Les constructeurs automobiles européens sont en difficulté face au ralentissement des ventes de véhicules électriques et à la concurrence féroce de la Chine. Euractiv a contacté plusieurs eurodéputés issus de pays où ce secteur est important pour leur demander ce que l’Union européenne (UE) peut faire pour renverser la vapeur.
La semaine dernière, Volkswagen a annoncé pour la première fois la fermeture potentielle de certaines de ses usines en Allemagne. En Belgique, l’avenir de l’usine de véhicules électriques d’Audi à Bruxelles est également menacé et aucun nouveau modèle ne devrait y être produit dans les années à venir.
Selon la Commission européenne, près de 14 millions d’Européens sont directement et indirectement employés par le secteur automobile, dont le chiffre d’affaires représente plus de 7 % du PIB de l’Union.
Le rapport sur la compétitivité de l’UE rédigé par l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi et publié lundi (9 septembre) appelle à un plan d’action industriel spécifique pour ce secteur.
« Malgré l’ambition de l’UE de maintenir et de développer la capacité de production de technologies propres, il y a de nombreux signes d’une évolution dans la direction opposée, avec des entreprises européennes qui annoncent des réductions de production, des fermetures et des délocalisations partielles ou totales », peut-on lire dans l’analyse du technocrate italien.
Tous les eurodéputés contactés par Euractiv pour commenter la situation ont reconnu que le secteur automobile européen est en difficulté.
« Pour des entreprises comme Volkswagen (VW), la stratégie agressive de la Chine dans le secteur des véhicules électriques représente un défi important », explique l’Allemande Hildegard Bentele (Parti populaire européen, PPE).
Cependant, lorsqu’il s’agit de diagnostiquer le problème et d’identifier des solutions, les membres du Parlement européen pointent dans des directions différentes.
Pour certains, ce sont les normes européennes en matière de climat qui posent problème.
« Après des discussions approfondies avec les constructeurs automobiles allemands, et en ma qualité de législatrice pour la politique industrielle, je plaide en faveur d’une plus grande flexibilité dans les objectifs de réduction des émissions de CO2 », indique Hildegard Bentele.
Les normes européennes en matière d’émissions de carbone, qui exigent la disparition progressive des voitures émettant du carbone et prévoient une interdiction effective à partir de 2035, étaient un enjeu de campagne pendant les élections européennes de juin.
Selon un autre eurodéputé allemand, Andreas Glück, du groupe libéral Renew, « nous ne devrions pas dicter les technologies qui devraient être utilisées » pour parvenir à la décarbonation du transport routier — une référence aux discussions actuelles sur l’exemption des voitures fonctionnant avec des carburants 100 % neutres pour le climat, connus sous le nom de carburants de synthèse (e-carburants).
De l’autre côté du spectre politique, l’eurodéputé socialiste allemand Mathias Ecke estime que le cadre actuel est fiable et permet la décarbonation du secteur sans le restreindre, mais il pointe du doigt la direction des entreprises automobiles.
« En tant que social-démocrate, je suis inquiet […] et je comprends la frustration des employés de VW, qui remettent légitimement en question les décisions de la direction, y compris le fait de ne pas avoir mis l’accent sur le développement de voitures électriques abordables », note-t-il.
Pour l’eurodéputée écologiste belge Sara Matthieu, les constructeurs automobiles européens ont résisté à tort au passage à l’électrique.
« Pendant trop longtemps, l’industrie automobile a résisté et fait pression contre le passage des carburants fossiles aux véhicules électriques, une stratégie à courte vue pour satisfaire les actionnaires au détriment de l’innovation et de l’investissement », affirme-t-elle.
Pour l’eurodéputé allemand de centre droit Oliver Schenk (PPE), il faut « un soutien national fiable pour l’achat de véhicules électriques », ainsi qu’une « expansion cohérente de l’infrastructure destinée aux voitures électriques dans les États membres ».
Matthias Ecke défend également les mesures nationales visant à augmenter l’achat de véhicules électriques. « Le gouvernement allemand doit trouver un moyen de relancer la demande de véhicules électriques, comme le faisait le bonus pour les acheteurs de véhicules électriques, récemment supprimé. »
Pour Sara Matthieu, la Commission devrait aller encore plus loin et définir « un programme d’investissement pour les infrastructures de recharge, les batteries, les énergies renouvelables et autres », facilitant ainsi « l’accès au financement pour ces produits ».
« Parallèlement, elle devrait faire plus pour accélérer l’absorption sur le marché en taxant moins l’électricité, et en veillant à ce que les travailleurs soient protégés à tout moment et bénéficient de nombreuses possibilités de reconversion », poursuit-elle.
La plupart des eurodéputés s’accordent toutefois sur au moins sur un point : la nécessité de protéger les constructeurs automobiles européens de la concurrence étrangère subventionnée.
« Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir l’industrie automobile européenne face à la concurrence dévastatrice, en particulier celle de la Chine », déclare l’Allemand Andreas Glück.
Rapport Draghi
Pour l’eurodéputée suédoise Sofie Eriksson, « le rapport Draghi est une contribution intéressante à cette discussion », et elle confie avoir « hâte d’en discuter plus en détail ».
L’eurodéputé socialiste Matthias Ecke approuve notamment la proposition de Mario Draghi pour un plan dédié spécifiquement au secteur, et déclare qu’il soutient le « concept général […] selon lequel la cohérence et la prévisibilité de la règlementation sont une valeur en tant que telle ».
Dans son rapport, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) a critiqué « le manque de planification de l’UE » dans le secteur automobile, qui s’est vu fixer des objectifs climatiques ambitieux sans stratégie industrielle pour le soutenir.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]