La Commission européenne s’est défendue face aux accusations de « crimes contre l’humanité » en Méditerranée étayées dans un rapport réalisé par des avocats internationaux. Et porté devant la Cour pénale internationale.
Le rapport, rédigé par des avocats et militants politiques, cite des documents publics de l’Union européenne, des communiqués du président français, de la chancelière allemande et d’autres hauts responsables de l’UE. Il réclame que les États membres qui ont joué un rôle de premier plan dans la crise des réfugiés, soit l’Italie, l’Allemagne et la France, soient poursuivis pour la mort de milliers de migrants, noyés dans la Méditerranée en fuyant la Libye.
L’acte d’accusation reproche aussi à la politique migratoire européenne les viols et tortures dont sont victimes les migrants entre les mains des garde-côtes libyens, financés et entrainés par les contribuables européens.
L’un des crimes, selon le document, fut la décision de mettre un terme à l’opération de sauvetage Mare Nostrum fin 2014. En un an, la mission lancée par le gouvernement italien avait sauvé 150 810 migrants en Méditerranée.
Depuis 2014, plus de 12 000 personnes sont mortes en essayant de fuir la Libye et de se rendre en Europe. L’agence de l’ONU pour les réfugiés qualifie ce parcours de « traversée de la mer la plus mortelle au monde ».
La porte-parole de la Commission Natasha Bertaud a déclaré que l’exécutif européen ne commenterait pas les procédures juridiques n’ayant pas encore été lancées. « Mais dans l’ensemble, le bilan de l’UE pour sauver des vies en Méditerranée parle de lui-même. Sauver des vies a été notre priorité », a-t-elle assuré.
Natasha Bertaud a rappelé qu’en 2015, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait déclaré que mettre un terme à l’opération italienne Mare Nostrum était une erreur. Et que la Commission avait cherché à corriger cela en triplant immédiatement les capacités de sauvetage de l’UE en Méditerranée.
Depuis, quatre opérations en Méditerranée ont permis de sauver près de 730 000 personnes, le nombre de morts déclinant de manière considérable par rapport aux années précédentes.
« Ce n’est pas les politiques européennes qui causent ces tragédies, c’est le business model cruel et dangereux utilisés par les trafiquants et les passeurs qui exploitent la misère humaines et mettent la vie des gens en danger », a-t-elle martelé.
La porte-parole a ajouté que la formation fournie par l’UE aux garde-côtes libyens pour lutter contre le trafic d’êtres humains, conformément aux droits humains, faisait également partie de cette volonté. Et que l’UE s’efforçait d’améliorer la terrible situation des migrants en Libye.
Le problème est que les États membres de l’UE et l’Italie en particulier, gouvernée par la Ligue de Matteo Salvini, ont rendu impossible le travail des ONG en Méditerranée, et ces opérations n’ont pas été correctement remplacées.
Il est également vrai que les pays de l’UE n’ont pas fait preuve d’une solidarité suffisante avec l’Italie, un pays particulièrement exposé à l’arrivée de migrants secourus en mer.
Un des auteurs de la plainte, l’avocat Juan Branco, qui a défendu Julian Assange et pris fait et cause pour les Gilets Jaunes, se pose comme un opposant à Emmanuel Macron, et a récemment publié l’ouvrage « Crepuscule » qui condamne les politiques françaises en matière de migration, de respect des droits de l’homme. Il a collaboré à cette plainte avec Omer Shatz, professeur de droit international à Sciences Po Paris.
« L’UE a développé une stratégie très élaborée pour cacher ses propres responsabilités », a déclaré Juan Branco lors d’une conférence de presse à Paris lundi , affirmant que lui et ses collègues avaient passé deux ans à préparer ce rapport.
Le ministère français des Affaires étrangères a rejeté l’accusation, affirmant qu’elle n’a aucun sens ni fondement légal. « La France s’est fortement engagée dans la lutte contre la traite des êtres humains et les passeurs », a-t-il déclaré dans un communiqué, cité par l’AFP.
Créée en 2002 pour juger les pires crimes du monde, la CPI ne poursuit que des individus et reçoit chaque année des centaines de demandes d’enquête.