« Le journalisme est devenu un métier dangereux » en Europe selon la vice-présidente de la Commission Věra Jourová

La vice-présidente de la Commission européenne chargée des valeurs et de la transparence, Věra Jourová, donne une conférence de presse sur la « recommandation visant à garantir la sécurité des journalistes dans l’Union européenne », à Bruxelles, en Belgique, le 16 septembre 2021. [OLIVIER HOSLET/EPA]

La vice-présidente de la Commission européenne aux valeurs et à la transparence est revenue sur la situation des journalistes dans le monde et sur le besoin de réguler les plateformes pour lutter contre la désinformation.

Invitée à l’occasion de l’événement Médias en Seine mardi 12 octobre, la commissaire Věra Jourová a fait le point sur les priorités de Bruxelles en matière de protection des journalistes et de transparence nécessaire des plateformes numériques.

La vice-présidente de la Commission en a d’abord profité pour féliciter la journaliste philippine Maria Ressa qui a reçu, aux côtés du journaliste russe Dmitri Mouratov, le prix Nobel de la paix vendredi 8 octobre.

« J’étais vraiment très heureuse et je lui souhaite du bonheur à l’avenir et du courage pour les prochaines étapes », a-t-elle déclaré, les qualifiant de « modèles pour les autres ».

Mme Jourová a néanmoins très vite souligné que « le cas de Maria Ressa [qui a enquêté sur la présidence philippine en dépit des arrestations, poursuites et menaces, NDLR] représente celui de tous les journalistes dans le monde entier », notant que plus de 900 attaques visant des journalistes ont eu lieu en Europe en 2020.

« Le journalisme est devenu un métier dangereux » en Europe, a-t-elle regretté.

Elle a également insisté sur la protection des journalistes en ligne. « Il ne faut pas sous-estimer ces menaces », a-t-elle déclaré, ajoutant que les femmes sont particulièrement visées par ce type de violence.

Věra Jourová appelle à une coopération médiatique transfrontalière

« Aucun journaliste ne devrait mourir ou être blessé pour avoir fait son travail », a déclaré la vice-présidente de la Commission européenne chargée des valeurs et de la transparence, Věra Jourová, alors l’UE se prépare à organiser un forum européen des médias d’information en novembre.

Régulations des plateformes

Interrogée sur le besoin de régulation des plateformes, Věra Jourová a souhaité rappeler l’« accord tacite » entre ces acteurs et les pouvoirs publics qui reposent sur plusieurs piliers, dont celui de la lutte contre la haine en ligne et contre la désinformation.

Si cet « accord » est pour l’heure « non contraignant », Mme Jourová a néanmoins souligné que les régulations à venir, et notamment celle du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA), pourraient bien mettre un peu d’ordre à tout cela.

« Nous voulons augmenter la transparence pour voir ce que font les plateformes, par exemple sur la question des algorithmes et du ciblage », a-t-elle précisé au sujet du DSA, ajoutant que le DMA doit également « réduire les monopoles et les pouvoirs des plateformes sur les marchés européens » pour permettre à de plus petits acteurs, y compris dans le paysage médiatique, de « prospérer ».

La commissaire a également rappelé l’important du financement des médias pour un écosystème « sain ». « Il est clair que le modèle actuel avec l’argent de la publicité qui va aux plateformes n’est pas viable », a-t-elle souligné.

Pour compenser ce manque à gagner, les plateformes sont d’ailleurs sommées depuis la directive européenne d’avril 2019 de verser une contrepartie aux éditeurs pour la réutilisation de leurs contenus par les moteurs de recherches comme Google ou les plateformes comme Facebook. Mais, plus de deux ans après sa transposition dans la loi française, les négociations autour de ce droit voisin n’ont pas encore abouties.

Droits voisins pour la presse : l'organisme de gestion collective bientôt sur pied

Face aux députés, l’ancien eurodéputé Jean-Marie Cavada a fait un point d’étape sur le futur organisme de gestion collective (OGC) dont il aura la charge et qui devra négocier avec les plateformes la rémunération des éditeurs de presse au titre du droit voisin.

Mme Jourová a également invité les États membres à utiliser les fonds du plan de relance pour aider à la pluralité de leur paysage médiatique et « pour que les médias indépendants puissent survivre ».

Enfin, elle a profité de l’occasion pour évoquer la nouvelle arme législative de Bruxelles, attendue fin novembre, pour réguler la propagande politique sur les réseaux sociaux. Il pourra s’agir d’une « directive ou d’un règlement », a-t-elle précisé, qui devrait permettre de bien différencier l’industrie de la publicité numérique « lorsqu’elle opère dans la sphère des consommateurs, lorsqu’elle offre des produits en utilisant les données personnelles » de celle qui vendra « une vision politique des idées ».

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