Google a conclu des accords de licence avec plus de 300 éditeurs de presse de l’Union européenne et a lancé un outil permettant d’étendre ces accords à d’autres médias, a annoncé la société mercredi 11 mai.
Les négociations entre les entreprises technologiques et les éditeurs de presse concernant le paiement du contenu de ces derniers sont en cours depuis la parution de la directive européenne sur le droit d’auteur. L’article 15 de la loi de 2019 accorde aux éditeurs des « droits voisins », qui leur donnent droit à une rémunération équitable de la part des plateformes en cas de réutilisation de leur matériel.
« Jusqu’à présent, nous avons des accords qui couvrent plus de 300 éditeurs de presse nationales, locales et spécialisées en Allemagne, en Hongrie, en France, en Autriche, aux Pays-Bas et en Irlande, et de nombreuses autres discussions sont en cours », a déclaré Google dans un billet de blog.
Plus de 220 de ces accords ont été conclus avec des éditeurs allemands, notamment avec de grands groupes tels que Die Zeit, Der Spiegel et Frankfurter Allgemeine Zeitung, ainsi qu’avec de nombreuses petites publications locales et spécialisées.
Dans le cadre des négociations, Google a proposé aux éditeurs des pays qui ont transposé l’article 15 de conclure des accords via la plateforme d’« aperçu étendu des actualités » (Extended News Preview, ENP), mise en place par Google pour faciliter la rémunération des éditeurs.
Dans le cadre de ces accords, Google paie les éditeurs pour afficher un aperçu plus étendu de leur contenu d’actualité dans les résultats de recherche, par exemple par l’utilisation d’extraits et de vignettes.
L’annonce de mercredi a également vu le lancement d’un nouvel outil qui, selon la société, permettra de proposer ces offres ENP à « des milliers d’autres éditeurs de presse », en commençant par ceux d’Allemagne et de Hongrie, avant de s’étendre à d’autres pays de l’UE.
L’outil sera disponible via le Google Search Console et permettra aux éditeurs de s’inscrire au statut ENP et de gérer leurs accords.
« Il est encourageant de voir que Google fait maintenant un effort, contrairement aux déclarations passées de l’entreprise, pour respecter les lois locales et rémunérer les éditeurs pour l’utilisation de leur contenu », a déclaré à EURACTIV Wout van Wijk, directeur exécutif de News Media Europe.
« Nous devons cependant voir comment cela fonctionne en pratique », a-t-il ajouté, « et comprendre quels sont les avantages pour les éditeurs de presse européens. Cela ressemble beaucoup à une offre à prendre ou à laisser, où il n’y a pas de place pour la négociation sur les termes et conditions de la licence. »
Le directeur exécutif de l’Association européenne des médias magazine et de l’Association européenne des éditeurs de journaux (EMMA-ENPA), Ilias Konteas, a exprimé une crainte similaire. Il a déclaré à EURACTIV que « ces initiatives ne devraient pas remplacer les accords de licence équitables et non discriminatoires. Sur cette base, les initiatives qui ne choisissent qu’une poignée d’éditeurs, au final, ne donnent pas les résultats nécessaires. »
Concernant l’outil ENP, M. van Wijk a ajouté que les conséquences pour les éditeurs qui ont choisi de ne pas s’inscrire devaient également être comprises. « Cela affectera-t-il leur classement, leur trouvabilité ? », a-t-il demandé. « Mais également, Google en tirera-t-il parti dans les négociations autour des licences de droit d’auteur dans le cadre de la directive européenne et de Google News Showcase, par exemple ? »
La transposition de la directive sur le droit d’auteur a été lente, moins de la moitié des États membres l’ayant transposée en droit national près d’un an après la date limite.
Cependant, là où elle a été transposée, elle a suscité une controverse considérable, car les éditeurs et les plateformes se sont battus pour trouver un terrain d’entente.
Des litiges très médiatisés sont survenus en France, premier pays à avoir transposé la directive.
En juillet de l’année dernière, l’Autorité française de la concurrence a infligé à Google une amende de 500 millions d’euros pour avoir, selon elle, manqué à son obligation de négocier « de bonne foi » avec les éditeurs. Les éditeurs ont maintenant créé un organisme par l’intermédiaire duquel ils peuvent négocier collectivement avec les plateformes.
Certains accords ont toutefois été conclus. Facebook a annoncé en octobre qu’il avait conclu un accord avec l’Alliance de la Presse d’Information Générale (APIG), qui représente les intérêts des éditeurs du pays. Au début de l’année, Meta a déployé Facebook News en France, premier pays de l’UE à accueillir la plateforme, en s’associant avec 100 médias du pays pour proposer des liens vers leur contenu.
Dans ces deux cas, ainsi que dans celui des accords de licence de Google, les détails exacts de la rémunération n’ont pas été rendus publics.
La garantie d’une rémunération équitable est également apparue comme un sujet de considération dans le cadre des négociations sur la loi historique de l’UE sur les marchés numériques (DMA). Cette loi prévoit d’étendre les obligations relatives aux conditions équitables, raisonnables et non-discriminatoires (FRAND) aux plateformes de réseaux sociaux et aux moteurs de recherche, et non plus seulement aux magasins d’applications (app stores) comme dans la proposition initiale.