Les lanceurs d’alerte bientôt mieux protégés en Europe

Des manifestants soutenant les lanceurs d'alerte. [Mélanie Poulain/Flickr]

Le texte européen prévoit que les lanceurs d’alerte puissent directement alerter les médias pour divulguer leurs informations.

Les lanceurs d’alerte en Europe seront-ils enfin à l’abri des représailles ? La directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte a pris un pas dans une direction plus protectrice.

Le nouveau système adopté à l’unanimité moins une abstention en commission des affaires juridiques du Parlement européen met en place un cadre qui garantit une protection aux lanceurs d’alerte en Europe.

Votée le 20 novembre, la directive garantit que les personnes dénonçant l’évasion fiscale, la corruption, les atteintes à l’environnement, à la santé ou à la sécurité publiques, soient à l’abri des représailles. Ces mêmes mesures de protection devaient s’appliquer à ceux qui aident ces lanceurs d’alerte, comme les journalistes.

Lanceurs d’alerte contre secret des affaires : la transposition des directives s'avère cruciale

La Commission a présenté ce lundi (23 avril) un projet de directive sur la protection des lanceurs d’alerte. Ce dernier contrebalance la directive sur le secret des affaires, adoptée en 2016, que la France est en train de transposer.

 

« Les conditions de protection prévues par le texte sont larges. Dès le départ, un lanceur d’alerte bénéficie de la protection a priori. Et si au cours de la procédure il apparait que ses révélations ne relèvent pas de l’intérêt général, la protection peut être levée », explique Virginie Rozière.

Liberté d’action

Au cours de son parcours législatif, la directive a été renforcée à plusieurs reprises. Des avancées notoires ont été obtenues en matière de liberté de signalement. Le texte prévoit que le lanceur d’alerte puisse choisir le canal le plus approprié pour divulguer l’infraction au droit européen dont il a été témoin.

Le sujet a été très débattu entre les élus européens, certains étant en faveur d’un parcours d’alerte contraignant. Un tel parcours aurait obligé le lanceur d’alerte à informer en premier lieu son entreprise ou sa structure, avant de se tourner vers la justice ou les médias.

Une obligation qui ne figure plus dans la version finale du texte négociée par les eurodéputés. Ainsi, le lanceur d’alerte est libre de choisir le canal d’alerte le plus approprié selon les circonstances.  Quitte à s’adresser directement aux médias.« Sur cette question de la hiérarchie du signalement (article 13), nous avons un bon compromis.  L’accès aux médias est notamment sécurisé » s’est félicité la rapporteure Virginie Rozière, eurodéputée française (S&D).

Virginie Rozière : « On a besoin des lanceurs d’alerte »

La condamnation des trois lanceurs d’alerte du scandale des LuxLeaks doit servir de déclancheur à l’UE pour avancer sur la question d’une protection européenne, selon l’eurodéputée Virginie Rozière.

Cette avancée était réclamée par les associations de journaliste, à l’image de Reporter Sans Frontières (RSF).  « C’est un point essentiel pour leur protection mais aussi pour la liberté d’information et le droit du public d’accéder à des informations d’intérêt général. Le rôle des lanceurs d’alerte dans la révélation d’atteintes à l’intérêt général n’a eu de cesse de se vérifier ces dernières années comme l’ont montré les Panama Papers, les LuxLeaks ou encore l’affaire du Médiator en France », a rappelé Julie Majerczak, représentante de RSF auprès des institutions européennes

L’organisation déplore seulement que ce parcours d’alerte ne concerne que les actes illégaux et non pas de façon plus large « aux actes qui menacent ou portent préjudice à l’intérêt général ». Une distinction qui prend son sens par exemple en matière de fiscalité. Les pratiques d’optimisation fiscale – qui se situent dans la zone grise légale – pourraient ainsi ne pas tomber dans le champ d’application du texte.

Couperet des élections européennes

Si le parcours législatif de la directive touche à sa fin, son adoption définitive avant les élections européennes de mai 2019 apparait encore incertaine.

Le texte finalisé par la commission des affaires juridiques doit recevoir l’aval définitif du Parlement dans son ensemble. De son côté, les Etats membres doivent adopter leur position commune mi-décembre sur le texte, avant que ne s’ouvrent les négociations finales entre les deux institutions.

« J’aimerais vraiment qu’on puisse finaliser le texte avant la fin de l’année. Le Conseil avance, mais c’est laborieux », explique Virginie Rozière.

Le Parlement va à présent entrer dans la phase de négociations avec le Conseil et la Commission. Le groupe des Verts / ALE invite les États à faire de ces négociations une priorité afin qu’un accord soit trouvé avant les élections européennes» a commenté Pascal Durand, vice-président du groupe Verts-ALE.

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