bande audio a tout d'abord été publiée sur Twitter par un assistant du vice-premier ministre russe Dmitry Rogozin, selon une source diplomatique citée par Reuters. Elle a été publiée sur son compte de @DLoskutov.
Jeter le discrédit sur l'Occident
La publication de l'enregistrement, indépendamment de son authenticité et de la source, semble avoir pour objectif de jeter le discrédit sur les puissances occidentales. La conversation laisse en effet l'impression que les opposants sont de simples pantins de l'Occident. Aussi, elle semble vouloir semer la discorde entre Bruxelles et Washington.
Le tout récent site web d'actualité, Zerkalo nedeli, a cité le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, qui a déclaré que la Russie était derrière tout ça.
Le quotidien britannique The Guardian a rapporté les propos de la porte-parole du département, Jennifer Psaki, sur le sujet : Victoria Nuland « a pris contact avec ses homologues européens et leur a présenté ses excuses ».
Elle a également déclaré que, si les Russes étaient responsables de la mise sur écoute, de l'enregistrement et de la publication de conversations téléphoniques privées entre diplomates, ce serait un nouveau coup bas à l'actif de la diplomatie russe. Jennifer Psaki n’a pas réfuté l’authenticité de cet échange, ce qui confirmerait l’exactitude des propos rapportés entre la haute diplomate et l’ambassadeur.